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[Convention collective] Négoce bois : l’alternative FNB ou FNBM

Stéphane Vigliandi
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[Zepros Négoce] Depuis trois ans, le gouvernement engage un vaste chantier visant à optimiser le paysage conventionnel d’ici à la fin de l’année. À l’avenir jugé « incertain », la convention collective nationale du négoce de bois d’œuvre et produits dérivés pourrait fusionner avec celle de la Fédération nationale du bois (FNB) ou de la Fédération du négoce de bois et matériaux de construction (FNBM). Faute d’accord, l’État devrait trancher.
C’est la dernière ligne droite pour la restructuration des branches. Depuis deux ans, au niveau de toutes les interprofessions, patronat et syndicats de salariés ont obligation d’ouvrir les discussions conventionnelles pour être absorbés ou fusionner avec d’autres branches. « À défaut de rapprochement spontané des branches », le ministère du Travail avait indiqué aux partenaires sociaux, au cours de l’automne 2016, qu’il « reprendra la main comme le prévoit la loi ». En amont de la loi Travail de 2016 et des ordonnances du Code du travail qui ont suivi, le rapport Quinqueton de 2015 soulignait alors que « le débat public sur la (re)structuration des champs conventionnels s’est cristallisé autour d’un objectif – une centaine de branches dans 10 ans [voir encadré “Moins de 250 branches fin 2019”] –, mais c’est bien sûr l’organisation même des champs conventionnels qu’il nous faut clairement repenser ».

Métier spécifique et proximité historique

C’est dans ce contexte que « la FNB se mobilise pour le secteur du négoce de bois ». Président de la commission Négoces à la FNB, Jacques Barillet rappelle que « la distribution bois et dérivés reste un univers spécifique. Le négoce indépendant et familial représente aujourd’hui plus de 50 % du marché BtoB français. Et depuis plus de 20 ans, la concentration de la distribution est réalisée principalement par les indépendants ». Raisons pour lesquelles « les négociants indépendants en bois et dérivés doivent reprendre la maîtrise de leur convention collective », estime Jacques Barillet qui est aussi président de Sylvalliance. D'ailleurs, ce groupement d'indépendants avait quitté la FNBM en 2013 pour rejoindre la FNB. À ce jour, 16 de ses 20 adhérents français sont à la FNB. Parmi les quatre autres membres, certaines sociétés dépendent de la convention de la quincaillerie comme Bailly-Quaireau. D'autres comme Bâtiland qui a rallié Sylvalliance fin 2018, sont sous le régime de la convention collective nationale (CCN) du négoce de matériaux. Toutefois, « Bagnères Bois qui est l'un des négoces les plus importants de Bâtiland, dépend de la convention collective du négoce de bois et dérivés », précise la direction de Sylvalliance.Pour ces professionnels, il s'agit en somme d'un retour à leur convention d’origine… Fin 1996, les indépendants du secteur abandonnaient la CCN du travail mécanique de bois des scieries, du négoce et de l’importation des bois. Une CCN que gère la FNB et qui a animé, dès le milieu des années 50, le dialogue social dans le négoce bois. Depuis bientôt 23 ans, la CCN du négoce de bois d’œuvre et de produits dérivés régit les rapports entre employeurs et salariés du secteur. « Ce texte conventionnel s’est largement inspiré de la CCN portée par la FNB. Il existe une proximité historique entre les deux conventions », observe Michel Astier, responsable des affaires sociales de cette fédération qui recense à ce jour 1 800 entreprises adhérentes (de l’exploitation forestière au bois énergie et à l’export de bois en passant par le négoce) pour plus de 65 000 salariés.

Représentativité confirmée

« À la fin 2016, 44 sociétés indépendantes de négoce de bois ont adhéré à la FNB. Ce qui représentait 25 % des
entreprises du secteur », rappelle Jacques Barillet qui rejette d'ailleurs toute idée de « confrontation entre la FNB et la FNBM ». À l’issue d’un premier comptage national mené auprès de toutes les interprofessions et publié mi-2017 par le ministère du Travail, le Haut Conseil du dialogue social a ainsi reconnu la FNB comme étant « représentative dans le champ des négociations conventionnelles » pour le négoce de bois par un arrêté du 3 octobre 2017 (voir tableau ci-dessous).Pour être considéré comme représentatif, la loi fixe un critère d’audience supérieur à 8 %. « Nous pouvons donc négocier les accords collectifs de travail jusqu’à la prochaine détermination de la représentativité patronale qui aura lieu en 2021 », se félicite Michel Astier. Pourtant, en décembre 2017, la FNBM avait engagé une action en justice pour contester cette représentativité de la FBN auprès de la filière du négoce bois. Fin décembre 2018, la Cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête.
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Logique de filière

Pour la FNB, l'absorption de la CCN du négoce de bois par sa propre CCN poursuit un triple objectif. Primo, « la volonté d’assurer une cohérence de filière autour de la notion de produit lié au matériau bois ». Secundo, «assurer des passerelles de compétences pour valoriser et promouvoir l’utilisation du bois » dans un environnement où le 3e Plan Bois (2017-2020) vise à « lever les freins culturels » et « positionner favorablement les solutions bois » dans la perspective de la future RE 2020. Tertio, « disposer d’un statut conventionnel unifié autour du produit bois et dans le cadre d’une filière métiers cohérente ». Si la fédération entend « laisser à chaque entreprise le choix de sa convention collective en fonction de sa stratégie et de l’évolution de son activité », elle rappelle toutefois que «certaines entreprises, et elles sont nombreuses, n’adhèrent ni à la FNB ni à la FNBM. Il est important qu’elles aient conscience de ces enjeux ».

