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Négoces et assurance-crédit : encore un… « non-sujet » ?

Stéphane Vigliandi
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EN PHOTODébut juin 2020, la Chambre syndicale des courtiers d’assurance, Planète CSCA, avait fait une piqûre de rappel au gouvernement en faisant part des signes avant-coureurs d’« une fragilité considérable » de l’assurance-crédit qui pourrait… empêcher les entreprises françaises de travailler dès la rentrée.

[Zepros Négoce] Formation et alternance, filière REP Bâtiment, RE 2020, mobilités durables… Parmi les dossiers examinés lors du dernier comité de direction de la FNBM, un sujet alimente – toujours – les craintes des négoces généralistes et multispécialiste entre autres : l’assurance-crédit. Pour protéger les entreprises contre les impayés, soutenir la reprise économique, mais aussi sécuriser les assureurs, Bercy a musclé son dispositif avec le nouvel outil CAP Relais. Et un récent amendement propose même de libéraliser la profession.

Une fédération à la physionomie toujours plus… 2.0 ? Comme la majorité de ses 1 200 adhérents négociants, et tout comme les acteurs d’autres filières, la Fédération du négoce de bois et des matériaux de construction (FNBM) continue de digitaliser encore un peu plus ses pratiques depuis le début de la pandémie de coronavirus. Dans sa newsletter Négofil du 10 juillet, elle évoque « la “Team” en action ». Le ton se veut radicalement “in” et “branché” – presque… “geek”. Au-delà du simple clin d’œil, la FNBM continue donc de dérouler sa feuille de route en vue d’un mois de septembre et d’un automne qui s’annoncent, a priori, sous hautes tensions économique et sociale dans l’Hexagone et ailleurs. Dans la forme en tout cas, c’est une manière nouvelle de présenter les choses pour signifier que son récent comité directeur (codir) s’est tenu lors d’une – désormais traditionnelle – visioconférence : « une innovation liée à la crise sanitaire », précise d’ailleurs la plus importante fédération du négoce Bâtiment. Le 6 juillet dernier, c’est donc un “e-codir” presqu’au complet (une trentaine de patronnes/patrons d’enseigne sur une quarantaine d’élu.e.s) qui a, d’une part, arrêté les comptes de l’exercice 2019 et, d’autre part, passé en revue plusieurs dossiers d’actualité (voir encadré "Autres dossiers" ci-dessous).

Risque partagé

Mais un sujet aura sans doute animé un peu plus les échanges : la posture des assureurs-crédit. Étonnant ? A priori, pas vraiment. Dès les premiers jours du confinement, une palanqué de négociants – essentiellement des indépendants adhérant à un groupement ou une coopérative – ont été mis au pied du mur. Souvent, ils ont même eu la désagréable “surprise” d’apprendre – par un simple “coup de fil” ! – la dégradation de leur note. Autant dire, un véritable camouflet pour la distribution même si, officiellement, le risque d’impayés n’aurait pas encore explosé. De lettre ouverte au gouvernement en conf-calls avec les services de Bercy, la FNBM, mais aussi l’ensemble du négoce Bâtiment (FDME, Fnas, FND et FFQ) via la CGI et toutes les autres filières ont finalement obtenu gain de cause le 10 avril. Mis en œuvre dès le 15 avril par la Caisse centrale de réassurance (CCR) qui agit avec la garantie de l’État, quatre produits publics d’assurance-crédit ont été activés : CAP, CAP+, Cap Francexport et Cap Francexport+.

Déjà actionnés après la crise des subprimes de 2006-2007, ces dispositifs sont « destinés à maintenir ou renforcer les couvertures d’assurance-crédit individuelles », rappelait alors le ministère de l’Économie qui a dû sortir l’artillerie lourde : un montant « maximal » de 12 Md€ au total. En temps normal, l’assurance-crédit officie comme un pare-feu contre l’effet domino des défauts de paiement et des défaillances. Mais, dans ce contexte inédit de crise sanitaire, assureurs et courtiers privés se seraient-ils… défaussés ? Il n’en demeure pas moins que leur profession a exigé du gouvernement qu’elle n’œuvre pas seule pour préserver un crédit inter-entreprises pesant à peu près le triple du crédit bancaire.

