Chutes de hauteur : l’OPPBTP lance sa campagne 2024 pour sensibiliser le BTP toujours très exposé
Dix ans après la première campagne nationale de prévention et de sensibilisation “Travaux en hauteur, pas droit à l’erreur”, l’OPPBTP et ses partenaires récidivent du 21 mai au 5 juillet prochains. Mais la saison 2024 évolue. Avec un nouveau mot d’ordre axé sur le facteur humain en vue de créer « un véritable déclic » chez les professionnels.
EN PHOTO • De gauche à droite : Christian Morel (médecin du travail), Nicolas Morel (chef d'entreprise de couverture à Belfort et leader de la Charte Couvreur), Pierre Ramain (directeur général du Travail), Anne Thiébeauld (directrice des risques professionnels à la Cnam) et Paul Duphil (secrétaire général de l’OPPBTP).
Dangereux les métiers du BTP ? Une première enquête* de perception du risque a été menée par l’OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du BTP) et les Services de prévention santé au travail. Résultats : « Neuf professionnels sur dix pensent que leur métier est dangereux. 75 % des chefs d’entreprises et 62 % des compagnons ont déjà vécu ou ont été témoin d’un accident de chute de hauteur », constate l’Organisme.
Échelles, passerelles, échafaudages, toitures, murs, pylônes… Ce sont là autant d’équipements et de situations auxquels sont très fréquemment confrontés les compagnons du BTP. Et autant d’éléments qui les exposent aux chutes de hauteur considérées comme « un risque majeur ».
* Enquête menée du 5 février au 8 mars 2024 auprès d’entreprises parmi les plus exposées. 670 professionnels issus de 327 entreprises du BTP ont été interrogés dont 38 % de couvreurs, 37 % de maçons et 25 % de charpentiers bois. 239 chantiers ont été observés.
« Nous espérons que cette campagne permettra à de nombreux professionnels de sortir du déni du risque et de générer une véritable prise de conscience… parce que ça n’arrive pas qu’aux autres. »
Paul Duphil, secrétaire général de l’OPPBTP
D’après les derniers chiffres de la Cnam (Caisse nationale de l’Assurance Maladie, rapport annuel 2021), ce risque reste en tête des accidents graves et mortels dans la filière – hors risque routier et malaises. À hauteur d’un accident du travail mortel sur cinq !
En 2021, le nombre d’accidents du travail (AT) dans le BTP (CTN B) se situait un peu au-dessus de 2019 – avec 752 accidents de plus qu’en 2019 – et a généré environ 89 000 AT recensés) ; soit presque 1 % d’accidents du travail supplémentaire.
La Cnam a d’ailleurs pointé cette année-là 31 décès par chute. Selon les métiers et la typologie d’entreprises, les chiffres peuvent varier fortement (voir le profil-type des victimes de chutes de hauteur ci-dessous).
Chutes de hauteur : le profil-type de la victime
• Métiers les plus touchés → Charpentiers-couvreurs (40 %), Maçonnerie-gros œuvre (24 %)
• Arrêts de travail (AT) en moyenne de 4 mois vs 2,5 mois en moyenne pour les autres types d’accidents.
• Il s’agit d’une chute de moins de 3 mètres touchant des opérateurs en CDI, travaillant dans une TPE-PME.
• Trois-quarts des accidents concernent les entreprises de moins de 50 salariés qui, souvent, ne disposent pas d’un préventeur.
• 50 % des chutes liés à une rupture de toiture fragile ou un défaut des EPI (équipements de protection individuelle) qui font pourtant l’objet d’aides financières de la Cnam.
• Accidents en majorité sur des chantiers de rénovation, pour une intervention de courte durée et chez un particulier.
Gros œuvre, couvreurs et charpentiers aux premières loges
Depuis 2014, l’OPPBTP et la Cnam ont déjà accompagné environ 3 000 entreprises pour faire évoluer leurs organisations et leur proposer des solutions en adéquation avec leurs problématiques, dans le cadre de la campagne “Travaux en hauteur, pas droit à l’erreur”.
Une action de sensibilisation et d’information dans laquelle l’Organisme et ses partenaires – tels que le ministère du Travail, les Services de prévention et de santé au travail-BTP – sont particulièrement engagés et impliqués.
Directeur général du Travail, Pierre Ramain rappelle d’ailleurs que « cinq accidents sur dix concernent le lot gros œuvre (3 sur 10), la couverture-zinguerie (2 sur 10) et la charpente bois (1 sur 10) ».
