Réemploi à grande échelle pour la réhabilitation du site Emmaüs Angers
Installée depuis 1982 sur un site de 12 hectares à Saint-Jean-de-Linières, la communauté Emmaüs d'Angers a souhaité revoir ses ateliers vétustes et ouverts à tout vent. Au fil du temps, le projet a pris de l'ampleur, intégrant la création d'un nouveau bâtiment de vente, la transformation en ateliers de l'ancienne salle de vente, et l'extension du restaurant où se retrouvent les 60 compagnons, les 7 salariés du site et les bénévoles.
Mûri durant 5 années de réflexion, le projet de rénovation a revêtu une exigence écologique et solidaire en lien avec l'ADN d'Emmaüs. « Nous souhaitions un architecte qui s'implique et puisse nous faire des propositions originales par rapport à ce qu'est Emmaüs, et donc au réemploi », explique Patrick Guéry, bénévole associé à la démarche de programmation et lui-même ancien architecte du Département. Le choix de l'association s'est porté sur l'architecte angevin François Terrien, pas familier de la réutilisation de matériaux excepté en réhabilitation de patrimoine, mais motivé par l'envie de conduire « un projet sans savoir avec quoi on va le construire ».
Une "façade manifeste"
La démarche a impliqué pour les acteurs du projet une manière nouvelle de travailler, avec des allers retours permanents entre maître d'ouvrage et maître d'œuvre, et un permis de construire largement déconstruit. L'association locale Matière Grise a apporté toute son expertise dans la collecte des matériaux de récupération, validés par le bureau de contrôle, le bureau d'études et le maître d'ouvrage avant leur intégration dans le projet. La nouvelle salle à manger de 140 m² illustre la richesse et la diversité de cette ressource. On y trouve un parquet en châtaigner venant d'un gymnase de Rennes, des poutres en lamellé collé issues d'une ancienne patinoire, des fenêtres déclassées suite à une erreur de cotation fournies par Bouvet, des contreplaqués donnés par le fabricant de camping-cars Pilote. Les ateliers, isolés selon le principe de la boîte dans la boîte, ont récupéré des fenêtres provenant de la rénovation d'un immeuble de bureaux du Conseil départemental. Pour la nouvelle salle de vente, la réutilisation de la structure d'un ancien gymnase des années 1920 s'est avérée trop compliquée et le choix du neuf a été fait. Mais de nombreux produits de récupération y ont été utilisés, dont l'isolant Métisse, produit à partir de textile recyclé. Véritable vitrine du projet, la « façade manifeste » déroule des dizaines de menuiserie allant du 17e au 20e siècle.
Une filière en structuration
Leur pose a été réalisée en chantier participatif, tout comme la mise en œuvre d'isolant paille. Des chantiers de réinsertion ont également pris part au projet aux côtés des entreprises. L'estimation de l'économie financière réalisée avec le réemploi tourne autour de 40 000 €. François Terrien indique par ailleurs que 134 tonnes de produits manufacturés ont été récupérés, correspondant à 3 950 tonnes de matériaux vierges, soit une économie de 159 tonnes de CO2. Conscient que l'image d'Emmaüs a joué favorablement dans la dynamique de dons enclenchée, l'architecte aimerait aujourd'hui récidiver dans l'habitat social. Son implication dans le collectif angevin MATEmorphose, qui vise à structurer la filière réemploi des matériaux du bâtiment dans le Maine-et-Loire, pourrait l'y aider puisque l'on y retrouve également le bailleur social Podeliha, Matière Grise, la FFB ou encore la Capeb. En attendant, le chantier Emmaüs reçoit de nombreuses visites et a obtenu trois distinctions, dont le prix du projet citoyen 2023 décerné par l'Union des Architectes UNSFA et un Trophée Bâtiment Circulaire.
Fiche technique :
Projet : requalification et extension des espaces Emmaüs Angers
Surfaces : 3 660 m² habitables dont 1 290 m² neufs
Maître d'ouvrage : Emmaüs France
Maître d'œuvre : Terrien Architectes
AMO réémploi : Association Matière Grise
Economiste : BE Christophe Malet
BE thermiques et fluides : BatiMgie
Budget global : 2,6 M€
Deux ans de travaux en site occupé