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Après Paco le robot peintre, voici Carlita l’assistante carreleuse

Grégoire Noble
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[Zepros Bâti] Elle pèse 110 kg, elle est capable d’en soulever plus de 25 sans sourciller. Elle est française, plutôt charpentée et se prénomme Carlita. Qui est-elle ? L’assistante dont rêvent tous les carreleurs. Serge Sémété, fondateur de la société Robotile et concepteur de cette machine, nous explique son fonctionnement et ses avantages sur un marché où les grands carreaux deviennent la norme mais où la distanciation sociale vient compliquer les interactions humaines sur un chantier.

Les carreleurs sont aujourd’hui soumis à deux tendances contradictoires : d’un côté, l’accroissement de la taille et donc du poids des carreaux, qui deviennent délicats à manipuler seul, sans risque, et de l’autre, la nécessaire distanciation physique entre les différents intervenants d’un chantier… Le salut pour résoudre cette équation viendra peut-être de Carlita, l’assistante mécanique de pose, une machine imaginée par deux Gadz’Arts (ingénieurs des Arts et Métiers), dont Serge Sémété, le dirigeant de la société Robotile. Il nous raconte l’origine de cette aventure : « J’ai décidé, voilà 10 ans, de me lancer dans la construction de ma maison et de m’occuper moi-même de poser le carrelage. Pour l’époque, les carreaux de 60 x 60 étaient des grands formats. Je me suis imaginé que c’était un bon plan pour en poser moins, mais en fait j’ai mis deux fois plus de temps… Le travail était pénible, ils faisaient 9 kg, à la fin de la journée j’étais rincé. D’autant que plus la taille est grande, plus il y a des problèmes d’affleurement à régler. J’ai trouvé bizarre qu’il n’y ait pas d’assistance pour les professionnels et j’ai imaginé un bras collaboratif, comme dans les usines, pour positionner les carreaux avec un minimum d’efforts ».

En approfondissant la question, l’ingénieur s’aperçoit que la robotisation n’est peut-être pas la plus adaptée ni la moins onéreuse et se tourne alors vers une solution purement mécanique, de porte-à-faux avec équilibrage physique. « Il y a un contrepoids ainsi qu’un amortisseur de retour sur une partie de la course », nous révèle-t-il. Le mécanisme est breveté en mars 2019 à l’Inpi. « L’idée reste quand même d’aller un jour jusqu’au robot. Mais l’assistante mécanique est moins chère, à 15 k€ HT. Elle servira à évangéliser les professionnels avec une machine simple et fiable, à base de poulies, tubes en acier, clapets… faciles à réparer ». Elle se présente sous la forme d’un chariot supportant une potence télescopique, démontable en sept fardeaux de moins de 20 kg chacun. Remontable en 5 à 6 minutes, Carlita s’avère capable de soulever des éléments de 25 kg ou d’une surface de 1 m² grâce à ses ventouses reliées à une pompe alimentée par une petite batterie. « Les quatre ventouses permettent également de manipuler quatre carreaux de petit format en une fois. Voire de manipuler des éléments de parquet 20 x 180 mm ». Polyvalente, la machine peut également basculer les charges verticalement de façon à pouvoir les encoller. La surcharge de colle ne sera pas un souci, Carlita a les reins solides et le bras musclé.

Le gain de temps n’a pas encore été estimé sur la manipulation des grands éléments mais l’Apave a certifié la machine. Et la pénibilité est bien réduite : -35 % d’efforts musculaires. Autre avantage, la prise en main s’avère facile, comme démontré par les élèves du lycée professionnel Gustave Eiffel de Massy qui l’ont testée. Les adolescent(e)s ont rapidement pu manipuler des grands carreaux sans risque. « Un carreleur chevronné mettra peut-être paradoxalement plus de temps à s’adapter à la nouvelle technologie, mais en moins d’une demi-journée ce sera bon ». Fabriquée en France avec le concours d’un métallier stéphanois, l’assistante carreleuse a suscité un certain intérêt sur le salon Batimat 2019 où elle était présentée. Serge Sémété a lui-même contacté de grandes entreprises de carrelage franciliennes et décroché un premier contrat, pour un – et potentiellement plusieurs – exemplaire(s) à livrer prochainement. « L’objectif est d’en vendre 10 d’ici à la fin de l’année », nous confie le dirigeant de Robotile. Par la suite, d’autres fonctionnalités pourraient être développées afin d’intégrer toutes les phases de la pose de carrelage, avant de pousser vers l’automatisation puis la robotisation… Un autre Français, Kamel Zaadoub, travaille lui-aussi sur une « machine à carreler » depuis 2015 (récoltant même une médaille d’or au concours Lépine 2016), mais sa solution qui pose seule des lignes droites de carreaux 30 x 30 ou 60 x 60, nécessite un investissement beaucoup plus lourd, entre 60 et 80 k€, soit 4 à 5 fois le prix d’une Carlita. Des grands groupes comme Bouygues et Sika travailleraient également à des solutions robotisées pour les carreleurs. Mais à ce jour, la solution de Robotile semble la plus abordable et la plus robuste.

G.N.

Grégoire Noble
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