Bulletin de santé des artisans : en 2019, plus d'optimisme mais des alertes

Marie Laure Barriera
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La nouvelle édition du baromètre ARTI Santé BTP a été dévoilée fin avril. L’enquête, réalisée avant la crise sanitaire, révèle les difficultés auxquelles étaient déjà confrontés les dirigeants d'entreprises artisanales mais fait aussi apparaître des évolutions positives. Le regain d'optimisme enregistré fin 2019 résistera-t-il sur ces prochains mois. Le point sur les principaux enseignements ...

Menée par la Capeb, le CNATP et IRIS-ST, le baromètre ARTI Santé BTP établit un bilan de la santé des chefs d’entreprises artisanales, chaque année depuis 2014. Parmi les points positifs de cette dernière enquête, réalisée auprès de 2053 répondants entre novembre et décembre 2019, la Capeb souligne par exemple « un regain d’optimisme chez les répondants ». AInsi, 54 % sont plutôt optimistes concernant l’activité de leur entreprise (contre 40 % en 2018) et 65 % se disent totalement épanouis dans leur métier. Autre évolution favorable, la diminution du rythme de travail tant par l’allongement de la durée des congés, que du nombre de jours et du nombre d’heures travaillés par semaine. Toutefois, cette durée du travail varie selon la taille de l’entreprise. Entre 11 et 15 salariés, 38 % d’entre elles répondent travailler plus de 60 heures hebdomadaire, contre 14 % pour les artisans travaillant seuls. A noter que 50 % des répondants, toutes tailles confondues estiment consacrer 25 % de leur temps aux tâches administratives.

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Cette diminution du temps de travail va-t-elle de pair avec un meilleur équilibre de vie ?

Pas réellement selon l’étude puisque « 87 % des dirigeants ont toujours le sentiment que leur vie professionnelle empiète sur leur vie privée et 75 % d’entre eux considèrent qu’ils ne sont pas suffisamment disponibles pour leur entourage ».

D'ailleurs, exigence mentale et exigence physique, deux éléments négatifs récurrents cités par les dirigeants, sont d’ailleurs en augmentation respectivement de +5 et +3 points. L’exigence mentale exprimée à 91%, s’explique selon la Capeb par une conjugaison de facteurs, tels que le poids des démarches administratives, la charge de travail, les contraintes de délais et la nécessité de devoir être de plus en plus réactif. Conséquences directes : les chefs d’entreprise artisanale sont également 58 % à affirmer se sentir très fatigués (contre 59 % en 2018, 58 % en 2017 et 56% en 2016) et 47 % déclarent se réveiller au milieu de la nuit et avoir du mal à se rendormir. Une fragilité émotionnelle qui s’accompagne d’un sentiment d’isolement grandissant (+4%). Face à des difficultés financières, seulement 21 % des dirigeants se font aider et uniquement 26 % savent vers qui se tourner dans une telle situation.

Ces résultats obtenus en 2019, pour certains inquiétants font craindre à la Capeb de voir la situation s’aggraver fortement suite à la crise sanitaire que nous traversons et à l’augmentation des difficultés : parmi celles-ci les pertes financiaires, les nouvelles tâches administratives ou encore la volonté de rattraper le retard sur les chantiers. C’est pourquoi la Confédération a noué un accord avec le CIP, le réseau du Centre d’Information sur la Prévention des difficultés des entreprises (CIP). Cette structure nationale d’écoute et de conseils accompagne et oriente les chefs d’entreprises en difficulté, de façon anonyme et gratuitement (Voir ci-dessous notre entretien avec le président du CIP National). Un soutien qui peut s'avérer utile pour assurer l'avenir des entreprises.

A retenir

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Les points d’alerte

- Une activité de plus en plus exigeante : la part des dirigeants déclarent leur métier « très » exigeant physiquement et mentalement est en hausse : respectivement +4 et + 9 points par rapport à 2018

- Un équilibre vie familiale et vie professionnelle difficile à trouver : 87 % des répondants ont le sentiment que leur vie professionnelle empiète sur leur vie privée

- Renforcement du sentiment d’isolement : 40 % des artisans ont le sentiment d’être isolés : un chiffre en augmentation de + 4 points par rapport à 2018

- Les cas de burn-out en hausse : une maladie qui concerne davantage de répondants cette année : 6 % contre 5 % en 2018.

Les points positifs

- Un rythme de travail en légère baisse : la proportion de dirigeants travaillant plus de 60 heures par semaine est de 21 % en 2019 contre 26 % en 2018

- Un regain d’optimisme : 54 % des répondants sont plutôt optimistes concernant l’activité de leur entreprise et 65 % des artisans sont épanouis dans leur métier.

- Un suivi médical qui intéresse : 68 % les dirigeants seraient intéressés par un suivi médical en lien avec leur activité professionnelle.

Trois questions à William Nahum, président du CIP National

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Zepros : qu'est-ce que le CIP ?

William Nahum : « Le Centre d’Information sur la Prévention des difficultés des entreprises a été créé il y a 25 ans. A l'origine sous l'impulsion d'experts comptables, rejoints par des avocats, des juges consulaires, des administrateurs judiciaires, à la retraite ou en fonction. Notre plate-forme nationale d’écoute et d’orientation propose aux chefs d'entreprises confrontés à des difficultés une aide gratuite. Sous la forme de rendez-vous personnalisé organisés dans l'un des 66 CIP régionaux, nos échanges permettent de cerner les problématiques et d'orienter vers les bons relais. Nos accords avec des associations de séniors peuvent aussi conduire à la venue dans l'entreprise d'un expert pour mieux identifier les solutions. Depuis le confinement, notre modèle a évolué et nous proposons des rendez-vous en visio-conférence. Le fonctionnement est simple, puisqu'il suffit de nous adresser un mail pour obtenir dans les 24 heures un rendez-vous avec l'un de nos membres. »

Zepros : Avez-vous déjà ressenti une augmentation des demandes depuis le début de la crise sanitaire ?

W.N. : « Pour l'instant, nous n'avons pas noté d'accroissement spectaculaire mais nous avions déjà de nombreuses demandes liées aux différents mouvements sociaux des derniers mois. Tous les effets de la crise sanitaire ne se font pas encore ressentir car les dispositifs de soutiens mis en place par les pouvoirs public ont suspendu les difficultés, mais il est certain que ce n'est que temporaire. Le redémarrage de l’économie ne se fera pas sans obstacles : paiement des charges reportées, crédits garantis par l’État à rembourser, délais de paiement rallongés, etc. La mobilisation de nos CIP Territoriaux pour apporter un soutien bienveillant, gratuit et confidentiel est une nécessité. »

Zepros : Pensez-vous que face à cette crise, vos missions vont encore évoluer ?

W.N. : « Notre rôle auprès des dirigeants était avant tout d'apporter un regard extérieur avec une expertise techniques, comptables et financières. Mais, dès 2016, nous avons décidé de former nos intervenants sur la détection de la détresse psychologique et élaboré un partenariat avec APESA France (Aide Psychologique pour les Entrepreneurs en Souffrance Psychologique Aigüe). Avec cette écoute humaine, nos bénévoles peuvent, s’ils le jugent utile, proposer une consultation avec un psychologue clinicien. Le chef d’entreprise peut ainsi, s’il le souhaite, bénéficier de ce soutien psychologique gratuit. Là encore en toute confidentialité ».

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