L’hydrogène, clef de voûte de la transition énergétique

Grégoire Noble
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Capable de concilier deux mondes antagonistes, l’électricité et le gaz, l’hydrogène est-il le messie de la transition écologique ? Fortement énergétique, facile à stocker ou à transporter, il peut être produit avec des méthodes durables. Zoom sur ce futur champion de la chaleur et de la mobilité qui fait l’objet d’un plan national depuis juin 2018.

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Il ne passe pas une semaine sans qu’une annonce soit faite dans le secteur de l’hydrogène en France : au mois d’octobre, c’est la plateforme Hydrogène de Toulouse INP qui a été inaugurée, à la croisée de plusieurs domaines (matériaux, génie chimique, mécanique des fluides). Quelques jours plus tôt, à Bruxelles, le Smart Energy Hub s’appuyant sur la technologie « d’électrolyseur/pile à combustible à oxyde solide réversible » (CEA, Sylfen) recevait le 1er prix EARTO pour sa solution de stockage local d’énergie. Au cours de l’été, l’Afhypac (Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible) lançait Vig’hy, observatoire chargé de suivre le déploiement des diverses technologies sur le territoire national... Autant dire que tout le monde s’intéresse à l’hydrogène (H2 sous sa forme moléculaire).

Thierry Lepercq, ancien directeur général adjoint d’Engie, résume : « L’hydrogène, nouveau pétrole (...) énergie propre, issue du soleil, du vent et de l’eau, quasi infinie et sans déchets, alternative crédible aux combustibles fossiles dont le déclin est inexorable ». Un rapport de l’International Renewable Energy Agency du 25 septembre 2019 rappelle le potentiel de la molécule pour décarboner certains usages : « Ce vecteur semble sur le point de devenir la solution la moins coûteuse pour stocker de grandes quantités d’électricité durant des jours, des semaines et même des mois ». Ce gaz pourrait ainsi contribuer à améliorer la flexibilité des réseaux électriques en exploitant les surplus des renouvelables. S’il est aujourd’hui majoritairement « gris », près de 95 % des 120 Mt annuellement produites sont générées à partir de sources carbonées, émettant au passage autant de CO2 que le Royaume-Uni et l’Indonésie, l’avenir de l’hydrogène est davantage dans le « vert ». L’enjeu sera de faire baisser le coût de production des électrolyseurs tout en améliorant leur efficacité. L’hydrogène pourra ainsi être utilisé pur ou mélangé à du gaz, comme c’est le cas à Dunkerque dans l’expérimentation Grhyd.

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Du H2 à 10, 20 ou 100 % ?

Jean-Paul Reich, vice-président de l’Afhypac, nous révèle : « Pendant un siècle, le gaz de ville qui était produit à partir de charbon contenait entre 50 et 66 % d’hydrogène, plus 10 % de monoxyde de carbone et d’autres impuretés. C’était une mixture d’hydrocarbures distribuée à très basse pression. Aujourd’hui, le réseau est à moyenne pression. Il existe 3 500 km d’hydrogénoducs dans le monde, gérés notamment par Air Liquide. La conversion du réseau de gaz existant est possible, mais elle dépendra du type de conduite (acier ou pas) ». D’après l’expert, GRTgaz travaille sur des hypothèses « zéro carbone fossile » mêlant biogaz et hydrogène à un horizon situé au-delà de 2030 : incorporé à hauteur de 10 % dans le gaz naturel distribué en France, pourrait ainsi représenter 35 TWh. La limite théorique d’injection de H2 dans le gaz se situe à 23 % : « C’est un consensus européen pour qualifier les machines. Entre 0 et 20 % d’injection, il n’y a pas de changements à faire. En revanche il n’est pas envisageable d’injecter davantage d’hydrogène dans le gaz ». Quitte à faire des dépenses pour adapter le réseau et les brûleurs, le spécialiste recommanderait de passer directement à du 100 %. De petits réseaux isolés, comme ceux de butane ou de propane seraient, par exemple, plus faciles à convertir. Pour le vice-président de l’Afhypac, les vrais marchés de l’hydrogène seront ceux de l’industrie et de la mobilité intensive (poids lourds, trains, bus) : « Le marché de la production d’électricité et de stockage, lié au taux de pénétration des EnR non pilotables, arrivera beaucoup plus tard, au-delà de 2040, sauf dans les zones non interconnectées ».

Le directeur de l’Innovation de BDR Thermea, Claude Freyd, nous explique les motivations de son groupe à développer une chaudière qui brûle de l’hydrogène pur : « Elle est conçue pour remplacer facilement l’existant, même dimensions, même raccordements. Les différences sont internes comme l’hydrogène a une vélocité de combustion différente du gaz, il faut des brûleurs et un débit spécifiques ». De même, des systèmes de sécurité ont été ajoutés afin de couper l’alimentation en cas d’extinction de la flamme. La chaudière hydrogène n’en reste pas moins très proche d’un produit classique. BDR Thermea vise, pour l’heure, deux marchés spécifiques : les Pays-Bas et le Royaume-Uni où le gaz de mer du Nord arrive à extinction et où les réseaux sont bien développés. Le marché français restera, pour l’heure, plus centré sur des pompes à chaleur ou des piles à combustible : « Dans notre pays, on privilégie l’hydrogène vert, basé sur de l’électricité renouvelable. Le gaz sera un vecteur important car l’électron ne fera pas tout ». Si l’horizon n’est pas immédiat, l’hydrogène trouvera toute sa place dans la transition, d’abord dans la mobilité lourde puis dans l’industrie.

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Comment produit-on l'hydrogène ?

Vaporeformage du gaz naturel : méthane (CH4) et vapeur d’eau surchauffée (H2O) se recombinent pour former du dihydrogène (H2) et du gaz carbonique (CO2). C’est la méthode la plus économique mais également la plus polluante ;

Pyrogazéification du charbon de bois : à très haute température (1 200-1 500 °C) le bois libère des gaz qui se séparent et se reforment pour donner du dihydrogène (H2) et du monoxyde de carbone (CO). L’origine biomasse verdit le procédé ;

Électrolyse de l’eau : à l’aide d’un courant électrique fort, les molécules d’eau (H2O) sont séparées en dihydrogène (H2) à la cathode et dioxygène (O2) à l’anode. Il s’agit de la méthode la plus vertueuse (en fonction de l’origine de l’électricité) mais également la plus coûteuse.

Grégoire Noble
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