« Les installateurs devront être geeks »
Nouveau rôle des professionnels, arrivée des référents d’aide à la rénovation, mix énergétique, production et stockage de l’électricité… Le dirigeant de l’association qui œuvre à la qualité d’installation des dispositifs EnR pointe les failles du système actuel et ouvre des perspectives pour parvenir à atteindre les objectifs de décarbonation dans l’ancien.
Le bouclier tarifaire s’achève progressivement. Les tarifs de l’énergie vont nécessairement continuer d’augmenter à moyen terme. On sait qu’elle restera durablement chère… L’électricité comprise ! Il est bien acté qu’elle ne baissera pas. Le gouvernement a annulé la hausse du 1er août, mais elle interviendra plus tard. C’est inévitable, car on a besoin de fonds pour entretenir le réseau. Rien que pour mettre à jour nos centrales nucléaires, ce qu’on appelle le « grand carénage », il faudra au bas mot 50 milliards d’euros…
De grands projets d’installations solaires sont mis en œuvre dans l’Hexagone. Une dynamique est lancée. Mais nous n’allons pas assez vite ! Au niveau des appels d’offres, l’État module les volumes en fonction de ses propres objectifs. En 2023, la France a installé 3 GW de solaire, en 2024 on devrait atteindre 4 GW, alors qu’il en faudrait 6 à 7 GW. Avec le nouveau contexte politique, on espère voir des décisions prises pour se rapprocher des objectifs européens, avec une vraie accélération.
Le secteur de l’habitat individuel se montre effectivement nettement plus dynamique. Les installations individuelles, aussi bien en collectif qu’en résidentiel, se portent bien. Les foyers visent de plus en plus l’autoconsommation. Remplacer par sa propre production une électricité de plus en plus chère, en raison du coût du transport pour arriver au foyer et des taxes afférentes. Tout cela engendre de belles économies. Beaucoup songent à passer au solaire et, selon un récent sondage Ifop, 65% de ceux qui l’ont fait sont très satisfaits : il y a un effet de bouche à oreille. Les travaux sont de plus en plus faciles à financer. Les prix des modules solaires ont chuté l’an dernier de près de 50% ; et cette année, on constate encore une baisse de 20%. Une installation coûte aujourd’hui entre 5 000 et 10 000 euros, pour environ 3 kWh de panneaux. Cela correspond à la consommation d’une maison hors chauffage ou celle d’une voiture électrique qui parcourt 15 000 km par an. Ce n’est pas rien.
« Les installateurs sentent cette demande des particuliers s’exprimer. »
Les installateurs sentent cette demande des particuliers s’exprimer. Ils sont toujours plus nombreux à se lancer dans le photovoltaïque et à demander la qualification QualiPV-RGE. Cela leur permet de faire bénéficier à leurs clients des aides, qui s’élèvent en général à un petit millier d’euros pour une installation classique en autoconsommation.
Une formation spécifique en photovoltaïque leur est absolument nécessaire, même s’ils sont forcément électriciens au départ, condition sine qua non pour accéder aux qualifications. Car il s’agit de maîtriser la réglementation. Durant la formation, qui dure entre 3 et 4 jours, ils apprennent en outre toutes les spécificités du PV. À l’issue de la formation, ils passent un test géré directement par Qualit’EnR. La délivrance du certificat de qualification implique qu’ils s’inscrivent dans une démarche de qualification : ils doivent bénéficier d’une assurance, d’une entreprise avec pignon sur rue, etc. La qualification est probatoire dans un premier temps. Dès leurs premières installations, Qualit’EnR diligente un audit qui contrôle si tout a été fait dans les normes, si le chantier est conforme aux règles de l’art, si l’on a tenu compte des aspects RSE, si le client est satisfait... Si tout est conforme, ils sont qualifiés et ils partent pour un cycle de quatre ans. Nous disposons de plus d’une centaine de centres agréés PV par Qualit’EnR.
La même démarche de formations spécifiques s’applique pour les autres énergies renouvelables : le solaire thermique, les systèmes de chauffage à bois, les pompes à chaleur air-eau (QualiPAC porte une attention spécifique sur le calcul du dimensionnement), mais aussi les réseaux enterrés, le forage pour géothermie de surface, les PAC air-air... Toutes qualifications confondues, Qualit’EnR comptabilise 250 centres de formation agréés.
C’est le même débat depuis 40 ans. Faut-il les opposer, alors qu’elles sont complémentaires ? Où placer le curseur ? Par quoi commencer, sachant que les deux ont un coût certain ? L’isolation thermique, par l’intérieur ou l’extérieur, est doublement intéressante : elle participe évidemment au confort d’hiver mais aussi au confort d’été. On le comprend de plus en plus, avec les épisodes de fortes chaleurs que nous connaissons régulièrement. Pour tous les spécialistes, il n’y a aucun doute. Il faut avancer sur les deux dispositifs en parallèle : production d’électricité et rénovation thermique globale. L’une pour alimenter l’autre, de façon à engendrer un cycle vertueux.