Argument économique

Selon Jacques Barillet, la fusion de la CCN du négoce bois dans celle du négoce de matériaux de construction gérée par la FNBM présente « le risque de dégrader la compétitivité de nos entreprises qui sont toutes des TPE, PME ou ETI familiales ». En cause principalement : les taux liés à la prime d’ancienneté et à la prime de vacances (13e mois). La commission Négoces de la FNB a réalisé des simulations et fait ses comptes (voir ci-dessous). « Le passage de la CCN du négoce de bois d’œuvre et de produits dérivés à la CCN du négoce des matériaux de construction générerait une augmentation de la masse salariale de 5 à 6 % en moyenne ; soit près de 1 % du chiffre d’affaires, souligne Jacques Barillet. Par exemple, une entreprise qui réalise un résultat d’exploitation de 2 %, verrait son résultat d’exploitation passer à 1 %... »Pour ce chef d'entreprise basé près d'Orléans, « ce serait un véritable choc dans les entreprises de négoce de bois où la masse salariale est sensiblement plus importante que dans les négoces de matériaux à chiffre d’affaires égal, et représente plus de 50 % des frais généraux. Dans un négoce bois, le chiffre d’affaires livré est beaucoup plus élevé que le chiffre d’affaires enlevé contrairement aux négoce matériaux ». Dans un communiqué de presse diffusé en fin de semaine dernière, la FNB rappelle ainsi que « les entreprises qui partagent cette vision doivent pouvoir [l’]intégrer rapidement ». D'autant que les pouvoirs publics effectueront un nouveau comptage de représentativité au niveau national en fin d'année.
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Réactions

De son côté, la FNBM ne souhaite pas polémiquer. « Depuis le rejet de notre requête par la Cour administrative d’appel de Paris, notre comité directeur a décidé que ce dossier était clos », confie Laurent Martin-Saint-Léon, le délégué général. À la tête de la fédération, Franck Bernigaud rappelle simplement que « la FNBM a été reconnue représentative de la branche du négoce de matériaux et de la branche du négoce de bois [à 86 % pour l'audience côté salariés]. Si la FNB se positionne dans une logique de filière bois, la FNBM s’inscrit dans une logique des métiers de la distribution BtoB et défend les intérêts de l’ensemble des négociants. Ensuite, ce sera à chaque négociant bois de prendre sa décision ».Si l’association Le Commerce du Bois (LCB) « n'a pas pour mission de se positionner sur le champ social », rappelle son directeur Arnaud Hétroit, un point doit être fait prochainement sur les conventions de rattachement. « Parmi nos 240 membres, environ 200 sont des négoces indépendants ou intégrés. La responsabilité leur revient individuellement de se positionner en faveur de l’option FNB ou FNBM », note-il.Pour sa part, Olivier Bouney, le président de Nébopan, l’autre grand groupement d’indépendants sur les marchés des bois et dérivés, convient qu’« il faut bien sûr défendre ensemble la filière bois. Les 23 adhérents Nébopan regardent de très près ce dossier de la CCN. Nous échangeons sur le sujet avec Sylvalliance. Mais il n’y a peut-être pas d’urgence à quitter tout de suite l’actuelle CNN du négoce bois qui fusionnera avec celle du négoce matériaux. Nous estimons avoir des chantiers plus urgents à gérer comme la formation, le recrutement dans un contexte de métiers en tension et le digital ».Dans ce dossier conventionnel, des professionnels évoquent aussi une éventuelle distorsion de concurrence entre les négociants d'une filière bois ne dépendant pas de la même convention collective. Si pour Pascal Roussel, secrétaire national de la CFDT Construction & Bois, « il existe un risque de concurrence déloyale en filigrane », ce permanent rappelle que depuis « plus de sept ans, il n’y a eu aucune négociation entre les partenaires sociaux à propos de la CCN du négoce de bois, hormis dans le cadre du choix de l’OPCO ». Contrairement à ses collègues de FO et de la CGC notamment, il milite pour que les salariés de la branche soient rattachés à la CNN du négoce de matériaux. « Un moyen pour ne pas tirer vers le bas le droit social ! Il faut que toute la profession du négoce bois et matériaux conserve un fonctionnement collectif et mutualisé », résume Pascal Roussel. À la FNB et à la FNBM, un “contre-la-montre” semble engagé. Stéphane Vigliandi

Moins de 250 branches fin 2019

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En matière d’accords de branche, la France fait – là aussi – figure d’exception culturelle. En 2014, plus de 700 branches professionnelles étaient recensées (hors agriculture). Avec la loi El Khomri de 2016 (dite “loi Travail”), puis la réforme du Code du travail de 2017, le ménage a commencé. En début d’année, le ministère du Travail n’en recensait plus que 417. D’ici à la rentrée prochaine, la ministre Murielle Pénicaud a dans son viseur le seuil des 200 à 250 branches tout au plus. Un chiffre qui se rapprocherait alors de la situation allemande. Selon une note rédigée début 2017 par la direction générale du Trésor, « il existerait 150 branches de taille très inégale », mais qui se caractérisent par « la vitalité de la négociation collective ».
Stéphane Vigliandi
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