Des actions en justice contre l'Anah face aux dysfonctionnements de MaPrimeRenov'

Jérémy Becam
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Anah

Fraudes, délais de paiement, contrôles...les griefs contre MaPrimeRenov' se multiplient depuis plusieurs mois. Toutefois, depuis quelques semaines, les débats sont montés d’un cran : à la fois sur les fraudes mais aussi sur les difficultés pour l’Anah à verser plus rapidement les primes aux bénéficiaires. Cette dernière fait désormais l’objet de plusieurs centaines de procédures devant le tribunal administratif. 

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Les semaines passent et pourtant rien ne s'arrange pour MaPrimeRenov'. Depuis son lancement, MaPrimeRénov’, pilotée par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), constitue le principal soutien public à la rénovation énergétique. Plus d’un million et demi de ménages en ont été bénéficiaires, représentant ainsi depuis 2020, 21 Md€ de travaux. À l’instar d’autres aides qui avaient été mises en place, tels que les différents « coup de pouce » ou la fameuse « Isolation à 1 euro », cette prime, compte tenue de la manne financière, a aiguisé les appétits d’acteurs peu scrupuleux sur la qualité des travaux, voir même entraîné de pures escroqueries. Mais ce n’est pas tout. Le dispositif est aussi confronté aux difficultés de l’Anah à verser plus rapidement les primes aux bénéficiaires.

En effet, si les délais se sont logiquement allongés ces derniers mois avec le renforcement des contrôles après la réalisation des travaux, cette attente est de moins en moins supportée par les entreprises artisanales mais aussi par les ménages. « L’Anah a présenté à la CAPEB et la FFB les mesures prises pour accélérer le rythme de paiement des dossiers MaPrimeRénov’ contrôlés d’ici la fin du 1er trimestre 2023. A cette fin, l’Anah, la CAPEB et la FFB se sont entendues pour mieux informer les usagers et les entreprises concernés par ces contrôles renforcés », pouvait-on lire dans un communiqué commun entre l’Anah, la Capeb et la FFB le 28 février dernier. Une démarche allant dans le bon sens, mais à moyen et long termes.

En effet, le 13 avril dernier, Claire Hédon, la Défenseure des droits (DDD) a renouvelé devant le Sénat ses critiques concernant les nombreux « dysfonctionnements » dont souffre le dispositif d’aide à la rénovation énergétique des logements. Un discours faisant écho à sa décision publiée en octobre 2022 mettant en lumière les difficultés techniques dans le traitement des dossiers des demandeurs. L’autorité indépendante annonçait alors avoir reçu près de 500 réclamations en deux ans à ce sujet, ciblant en particulier le portail en ligne permettant de réaliser les démarches. Devant le Sénat, en avril, elle a annoncé en avoir reçu 900 de plus. L’Anah a annoncé alors avoir « mis en œuvre des mesures très concrètes pour répondre aux observations de la Défenseure des droits et plus largement pour améliorer la qualité du service rendu aux usagers ».

650 actions déjà déclenchées

Sauf que, dans le même temps, des centaines de particuliers ralliés sous le nom « SOS MaPrimeRénov’ » ont décidé de saisir les tribunaux administratifs de France après avoir fait réaliser des travaux mais attendant toujours le versement de la prime. Ces actions individuelles portées et coordonnées par Maître Pitcher sont accessibles sur la plateforme https://www.justice.cool/MaPrimeRenov-Anah/.

« Au 19 avril 2023 ce sont déjà 650 actions qui sont déclenchées par les particuliers et financées par les mandataires qui ont été collectés et traités via la plateforme en ligne depuis décembre 2022. Plusieurs milliers d’autres devraient suivre d’ici l’été. L’enjeu est principalement d’accélérer le traitement de ces dossiers mais aussi d’amener l’ANAH à optimiser drastiquement son fonctionnement et ses process. L’ensemble des dossiers ont déjà fait l’objet des mises en demeure de payer, mais aussi de tentatives de médiations et enfin de requêtes auprès des tribunaux administratifs compétents. Cela fait donc déjà 6 mois que ces procédures sont en cours et malgré ces différentes relances par voies électroniques, téléphoniques ou postales, l’ANAH est restée muette. Seuls quelques premiers mémoires en défense ont été reçus récemment pour des premières instructions qui se clôturent le 27 avril 2023 », explique Maître Joyce Pitcher.

L’avocate, qui porte l’action avec M.Louis le Foyer de Costil, a été saisie en décembre dernier par la société Drapo, un mandataire administratif et financier installé à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), 80 salariés, engagée dans le dispositif MaPrimeRénov’. « Depuis notre création et avec l’aide de nos partenaires, notre start-up a permis de financer pour près de 100M€ de travaux de rénovation pour le compte de milliers de foyers français. Malheureusement, à l’heure où je vous parle, nous avons toujours près de 9,1M€ qui sont immobilisés par l’ANAH et l’ensemble. 41% des dossiers pré-accordés ont fait l’objet d’un retrait sans justification et nous avons des dossiers encore à l’étude depuis 2 ans et demi. Comme la plupart des mandataires, nous sommes contraints de déclencher un plan social. Nous sommes en train de nous séparer de près de 40% de nos collaborateurs », explique Julian Aroun, cofondateur de Drapo.

Même constat du côté d’IEG, PME spécialisée dans l’installation située en Occitanie et dirigée par deux frères ingénieurs en énergie qui elle aussi avance pour le compte de ses clients les montants octroyés par l’Anah au titre de MaPrimeRenov’. « Nous avons pris la décision d’avancer le montant de MaPrimeRenov’ sur notre propre trésorerie car beaucoup de foyers ne peuvent pas se permettre d'avancer l'argent. Malheureusement, et malgré le personnel administratif que nous avons embauché exclusivement pour remédier aux exigences grandissantes de l’ANAH, nous avons des centaines de dossiers bloqués. Notre trésorerie est aujourd’hui exsangue. Comme beaucoup de nos concurrents, nous ne pouvons plus proposer le mandant financier auprès de nos clients concernant la subvention MaPrimeRenov’. Notre activité s’est ainsi réduite de 40% et mécaniquement nous avons été contraints de nous séparer de 40% de nos salariés. Notre histoire est devenue banale sur le marché », expliquent Maxime & Alexis Lohier, Ingénieurs énergétiques et cofondateurs de IEG

 

Jérémy Becam
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