Rénovation énergétique : jusqu'à 120 ans pour rentabiliser des travaux...

Grégoire Noble
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[Zepros Bâti] Une étude de chercheurs de l’École des Mines de Paris tend à démontrer que la rénovation énergétique des logements pourrait, dans certains cas, être trompeuse : pour 1 000 € investis, les économies réalisées ne seraient que de 8,4 €/an sur les consommations... Certaines opérations seraient particulièrement peu rentables, remettant en cause la politique de soutien public apporté. Analyse.

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La rénovation énergétique est une priorité affichée du gouvernement, avec notamment l’éradication promise des passoires thermiques. Il est ainsi prévu que 500 000 logements soient rénovés chaque année, à grands renforts d’aides comme « MaPrimeRénov’ », l’Éco-prêt à taux zéro ou les Certificats d’économies d’énergie (CEE). Toutefois, deux chercheurs du Centre d’économie industrielle des Mines ParisTech viennent de publier dans La Revue de l’Energie une étude qui risque de remettre en cause le bienfondé de ces soutiens.

S’appuyant sur des données abondantes – mais certes anciennes – collectées par l’Ademe et TNS-Sofres entre 2000 et 2013, Matthieu Glachant et Gaël Blaise comparent ainsi « la variation de la consommation d’énergie d’un ménage réalisant des travaux avec celle des ménages n’en effectuant pas ou effectuant des travaux d’un montant différent ». Afin de ne pas introduire de biais géographiques ou climatiques, les comparaisons ont été faites entre ménages d’une même région, la même année, et présentant des revenus et tailles de foyer identiques. Il en ressort que pour un investissement moyen, la diminution de la facture énergétique n’est que de -2,7 %. Pour 1 000 € de travaux, l’économie réalisée serait ainsi de 8,4 €/an, menant à une très faible rentabilité avec un temps retour sur investissement de... 120 ans.

Tout miser sur l’isolation des parois opaques

L’impact des travaux serait notoirement faible dans le cas du changement des menuiseries par exemple : le remplacement de fenêtres ou portes fenêtres avec vitrages isolants n’amènerait que 13 € d’économies (soit un temps de retour sur investissement de 77 ans). A l’inverse, deux gestes apparaissent comme plus rentables : l’isolation des murs (93 €/an d’économies) et des planchers (138 €/an), menant à des temps de retour sur investissement plus raisonnables de 7 ans et 3 mois ou 10 ans et 9 mois. Les fiches des CEE assurent pourtant des efficacités au moins deux fois plus élevées pour les interventions étudiées. « Comment alors expliquer la modestie de ces impacts ? », s’interroge Matthieu Glachant qui dirige le Cerna.

Première observation : la motivation principale des ménages est le gain de confort plus que l’économie énergétique. D’où, en pratique, une augmentation de la température intérieure du logement qui vient annuler les bénéfices. Ce phénomène, bien connu, est appelé « Effet rebond ». Autre cause avancée par les chercheurs, un manque de qualité dans l’exécution. L’auteur note : « Les professionnels savent que la qualité de leur prestation ne sera observée par les clients qu’une fois les travaux terminés et la facture réglée ». Deux hypothèses non exclusives qui conduisent tout de même à s’interroger sur l’utilité des subventions à l’efficacité énergétique. Matthieu Glachant invite les pouvoirs publics à cibler les aides sur les gestes les plus rentables, comme l’isolation des murs, planchers et combles. Il fustige toutefois les dispositifs type « Combles à 1 € » qui « rendent ainsi presque accessoires le prix et la qualité des travaux réalisés ». Pour l’ingénieur, l’intérêt des résultats de son étude sera de focaliser l’attention des gouvernants non plus vers les consommateurs mais vers les fournisseurs de solutions de rénovation afin qu’ils réduisent les coûts tout en améliorant le soin apporté à leurs interventions.

Interprétation différente mais volonté identique

L’association NégaWatt tire des conclusions moins accablantes de cette étude. Pour elle, « la rénovation thermique réduit réellement la facture d’énergie » mais « à condition qu’elle soit performante » . Pour les membres de l’association, l’important serait d’avoir une approche des travaux coordonnée pour tous les gestes et non étalée dans le temps. Ils plaident pour des rénovations complètes, avec un travail méticuleux sur l’étanchéité à l’air et sur la ventilation. Selon leurs estimations, les temps de retour des travaux seraient de 12 à 30 ans, hors subvention, ce qui serait « compatible avec les durées habituelles d’emprunt des ménages pour leur logement ». NégaWatt souligne enfin la différence qui existe entre rénovation énergétique et maintenance ordinaire visant simplement à préserver un niveau de confort. Elle martèle cependant le même mantra que Matthieu Glachant : « L’argent public peut et doit être mieux investi », en suggérant d’associer un indicateur de performance qui devra favoriser les bouquets de travaux.

G.N.

Grégoire Noble
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