, mis à jour le 21/05/2025 à 13h18

« Réduire la consommation du chauffage dans le secteur résidentiel est essentiel »

Axel Froissart
conseiller senior affaires publiques de Grundfos
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Axel Froissart Conseiller senior affaires publiques Grundfos

Grundfos vient de publier un livre blanc intitulé « Le potentiel méconnu des circulateurs dans la rénovation énergétique résidentielle ». Axel Froissart, conseiller senior affaires publiques du groupe danois présent en France depuis 1972, nous révèle les tenants et aboutissants de ce projet.

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Pouvez-vous nous expliquer l'origine de ce projet ?
Axel Froissart

Notre initiative résulte de la perception d'une opportunité manquée. La chaleur représente près de la moitié de la consommation énergétique finale de la France. Elle demeure, en outre, majoritairement produite par des énergies fossiles. Réduire la consommation énergétique du chauffage dans le secteur résidentiel est donc essentiel pour que la France atteigne ses objectifs climatiques. Jusqu'ici, on s'est surtout concentré sur la production de chaleur et la réduction des déperditions. Les économies possibles sur la distribution de cette chaleur à l'intérieur des logements restent, elles, largement ignorées. L'accélération du remplacement des circulateurs de chauffage inefficaces, et la démocratisation des opérations d'équilibrage hydraulique que celui-ci permettrait, représentent à cet égard un gisement d'économies d'énergie majeur. C'est là un moyen de conjuguer écologie et pouvoir d'achat, tout en faisant de la rénovation énergétique un vecteur de souveraineté.

Rappelez-nous le rôle des circulateurs…
Axel Froissart

Les circulateurs de chauffage sont les dispositifs qui assurent la circulation contrôlée du fluide caloporteur (eau chaude) depuis l'unité de production de la chaleur, c'est-à-dire la chaudière ou la pompe à chaleur (PAC), jusque dans les émetteurs, autrement dit les radiateurs ou encore les planchers chauffants. En d'autres termes, ce sont les petites pompes qui ont pour rôle de diffuser la chaleur au sein des logements possédant un système de chauffage hydraulique. Cela les rend indispensables au fonctionnement des systèmes de chauffage d'environ 60 % des foyers français. Et c'est également ce qui en fait un levier important d'économies.

« Le remplacement d'un circulateur inefficace peut ainsi permettre à un ménage d'économiser 360 kWh par an. »

Votre livre blanc s'appuie sur des études chiffrées. D'où viennent ces données ?
Axel Froissart

Pour quantifier le potentiel d'économies d'énergie associé aux circulateurs dits « inefficaces » – c'est-à-dire ceux dont l'indice d'efficacité énergétique (EEI) est supérieur au seuil réglementaire de 0,23 –, nous avons commencé par établir un état des lieux détaillé du parc de circulateurs de chauffage résidentiel en France. Nous avons été assistés dans cette démarche par le cabinet d'études Sia Partners, qui a évalué le nombre de circulateurs installés chaque année depuis 2000, sur la base des chiffres de ventes annuelles de Grundfos et des données du ministère de la Transition écologique, ainsi que des organisations professionnelles de référence du secteur du chauffage. Nous avons ensuite appliqué un modèle de défaillance afin d'obtenir la part des circulateurs inefficaces toujours en fonctionnement aujourd'hui. Nous avons ainsi pu estimer à 5 millions d'unités le nombre de circulateurs inefficaces déployés, soit plus du tiers du parc existant.

Quelles sont les économies pouvant être réalisées ?
Axel Froissart

Les économies réalisables sont doubles : la consommation électrique du circulateur lui-même, et la consommation d'énergie – électricité ou gaz – du système de chauffage dans son ensemble. Tout d'abord, les circulateurs récents intègrent un variateur de vitesse : c'est-à-dire qu'ils ne fonctionnent plus en continu comme les anciens modèles, et consomment donc nettement moins d'électricité. Le remplacement d'un circulateur inefficace peut ainsi permettre à un ménage d'économiser 360 kWh par an lorsqu'il est chauffé par une chaudière, et 420 kWh par an lorsqu'il possède une PAC. Cela équivaut à environ 10 % de la facture électrique annuelle d'un logement, tous appareils et postes de consommation confondus. Mais les gains les plus importants sont ceux réalisables à l'échelle du système de chauffage.

