La construction métallique a une santé de fer

Grégoire Noble
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[Zepros Bâti] Le syndicat de la construction métallique de France (SCMF) a connu une année 2021 de retour à la croissance, parvenant même à dépasser le niveau d'avant-crise. Le marché s'établit à 3,8 Mrds € avec une forte demande sur les entrepôts logistiques, l'agro-alimentaire et les infrastructures publiques. Mais si le volume est présent, les marges, elles, ont fondu. Tous les détails avec Roger Briand, le président du syndicat.

« À la fin de 2021, la reprise sera confirmée avec +8 ou +9 % sur l’année », annonce avec satisfaction Roger Briand, le président du Syndicat français de la Construction métallique (SCMF). « Et nous sommes optimistes pour le début de 2022 (…) Les carnets de commandes sont bien garnis et nous sommes consultés pour de nouveaux projets », poursuit-il. Les bâtiments industriels et particulièrement logistiques et de distribution, ont porté le marché grâce au boum du e-commerce et représentent plus de 61 % de l’activité, devant les bâtiments agricoles (13,4 %). La production annuelle atteint les 780 000 tonnes d’acier (+8 % par rapport à 2020), ce qui est même supérieur à l’activité d’avant-crise (+2 % par rapport à 2019), démontrant « une bonne tenue ». In fine le chiffre d’affaires de la construction métallique française atteindra les 3,9 Mrds € (dont 10 % à l’export), une belle performance dans un contexte chahuté.

Tout d’abord parce que les cours de l’acier se sont envolés depuis un an et qu’ils commencent seulement aujourd’hui à amorcer une décrue. « Nous sommes dans l’attente de la baisse des prix qui commence tout juste depuis le mois de septembre, avec -3 ou -4 %, alors que nous avons pris +100 %... », analyse le président du SCMF. Compte tenu de cette flambée, les marges ont été rognées et des problèmes sont apparus : « L’actualisation des prix a pu être faite et des pénalités de retard supprimées sur des marchés publics. Pour les marchés privés, la clause d’imprévision peut être activée pour discuter de (petites) compensations », précise-t-il. Ensuite, parce que les réglementations vont évoluer en 2022 et qu’elles seront peu favorables à la construction métallique.

Des évolutions réglementaires qui n’arrivent pas au bon moment


La Réglementation environnementale pour la construction neuve dite « RE2020 » tout d’abord, se trouve critiquée par toutes les filières non biosourcées pour sa méthode d’analyse du cycle de vie. Le mode de calcul retenu introduirait « un parti pris non justifié envers le bois (…) en lui apportant un avantage inéquitable et injustifié », selon les mots de Roger Briand. Le CTICM (centre technique industriel) et le syndicat seraient intervenus auprès de la Direction de l’habitat au ministère, afin de faire évoluer « cette situation inexplicable ». De même, le module Déconstruction qui valorise normalement le recyclage des matériaux du bâti se trouverait artificiellement raboté par l’ACV dynamique de 43 %, pénalisant encore une fois la filière pourtant habituée à récupérer les déchets métallique. « C’est même le matériau le plus circulaire de tous ! Sa seconde vie n’a pas d’impact carbone et l’acier conserve ses caractéristiques mécaniques même après recyclage », déclare le président du SCMF qui plaide pour des bâtiments mixtes bois-acier-béton. Ces derniers tireraient ainsi avantage de tous les bons côtés de ces matériaux.

Sur l’entrée en vigueur de la Responsabilité élargie du producteur (REP), là aussi, les professionnels de la construction en métal s’estiment lésés. Roger Briand reprend : « Pourquoi serions-nous assujettis à cette écocontribution alors que notre filière est déjà organisée pour récupérer et recycler l’acier ? ». La filière met en avant la quantité de métal retraitée chaque année qui atteint les 650 000 tonnes. Pour autant, le SCMF s’acquittera de ses obligations réglementaires et pèsera sur les décisions puisque le syndicat s’est associé à l’initiative d’éco-organisme Valobat, lancée au mois de juillet dernier par 26 grands acteurs des produits de construction. La profession sera déclarée « metteuse sur le marché » de pièces de structure assemblées sur les chantiers. L’enjeu, pour elle, sera d’assurer la traçabilité des aciers suite aux démolitions de bâtiments et d’infrastructures, afin de gagner en qualité. Mais attention, « les montants de l’écocontribution devront être surveillés », prévient le président du syndicat.

Les acteurs de la construction métallique souffrent par ailleurs – comme beaucoup de secteurs industriels – d’une pénurie de main d’œuvre qualifiée et pérenne. Pour preuve, les effectifs ont reculé (-0,26 %) sauf dans le cas des intérimaires (+28 %). « Nous avons des problèmes de recrutement à tous les niveaux. L’image est dégradée et nous peinons à attirer les jeunes, même si nos usines sont modernes et robotisées, gérées par des opérateurs et plus par des ouvriers », relate le président. Les besoins sont pourtant importants : le SCMF les évalue à 5 000 personnes par an pendant 5 ans, soit 25 000 postes à pourvoir, toutes qualifications comprises (dessinateur, projeteur, ingénieur…).

G.N.

Grégoire Noble
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