« Pour les clients, la prise en compte de la sécurité sur le chantier constitue un gage de sérieux. »
Anne Thiébeauld, directrice de la branche Risques professionnels de la Cnam
Prise de conscience collective
Dix ans après sa première campagne, l’Organisme souhaite « donner une nouvelle impulsion à la mobilisation autour de ce risque toujours trop prégnant dans les métiers du BTP ». Mais la campagne 2024 organisée du 21 mai au 5 juillet met un peu plus “les points sur les i”. Et adopte un slogan mobilisateur et principalement axée sur le facteur humain : “Parce que ça n’arrive pas qu’aux autres”.
« Il s’agit d’une nouvelle impulsion pour mobiliser l’ensemble des professionnels du BTP autour de ce risque encore trop prégnant. Nous renouvelons le message avec une campagne centrée cette année sur le facteur humain pour continuer à développer la prise de conscience collective », argumente en substance Paul Duphil, le secrétaire général de l’OPPBTP.
Avec une mission : « Faire évoluer encore les perceptions du risque et contribuer directement à faire baisser le nombre d’accidents du travail liés aux chutes de hauteur ». Il s’agit clairement de « démontrer qu’il est systématiquement possible de travailler en hauteur en sécurité ».
Si les professionnels de la filière ont « largement conscience qu’une chute – même de faible hauteur –peut être mortelle », ils estiment aussi que « ce risque fait l’objet de leur inquiétude principale au travail ».
Autres constats dressés par l’OPPBTP : « La moitié des répondants affirment travailler sans équipement de sécurité au moins une fois par an. Près de la moitié des chefs d’entreprise et des compagnons ne réagissent pas lorsqu’ils se retrouvent face à certaines situations à risques sur le chantier (absence de protection collective, trémie non protégée, etc.) ».
« Au-delà de la rémunération, les conditions de travail et la sécurité sont devenues des critères de choix pour les travailleurs. »
Christian Morel, médecin du travail
Électrochoc pour « éveiller les esprits »
Selon l’enquête préliminaire de perception du risque menée en début d’année par l’OPPBTP et les Services de prévention santé au travail, « une majorité des professionnels interrogés considère que les chutes ne sont pas le fait d’un manque d’expérience (6 professionnels sur 10 en moyenne). En revanche, ils sont presque tous convaincus (95 %) qu’une bonne condition physique et mentale contribue à prévenir ces accidents ».
Grâce à de bonnes pratiques et de bons réflexes, les chutes de hauteur pourraient pourtant être évitées. La saison 2024 de “Travaux en hauteur, pas droit à l’erreur” met à disposition plusieurs outils dont des vidéos pratiques, des webinaires, de multiples ressources documentaires ou encore un court-métrage de sept minutes pour « faire prendre conscience des conséquences personnelles et professionnelles irrémédiables d’une chute de hauteur ».
En outre, une nouvelle formation spécifiquement dédiée à la perception du risque vient compléter les deux formations déjà existantes et remises à jour : “Se protéger des risques de hauteur” et “Maîtriser les risques de hauteur”. Elle se déroulent sur une journée en présentiel.
Au-delà de cette campagne nationale, plus de 140 événements de sensibilisation seront organisés dans les territoires en juin avec « l’objectif de réunir 6 000 professionnels ». Selon l’OPPBTP, il s’agira d’« éveiller les esprits ».
Toutes ces actions locales bénéficieront du soutien d’organisations professionnelles et syndicales, de Pro-BTP, SMA-BTP, ainsi que des loueurs de matériels de chantier et de grandes entreprises du secteur pour relayer la campagne auprès des différents publics concernés.
De son côté, l’Inspection du travail a récemment déployé une campagne annuelle sur la prévention des accidents du travail. Parmi les secteurs particulièrement ciblés et accidentogènes ? Le BTP et, en particulier, les TPE-PME.
Une vaste opération adossée à une campagne européenne qui s’inscrit entre autres dans le sillage du 4e Plan Santé au travail (PST 2021-2025), mais aussi le premier Plan de lutte contre les accidents du travail graves et mortels (le PATGM qui court jusqu’en 2025).
Autant de moyens destinés à réduire la sinistralité et, peut-être, le risque assurantiel. Une manière aussi de faire en sorte que la maxime « C’est le risque du métier ! » ne soit plus un propos... admissible chez les acteurs du BTP.