« Il est aberrant de voir que la PAC air-air n’est pas éligible aux aides de MaPrimeRénov’ ! »
On a mis beaucoup de moyens sur les économies d’énergie, il faut désormais considérer l’adaptation aux changements climatiques. En période de canicule, il n’y pas d’autre solution responsable que la PAC. Il est aberrant de voir que la PAC air-air n’est pas éligible aux aides de Maprimerénov’ ! Ce n’est pas normal, je ne peux pas croire que cela ne changera pas. Les clients ont bien compris l’intérêt de ces dispositifs à la fois chauffants et rafraîchissants. Le marché tire ces solutions et pourrait bénéficier d’un coup de pouce.
Les cartes seront rebattues. Des évolutions et des réformes sont à venir. Ce qui est rassurant, c’est de voir que la majorité des élus de la nouvelle Assemblée nationale sont d’accord pour appuyer la rénovation. Cela devrait se traduire par des améliorations dans les dispositifs existants. Le secteur des énergies renouvelables a besoin de stabilité et de visibilité. Jusque-là, nous avons eu des impulsions, mais bien trop d’à-coups, de retour en arrière…
On peut comprendre les changements advenus pour corriger des choses, à la marge. Mais d’un instrument au départ indicatif, on a fait un baromètre qui interdit la location et bientôt la vente de certains logements. C’est allé trop loin ! D’autant que ce baromètre n’est pas au point. Prenons le cas des logements très anciens, tels que les bâtiments haussmanniens ou les maisons en pierre typiques du Centre de la France : la plupart ont, en vertu des matériaux employés et de leurs systèmes constructifs, une résilience thermique telle qu’ajouter une isolation intérieure ou extérieure est un non-sens. Pourtant, leur étiquette est souvent F ou G...
C’est un sujet complexe. Si les entreprises générales sont adaptées, la rénovation globale pose problèmes aux artisans, qui ne peuvent évidemment pas tout traiter, faute d’avoir toutes les compétences. Le frein principal réside dans la nécessaire coordination des travaux. Un architecte ou un maître d’œuvre se révèlent indispensables. En cela, la rénovation par geste se veut beaucoup plus accessible pour aller chercher les marchés. Ce n’est pas qu’une question de montant des travaux et de reste à charge pour les particuliers.
L’accès à MaPrimeRénov’ reste trop compliqué, c’est le parcours du combattant. Il faut voir la réalité des gens qui vivent dans les passoires thermiques, souvent des personnes isolées ou âgées. Ces personnes ont besoin d’un véritable accompagnement. L’arrivée des référents d’aide à la rénovation est une très bonne chose. Ils font une passerelle entre tous les intervenants.
« Les CEE ont démontré qu'ils fonctionnent. »
Ce dispositif peut paraître un peu complexe, mais il faut reconnaître qu’il a démontré qu’il fonctionne. Mais même s’il contraint les entreprises qui vendent de l’énergie à proposer aux consommateurs des aides pour financer leurs travaux, il ne faut pas s’y tromper : ce sont bien les consommateurs qui finissent par payer. Je milite pour un système de crédit d’impôt tel que ceux mis en place aux États-Unis, où l’on bénéficie d’un crédit de 30% pour tout ce qui est fabriqué localement. C’est une subvention qui leur permet d’être concurrentiels par rapport aux produits d’économie d’énergie (PAC, panneaux PV...) importés de Chine. Il n’y a rien de plus simple que le crédit d’impôt : vous faites réaliser des travaux et on vous renvoie un chèque !
Les bornes de recharge électrique pour véhicules sont éligibles aux certificats CEE. Elles disposent de subventions confortables, avec des taux de remboursement pouvant monter jusqu’à 40%. Cela permet au réseau de se déployer sereinement. Le programme de l’Avere a concouru au financement de près de 45 000 points de recharge privés et publics en l’espace de cinq ans. Reste la question des espaces collectifs : comment procéder pour relier une borne dans un parking à un foyer ? La solution existe, sous la forme d’un QR code qui s’affiche sur la borne. En le scannant, la consommation est affectée directement sur le compteur général de l’appartement. Mais ce n’est pas encore répandu. Autre innovation attendue : pouvoir se faire livrer sa propre électricité, produite à son domicile par du solaire, sur le lieu de sa recharge distant de plusieurs dizaines voire centaines de kilomètres de chez soi. La solution existe, il ne manque que l’autorisation administrative.