Opération “Relais”

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Pour éviter que des “incendies” ne se propagent d’entreprise en entreprise, voire de filière en filière, le Grand Argentier a dégainé le 10 juin sa “lance” CAP Relais. A priori musclé, le programme assure « une réassurance publique temporaire de l’ensemble des encours d’assurance-crédit », selon le ministère (lire encadré “CAP Relais”). Devant encore être approuvé par Bruxelles, ce nouvel instrument assuranciel doit couvrir, dans un premier temps, la France et « les risques portant sur les PME et ETI », souligne Bercy. Il repose « sur un schéma de réassurance proportionnelle dans lequel les assureurs-crédit conserveront une part des risques réassurés ». Dans son 3e projet de loi de finances rectificative pour 2020 (PLFR3), l’exécutif rappelle d’ailleurs que l’assurance du crédit inter-entreprises est « une solution essentielle de sécurisation de la trésorerie des entreprises » – estimant, en filigrane, avoir pris toutes les mesures nécessaires pour amortir les effets de la crise économique… Avec un coût forcément plus élevé pour les finances publiques. En intégrant le prêt garanti par l’État (PGE), « l’État a cassé la tire-lire pour soulager la trésorerie des petites et moyennes entreprises » et a déjà déboursé 460 Md€ pour leur venir en aide, ainsi qu’aux ménages. D’ailleurs, selon plusieurs sources professionnelles ayant participé aux multiples réunions qu’organise Bercy en visioconférence, « l’assurance-crédit [serait] désormais un non-sujet » pour son locataire Bruno Le Maire ; que ce soit sous le gouvernement Philippe comme sous celui de Jean Castex.

Ouvrir le marché de l’assurance-crédit ?

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Avec l’instrument « transitoire » que représente CAP Relais, l'exécutif veut « organiser ainsi un soutien à l’accès à l’assurance-crédit dans la durée et tout au long de la reprise d’activité », écrivait-il dans le PLFR3-2020. N’empêche. Ces propos ne sont pas forcément de nature à rassurer à 100 % le négoce Bâtiment. À la FNBM, par exemple, un permanent cite le cas d’un groupe multispécialiste du Sud-Est dont le montant de la prime est récemment passé de 200 k€ à… 305 k€. « Un delta de 105 k€ qui est lié à des hypothèses de hausse de la sinistralité [dans le BTP]. S’il y a une 2e vague [de pandémie] comme le craint la communauté scientifique, comment réagira le courtier de cet adhérent ? », questionne-t-il. Et malgré le déploiement d’instruments prudentiels “anti-crise” (CAP, CAP+, CAP Relais…), les contrats d’assurance feront l’objet d’une renégociation des taux le 1er août prochain qui seront appliqués en janvier 2021. Cette question de négociation commerciale entre assureurs, courtiers et négociants inquiète la profession, selon la FNBM.

À tel point que la fédération a mené « une action de sensibilisation » auprès de certains parlementaires. Résultat ? Le 25 juin, l’Assemblée nationale a adopté un amendement dans le cadre du PLFR (voir document ci-contre). Dans l’exposé sommaire, les neuf députés ayant déposé ce texte y rappellent l’« incapacité [du marché de l’assurance-crédit] à faire face seul à la crise. Le désengagement massif des assureurs-crédit a d’ailleurs été souligné par tous les acteurs du monde économique ». Sur ce point, la FNBM estime avoir été « écoutée » et « comprise » par les députés. Ainsi, pour éviter à l’avenir que cette situation n’accélère « la contraction du crédit inter-entreprises » et « fragilise les chaînes d’approvisionnement », l’amendement prévoit que « le gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’efficacité du dispositif » – au plus tard d’ici à un an. Le texte exige également qu’« une fois la crise passée, il sera donc essentiel d’entamer une réflexion de fond sur la réforme du marché de l’assurance-crédit ». C’est la porte grand’ ouverte à une volonté de libéraliser la filière.

Au-delà de faire face à « un désengagement amorcé du secteur », des experts du régime prudentiel jugent toutefois que le choix de l’exécutif est aussi d’éviter que « les effets positifs des PGE obtenus par les entreprises » ne se dégonflent comme un ballon de baudruche. Restent une question encore en suspens. Primo, les cinq principaux assureurs-crédit ne se sont engagés à maintenir le volume de leurs expositions aux risques que jusqu’au 31 décembre. Et “l’après” ? Pour renouveler les contrats, il risque donc fort d’y avoir du… “sport ! Stéphane Vigliandi

EN PHOTO • Dans un amendement adopté à l’Assemblée nationale fin juin, neuf député.e.s se disent « prêts à travailler avec le gouvernement à une réforme profonde et durable du secteur de l’assurance-crédit afin d’empêcher qu’à l’avenir l’État n’ait à assumer seul le soutien au marché »… Le 9 juillet, les députés ont validé le PLFR3 qui vient en aide aux secteurs les plus touchés par la crise de Covid-19 dont le BTP.

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CAP Relais • Comment ça marche ?

