Tout Faire sécurise ses clients… et les trésoreries

Stéphane Vigliandi
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[Zepros Négoce] Avec le confinement, le groupement a dû basculer toutes ses actions commerciales en 100 % digital. Parmi les effets collatéraux du “coronavirage” ? Un bond des demandes d’adhérents pour se lancer dans l’e-commerce.

Changement de paradigme (aussi) pour les négoces multispécialistes ? Comme dans beaucoup d’enseignes du secteur, Tout Faire a assisté, depuis le 23 mars, à un afflux d’artisans dans les drives sécurisés mis en place par les 273 adhérents de son réseau français. « En s’imposant à toute la profession en moins de six semaines, cette formule et son protocole de sécurité maximale bouleversent – sans doute en profondeur ! – le modèle des négoces. Nous faisons en général beaucoup plus de livré que de ventes à emporter. Sur le terrain, les adhérents et leurs équipes volontaires ont dû s’adapter à cette façon inédite de vivre nos métiers, car le drive-in monopolise beaucoup plus le temps des magasiniers et préparateurs de commandes », convient Éric Dreyer, le directeur général du groupement. La vingtaine d’adhérents qui a déjà déployé l’e-commerce a pu, elle, proposer le prépaiement en ligne. Ce mouvement interne fera-t-il boule de neige plus vite que prévu ? « Un nombre non négligeable de sociétés m’ont fait des demandes en ce sens depuis fin mars », note-t-il.

Précautions sanitaires absolues

Pour accompagner des chefs d’entreprise « souvent tiraillés entre des impératifs parfois opposés (la santé des salariés et la poursuite de l’activité) », la centrale de Verdun avait installé, dès le 17 mars, une cellule de crise : sa “team Covid” composée, entre autres, de la direction Tout Faire et des 5 responsables commerciaux régionaux. En se référant au guide de la FNBM, le groupement a aussi développé un protocole de sécurité sanitaire en interne adapté aux profils des adhérents qui, pour l’instant, ne bénéficient pas d’une gestion RH centralisée.

Certains ont d’ailleurs posté sur les réseaux sociaux de courtes vidéos pour démontrer la batterie de moyens déployés afin de servir en toute sécurité au drive, voire au comptoir. Et bientôt dans les libres-services en prévision du 11 mai prochain. Affichages multiples rappelant les indispensables gestes barrières, marquage au sol et plots pour faire respecter les distances de sociabilisation, distributeurs automatiques de solution hydroalcoolique, zones de courtoisie, sens giratoire pour éviter tout croisement de clients en entrée et sortie… : « c’est un vade-mecum complet pour que chacun, vendeurs et clients, reste vigilant en permanence… même après le 11 mai », prévient Éric Dreyer.

Calendrier bouleversé

Au tout début du confinement, le réseau ne recensait que la moitié de ses 470 agences ouvertes en mode dégradé. Ce sont surtout les zones rurales et rurbaines qui ont le mieux résisté avec un flux d’activité supérieur à la moyenne du groupement. « Dans ces zones, le négoce matériaux fait souvent office d’un des rares points de contact de proximité pour le bâtiment et le bricolage », rappelle-t-il. Résultats ? « Durant les quatre premières semaines, c’était le grand écart avec des disparités d’activité allant de 20-30 % par rapport à un rythme normal chez certains, quand d’autres ont réussi à conserver jusqu’à plus de 80 % de leur chiffre d’affaires », constate-t-il.

