Olivier Salleron (FFB), l’homme qui voulait 5 milliards
[Zepros Bâti] Élu en pleine crise du coronavirus, le nouveau président de la FFB a un énorme chantier devant lui : celui d’éviter la catastrophe pour 30 000 à 40 000 entreprises et 120 000 emplois dans les mois qui viennent. Olivier Salleron propose donc un plan de relance détaillé à l’exécutif pour « seulement » 5 milliards d’euros par an.
Pas simple d’arriver dans ces conditions. Olivier Salleron, élu à la tête de la FFB pour 3 ans le 20 mars dernier, travaille depuis 1 mois et demi à relancer le secteur du bâtiment en France. « Après un arrêt quasi complet le 17 mars et tout au long d’avril, nous voyons la reprise progressive de l’activité. A l’heure actuelle, 95 % des chantiers sont réouverts. Les 5 % encore à l’arrêt sont des exceptions, des lieux occupés comme des hôpitaux, des Ehpad, des lycées ou des écoles. Ou des petits espaces chez les particuliers », résume-t-il en préambule de sa première conférence de presse. « Mais 17 % des chantiers sont encore en mode dégradé et tournent au ralenti à cause des procédures mises en place, d’effectifs réduits… Ca progresse petit à petit, mais nous ne sommes pas encore à 100 % car il n’est pas possible de faire prendre des risques aux salariés et aux clients ».
Le report des charges : le premier combat
Pour autant, le retour à la normale se fera-t-il après l’été ? Rien n’est moins sûr, avec l’existence de clusters ou la possibilité d’une seconde vague. « Mais maintenant, nous saurions garder un maximum de chantiers ouverts », tente de rassurer le président de fédération. Les prévisions pour 2020 restent toutefois très sombres : « Le Bâtiment devrait chuter de -18 %. Environ 120 000 emplois seront en danger, en fin d’année ou au début de 2021, si les entreprises ne sont pas soutenues sur les surcoûts ». Olivier Salleron poursuit : « Elles travaillent à perte aujourd’hui. La rentabilité moyenne d’une entreprise est de 2 ou 2,5 %. Et les surcoûts liés aux mesures de protection sont évalués à un peu moins de 10 %... ». La situation n’est donc pas tenable sur le long terme. Pour répartir cette charge, la FFB demande une annulation des charges 2020 ou l’instauration d’une aide particulière. « Nous sommes écoutés mais pas entendus. Bruno Le Maire en parle depuis un mois et demi, mais rien ne vient. C’est une grande inquiétude », raconte-t-il, revendiquant le soutien de députés de tous bords pour le dépôt d’amendements au 3e Projet de loi de finance rectificatif.
Il faut sauver le soldat Bâtiment !
Mais la FFB veut aller plus loin et agit vite, sans attendre d’hypothétiques mesures pour 2021. Son nouveau président milite pour une « reprise flash » afin de compenser un printemps perdu, où les travaux ont été arrêtés, où les devis n’ont pas été demandés (-70 %) et où les appels d’offres publics ont été gelés. « Un trou d’air se profile, dès la fin du mois de septembre et la catastrophe risque d’arriver. Il faut agir maintenant, pour éviter le pire », martèle-t-il. Premier axe, la performance énergétique globale. « On peut dynamiser ces travaux en portant MaPrimeRénov’ à 400 €/m² pour les ménages modestes, en incitant à embarquer la performance, sans obligation ». Pour Olivier Salleron, l’échec de la loi Accessibilité a été lié à son imposition. Il ne croit donc pas à l’obligation de travaux pourtant réclamé par la Convention citoyenne.
L’enjeu, pour lui, sera de réduire le « reste à charge » des ménages modestes et très modestes à des seuils de 400 voire 200 €. « Pour les déciles 9 et 10, qui ne sont pas des gens richissimes, pourquoi leur avoir retiré les aides ? Ils représentaient 20 % de la population mais 50 % des clients de la rénovation ! », déplore le dirigeant de la FFB qui demande leur réintégration au dispositif. Autres points précis : la réincorporation des chaudières au gaz à très hautes performances et l’ouverture des aides aux résidences secondaires en zone de revitalisation rurale, ceci pour aider les artisans locaux. Pour les Certificats d’économies d’énergie (CEE), la FFB avance l’idée d’un Coup de pouce pour la rénovation globale des maisons individuelles (intérieur et extérieur) dont le montant serait porté de 50 à 200 €/m². Et la fédération soutient la création de nouveaux Contrats d’accompagnement énergétique (CAE) pour la maintenance des installations et le conseil aux particuliers. Enfin, elle réclame le maintien de la TVA réduite à 5,5 % pour tous les travaux, y compris ceux de rénovation classique.
La ligne (de conduite) verte
Côté immobilier, la FFB propose de rétablir un PTZ à 40 % du montant de l’opération pour certaines zones (B2 et C pour le neuf, A et B1 pour l’ancien avec travaux) qui permettrait « de lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols », voire de le passer à 60 % en cas de performances énergétiques exceptionnelles (bon classement E+C- ou saut de 2 classes pour la rénovation). Le président rappelle qu’un tel mécanisme existait déjà en 2005 (PTZ BBC). Olivier Salleron poursuit : « Sur l’investissement locatif privé, il faut mettre en place un système de droit commun général, durable et simple pour remplacer les De Robien, Pinel, Scellier, Denormandie… À l’Allemande, un système qui marche ». La fédération émet le souhait d’un amortissement du bâti sur 50 ans, voire sur 20 ans toujours si la performance est exceptionnelle, de façon à favoriser la construction verte. Les revenus locatifs pourraient être déductibles des intérêts d’emprunt, des charges locatives ou de petits travaux. Côté collectif, la FFB recommande le lancement d’un grand plan de rénovation des établissements de santé (Ehpad) pour améliorer leur confort, même en cas de futur reconfinement.
Enfin, les professionnels souhaitent un assouplissement des recommandations du Haut Conseil de stabilité financière sur le taux d’effort ou la durée des prêts, et attendent toujours un « choc de simplification administrative », notamment pour les délais d’instruction et la dématérialisation des permis. Pour les appels d’offres simplifiés, la FFB suggère que le seuil soit relevé de 40 à 100 k€ « pour éviter les délais et les recours ». Au total, ces mesures nécessiteront 5 milliards €, selon les estimations de la fédération. Un investissement qui permettrait de construire 500 000 logements neufs, d’en rénover thermiquement 500 000 autres et de relancer la machine industrielle qui risque de se gripper. Côté formation, Olivier Salleron entend mettre l’accent sur le recrutement de 150 000 jeunes talents d’ici à la fin de son mandat, en 2023, juste à temps pour les WorldSkills de Lyon. Il aimerait voir, peut-être à la télévision, des émissions comme « Top Chef » ou « Le meilleur pâtissier de France » en version BTP : « Pourquoi pas Top Chantier et Le meilleur plombier ? », tout cela fin de rendre plus attrayant le secteur et y attirer des apprentis. Beaucoup de travail en perspective en tout cas.
G.N.