• LE DÉCLIC → Ce dispositif public de réassurance a été validé le 10 juin 2020 dans le cadre du 3e projet de loi de finances rectificative pour 2020 (PLFR3)

• COMMENT : SUR LE FOND → Il vise à assurer la continuité des échanges commerciaux inter-entreprises en partageant les risques entre l’État et les assureurs-crédit « depuis le début du confinement et jusqu’à la fin de l’année ». Ce mécanisme « transitoire » garantit « une réassurance globale des portefeuilles des assureurs-crédit [leur] permettant de maintenir, dès la prise d’effet du dispositif, les encours assurés, en attendant de faire monter en puissance les dispositifs Cap et Cap Francexport qui reposent sur une réassurance ligne par ligne des opérations », précise l’exécutif dans son PLFR3.

• COMMENT : SUR LA FORME → L’État doit supporter 75 % des sinistres des assureurs-crédit en échange de 75 % des primes perçues. De leur côté, ceux-ci ne couvriront les sinistres subis qu’à hauteur de 25 %. En comparaison, en Allemagne et en Belgique, l’État garantit 100 % des encours inter-entreprises.

• POURQUOI → Le définissant comme un « schéma de réassurance globale », le gouvernement rappelle dans le PLFR3 que le programme CAP Relais doit permettre d’« éviter une crise de confiance généralisée sur les flux de paiements qui aurait, pour impact à très court terme, la réduction, voire l’arrêt, de l’activité d’un grand nombre d'entreprises françaises ».

• POUR QUOI → Sur les plans financier et opérationnel, le dispositif est « neutre pour les entreprises et ne génère aucun coût nouveau, étant entendu que les conditions originales des polices d’assurance souscrites par ces dernières demeurent applicables ».

• QUAND → Le programme concerne « l’ensemble des assureurs-crédit à maintenir globalement leurs engagements jusqu’au 31 décembre 2020 ». Les acheteurs en situation de défaut de paiement restent, eux, exclus de ce nouveau dispositif étatique

• PAR QUI → À ce jour, 5 assureurs ont intégré ce mécanisme : Axa Assurcrédit, Atradius, Coface, Euler Hermes et Groupama Assurance-Crédit & Caution. « D’autres assureurs pourraient rejoindre le dispositif ultérieurement », a précisé Bercy dans une FAQ publiée sur son portail le 17 juin dernier. Dans le PLFR3, le gouvernement précise que « la convention entre l’État et la CCR, ainsi que les traités de réassurance entre la CCR et les assureurs participants aux dispositifs CAP, CAP+ et CAP Relais seront modifiés ».

(Source : PLFR3-2020, 10/06/2020)

SUR LE MÊME SUJET

Coronavirus & Accompagnement des entreprises → la FAQ du ministère de l’Économie (MàJ du 08/07/2020) →https://www.economie.gouv.fr/files/files/2020/coronavirus_faq_entreprises.pdf

FNBM • Les autres dossiers abordés au codir du 07/07/2020

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• FORMATION & ALTERNANCE → Selon la fédération, après « six mois de de négociations », un accord du 3 juillet relatif à la réforme Pénicaud de septembre 2018 est ouvert à signature. Il « donne la priorité à l’apprentissage par la mise en place d’un barème conventionnel des apprentis ». Le texte comporte aussi des mesures favorisant le compte personnel de formation (CPF) et le travail des personnes handicapées. La création de l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications du négoce des matériaux de construction (OPMQ-NMC) figure également dans l’accord.

• REP BÂTIMENT → Dans le cadre de la loi Économie circulaire du 10 février 2020 et de ses textes d'application, les Pouvoirs publics ont lancé le 9 juillet une première consultation publique en ligne sur le site du ministère de la Transition écologique et du Logement. Mi-juillet, l’Ademe présente les résultats de l’état des lieux auquel a été associée la FNBM dans la cadre de l’installation d’un éco-organisme collecteur.

• LOM & RE 2020 → Réuni en assemblée plénière le 7 juillet, le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) et ses membres – dont la FNBM – ont travaillé sur les textes d’application de la Loi d’orientation des mobilités (LOM), tandis qu’un bilan d’étape sur la Réglementation Environnementale 2020 a été fait : avancée de sa mise en œuvre et méthodes retenues.

• NOUVEL ACRONYME → En vue de l’AG de la FNBM reportée au 18 novembre, le codir a poursuivi son travail pour modifier les statuts de la fédération. En filigrane, il est toujours question de changer l’appellation de l’organisation professionnelle. Selon nos informations, les notions de Distribution et de Solutions constructives devraient être valorisée à travers la future appellation de la FNBM.

Stéphane Vigliandi
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