De quels gains parle-t-on ici ?
Axel Froissart

Aujourd'hui, l'immense majorité des réseaux de chauffage dans le résidentiel ne sont pas équilibrés. Concrètement, cela signifie que les émetteurs les plus proches de la chaudière ou de la PAC reçoivent un débit supérieur, tandis que ceux plus éloignés reçoivent un débit inférieur et restent trop froids. Cette mauvaise distribution de la chaleur au sein d'un même logement impose d'accroître la production de chaleur à la source. Cela entraîne un inconfort pour les occupants, une usure accélérée des équipements, ainsi qu'une surconsommation d'énergie de l'ordre de 15 %. Pour un ménage chauffé au gaz, cela peut représenter annuellement un surcoût sur la facture énergétique de plus de 400 euros. Et à l'échelle de la France, ce n'est pas moins de 1 652 000 tonnes de CO2éq/an qui pourraient être évitées, soit l'équivalent des émissions de 630 000 véhicules thermiques !

« Si une preuve de l'équilibrage peut être fournie, il serait pertinent d'ajuster le calcul du DPE. »

Pourquoi les circulateurs et l'équilibrage hydraulique sont-ils restés des leviers si peu exploités jusqu'à présent dans les politiques publiques de rénovation énergétique ?
Axel Froissart

Les circulateurs se sont nettement améliorés sous l'effet de l'innovation et de la réglementation européenne. Mais leur durée de vie est longue, ce qui freine le renouvellement naturel du parc. On ne remplace pas spontanément un dispositif qui fonctionne toujours – surtout si on méconnait son existence. Le renouvellement du parc de circulateurs demeure par conséquent largement inabouti. Quant à l'équilibrage hydraulique, c'était autrefois une opération longue et complexe à réaliser, et donc rarement pratiquée dans le logement individuel. Cette opération peut cependant être facilitée aujourd'hui par les circulateurs connectés modernes, qui réduisent sensiblement la durée de l'opération et sa technicité. Si ce gisement d'économies était difficile à mobiliser autrefois, il ne l'est plus aujourd'hui.

De quels leviers, notamment législatifs, peut-on disposer pour encourager la rénovation énergétique à travers les circulateurs ?
Axel Froissart

La majorité de ménages veulent des solutions énergétiques rentables, mais rares sont ceux qui pensent spontanément à optimiser leur système de chauffage. L'État a donc un rôle important à jouer pour activer ce gisement. L'entretien annuel des chaudières – et biannuel des pompes à chaleur – inclut déjà le contrôle du circulateur ; c'est donc un levier tout trouvé. Celui-ci est régi par la Directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB), qui a été révisée il y a peu. La transposition de cette directive révisée dans le droit français offre à notre pays l'opportunité de prendre des mesures ambitieuses. Mais ce n'est pas le seul instrument possible. Si une preuve de l'équilibrage peut être fournie, il serait pertinent d'ajuster à la baisse les consommations théoriques dans le calcul du DPE ; cette adaptation serait cohérente avec la méthode 3CL et rendrait le diagnostic plus proche des performances réelles du logement. L'Allemagne, pour sa part, encourage d'ores et déjà l'équilibrage hydraulique par le biais de mesures incitatives. La France pourrait suivre cet exemple, notamment par le biais du parcours par geste de MaPrimeRenov', des CEE, ou de la TVA à taux réduit. Enfin, l'accompagnement de la filière est évidemment primordial. Nos échanges de terrain montrent que la filière est favorable à une obligation d'équilibrage hydraulique, à condition d'accompagner les professionnels de manière adéquate. En somme, l'exploitation de ce gisement d'économies sera d'autant plus efficace qu'elle mobilise un ensemble de leviers réglementaires, incitatifs et informationnels.

À qui est destiné ce livre blanc ?
Axel Froissart

Le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE3) rappelle que « des leviers complémentaires devront être identifiés et actionnés pour sécuriser l'atteinte des objectifs de réduction des consommations d'énergie. » Ce livre blanc met précisément en lumière deux leviers encore méconnus mais particulièrement prometteurs : le renouvellement des circulateurs et l'équilibrage hydraulique. Au-delà des décideurs publics, nous souhaitons fédérer l'ensemble des acteurs de l'efficacité énergétique. Remplacer les 5 millions de circulateurs inefficaces en France peut générer de nouvelles missions pour les professionnels du chauffage, alléger les factures énergétiques des ménages, et contribuer à l'atteinte des objectifs de notre pays en matière de climat et de souveraineté énergétique. Nous appelons donc à une mobilisation collective autour de ces priorités.

Pour aller plus loin

Le livre blanc « Le potentiel méconnu des circulateurs dans la rénovation énergétique résidentielle » est téléchargeable gratuitement en cliquant ici.

Journaliste passionné par la transition énergétique, Arnault a rejoint Zepros en 2024 pour diriger Zepros Énergie et Réno, fort de 10 ans d’expérience dans la presse bâtiment et d’un parcours mêlant rigueur, curiosité et expertise technique.
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