Fin avril, le seuil des 92 % de sites opérationnels a été dépassé pour un volume d’affaires moyen évalué à 80 % d’une période classique. « Pour l’instant, ce sont essentiellement les TPE et PME qui viennent s’approvisionner au drive ou se font livrer. Sur le segment du neuf, le redémarrage n’est pas encore vraiment au rendez-vous », note le DG. Si l’activité remonte petit à petit, le service Commerce & Marketing a dû revoir sa copie pourtant. Dans la profession, la période de mars à mai correspond au lancement des campagnes Aménagements extérieurs : l’un des rendez-vous commerciaux forts de l’année. « À la veille de l’état d’urgence sanitaire, 2 millions de prospectus devaient être diffusés. Du stock avait été anticipé en amont en agences. L’action print s’est transformée par la force des choses en action digitale », commente Éric Dreyer. En fait, c’est tout l’agenda commercial de l’année (4 opérations majeures) qui a dû être redéfini alors que l’enseigne doit célébrer ses 30 ans en juin. Avec, à la clé, un vaste dispositif commercial et marketing qui sera, en partie, reporté à la rentrée. En lieu et place : une opération 100 % digitale sur les “Travaux d’été” qui intégrera des offres en aménagements extérieurs. Les adhérents pourront eux-mêmes la pousser via des campagnes d’e-mailing préparées par la centrale.

Ballon d’oxygène

Autre sujet de vigilance : les risques d’impayés et la trésorerie des adhérents, alors que certains assureurs-crédit n’envisageraient pas, a priori, de « sortir le drapeau blanc » malgré la crise sanitaire. Le 17 mars, le président de Tout Faire, Xavier Rubis, avait adressé un message à tout le réseau, leur demandant de « conserver la chaîne des paiements fournisseurs ». C’était « un impératif pour tenter de maintenir l’économie de notre filière », estime Éric Dreyer. Pour apporter un ballon d’oxygène aux adhérents, le groupement a très vite choisi, avec sa supercentrale CMEM, de verser 50 % des RFA aux sociétaires avec un mois d’avance (fin mars ou lieu de fin avril). Et a suspendu leur cotisation dont ils auraient dû s’acquitter sur avril.

Si le groupement n’a eu écho d’aucun refus de la part des Direccte, ses services support avaient conçu un argumentaire type pour faciliter le travail des adhérents lors de leur dépôt de demande de chômage partiel. Idem pour les éventuels dossiers de prêt garanti par l’État. « Bien qu’une telle crise sanitaire et économique puisse induire des situations tendues, la majorité de notre réseau bénéficie de trésoreries saines », se félicite Éric Dreyer.

Seul hiatus peut-être : les négociants qui ont récemment repris des affaires à vendre. « Leur capacité de remboursement pourrait, le cas échéant, être mise à mal. La centrale a dépêché un collaborateur du service Finances & Transmissions pour gérer les dossiers si besoin », concède le dirigeant. Une façon de dire que Tout Faire ne devrait pas faire les frais d’une casse. Malgré les questionnements sur “l’après”, un élan de générosité s’est emparé, comme partout, de Tout Faire. Sur le terrain, certains négociants ont ainsi engagé des initiatives solidaires originales. À l’instar du girondin Fabien Matériaux avec son “Opération Devoirs” pour épauler les élèves en difficulté et… sans imprimante. Malgré la crise, le cœur du négoce bât toujours. Stéphane Vigliandi

LOGISTIQUE • Des livraisons, elles aussi, dégradées

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Dès le début de la pandémie, certains fournisseurs ont stoppé net leurs livraisons. Dans les négoces, des difficultés de réapprovisionnements se sont déclarées. « Le taux de service de notre plateforme nationale [de l’ordre d’au moins 95 % en temps ordinaire] s’en est trouvé bien sûr dégradé », admet la direction du groupement. Avec l’arrêt de l’activité le 17 mars, la logistique Tout Faire a aussi été mise en stand-by jusqu’à début avril. Le 20 avril, 63 % des fournisseurs référencés avaient repris une activité ; mais certains uniquement sur la partie commerce, la production restant encore à l’arrêt. Avec, parfois, son lot de ruptures de stock.

À cette date, le hub logistique du groupement (à Orléans) fonctionnait encore en mode dégradé (avec 60 % des opérateurs pour la préparation, réception et expédition). Depuis, la situation s’est un peu améliorée (75 % à ce jour). Là aussi, les cinq responsables régionaux du réseau pilotent et gèrent les demandes des adhérents. Les livraisons, elles, ne sont plus acheminées qu’aux seuls sièges sociaux des négociants.

Stéphane Vigliandi
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