Leur installation sera rendue obligatoire à partir de 2028 pour les parkings de plus de 1 500 m2. L’efficacité est là. C’est rentable, donc beaucoup de grands magasins s’y mettent dès à présent. Les ombrières peuvent aussi représenter une alternative pour certaines entreprises de grandes tailles, qui peuvent alimenter les bornes de recharge de véhicules de leurs salariés.
L’arrivée des voitures sur batterie coïncide avec le développement du photovoltaïque. C’est parfait ! On le voit venir, la voiture va devenir un élément de stockage. Renault annonce que sa nouvelle R5 pourra alimenter la maison en électricité. Idem du côté de Tesla au Texas, qui achète de l’électricité sur le marché en heures creuses quand elle est peu chère pour la revendre aux ménages. Quand l’électricité est chère pendant les pointes de consommation, la maison s’alimente avec les batteries des voitures. C’est intelligent et ça ne demande pas un sou, juste de l’informatique. En France, la CRE [Commission de régulation de l’énergie, NDLR] demande à Enedis de réfléchir à revoir sa politique sur les heures creuses. Jusqu’ici, les consommations nocturnes étaient privilégiées. Mais comme le solaire produit dans la journée, on voit apparaître un point bas à midi ! Grâce aux voitures, on va pouvoir équilibrer le système. À terme, on peut même envisager que les centrales nucléaires tournent quasiment à 100%, sans à-coups. La voiture rentre dans la sphère de l’habitat, il faut la prendre en considération. Zoe, la petite voiture électrique, dispose déjà d’une batterie de 40 kWh, or 4 kWh suffisent pour alimenter les usages courants d’une maison (cuisine, éclairage, télévision).
« Les électriciens de demain devront être aussi informaticiens. »
Les électriciens de demain devront être aussi informaticiens. Leur valeur ajoutée se déplace vers le « soft » plutôt que vers le « hard » : leur boulot ne sera plus seulement la pose mais aussi le paramétrage des installations. Le pilotage du logement, en général, demande un vernis « geek ». Il ne s’agit plus simplement de poser des systèmes, aussi complexes soient-ils parfois. Le numérique est entré en ligne de compte. Des outils adaptés arrivent, dont certains dotés d’intelligence artificielle. Les formations vont évoluer pour aider les installateurs à paramétrer et faire de la pédagogie envers les clients.
Il reste d’actualité. C’est un système très propre, beaucoup de progrès ont été réalisés au niveau de la régulation. On peut aujourd’hui mettre en place un pilotage fin sur des durées longues sans aucune difficulté. Les poêles et les inserts sont très complémentaires des PAC, notamment l’hiver aux moments les plus froids ou lorsque l’installation d’une PAC n’est pas possible en raison d’un manque de place ou des nuisances sonores qu’elle peut engendrer. Reste que la fluctuation du prix du bois est toujours problématique. Il faudrait faire en sorte d’éviter que les prix dérapent.
C’est un système pour l’instant peu promu, mais les producteurs de biogaz ont raison de continuer à la mettre en avant. C’est quand même déconcertant : d’un côté l’État investi dans le biogaz, mais de l’autre il ne permet pas sa mise en place sereine dans le bâtiment, plus gros consommateur ! Le biogaz peut pourtant remplacer le gaz naturel sans aucun problème. Et là, il n’y a pour l’instant aucune subvention…
C’est peut-être une solution d’avenir. D’autant qu’elle permet le stockage de long terme, sur plusieurs années, contrairement aux batteries lithium-ion. Autre piste : injecter de l’hydrogène en petite quantité dans le gaz naturel renforce sa capacité calorifique, augmentant l’efficience de cette énergie. Problème, l’hydrogène demande des canalisations de grande qualité pour éviter les fuites. Certains vont jusqu’à imaginer la mise à disposition de méthane renouvelable, issu de l’hydrogène, pour remplacer à 100% le gaz naturel. On n’en est pas là ! La politique de l’Europe en matière d’hydrogène n’est pas satisfaisante, selon un récent rapport de la cour des comptes de l’UE. C’est dommage, car elle ouvre des opportunités dans la recherche du mix énergétique du futur.
Les GSB répondent à une demande. C’est tout un marché qui s’ouvre. Cependant, il est nécessaire d’être prudent sur les aspects de sécurité. Le dialogue doit s’installer entre les « castors » [bons bricoleurs non professionnels, NDLR] et les installateurs. Nous demandons aux GSB de leur fournir la liste des installateurs RGE, ne serait-ce que pour vérifier et faire la mise en service et les réglages électroniques sur les poêles, par exemple : la fumisterie est un art très délicat.