Durabilité, Evolutivité et Développement durable : mots clés d'une réhabilitation lilloise
Classé Monument Historique, le projet de réhabilitation du Palais Rameau à Lille a dû suivre un cahier des charges précis pour réaliser le projet de la maitrise d’ouvrage : faire cohabiter des espaces ouverts au public et des espaces de recherche et de formation privatifs réservés aux étudiants et aux chercheurs.
Propriété de la ville de Lille (59), le palais Rameau a été construit en 1878 sur le principe d’une gigantesque serre horticole : prévu à l’origine pour des expositions de fleurs et de fruits, mais aussi pour les arts et la musique, il a été classé monument historique en 2002. Récemment, un bail emphytéotique de 25 ans a été conclu avec l’école d’ingénieurs Junia incluant, à terme, la restitution du bâtiment à la ville de Lille dans son état initial. Disposant ainsi de cette emblématique bâtisse, Junia souhaite en faire un démonstrateur des agricultures de demain. Pour mener à bien ce projet, la maitrise d’ouvrage a souhaité faire cohabiter des espaces ouverts au public et des espaces de recherche et de formation privatifs réservés aux étudiants et aux chercheurs. Du fait du classement du bâtiment aux Monuments historiques, certaines contraintes se sont imposées et le choix de réhabilitation s’est alors porté sur un projet intérieur modulable, évolutif et entièrement réversible, préservant l’âme du bâtiment tout en lui apportant modernité et praticité. C’est le cabinet d’architectes Atelier 9.81 qui s’est attelé à ce défi en travaillant de concert avec Edwood Construction Bois qui a permis la concrétisation du projet. « Sur ce projet, nous avons réfléchi autour de trois contraintes, explique Cédric Michel, architecte et co-gérant de l’Atelier 9.81. La durabilité, l’évolutivité et le développement durable ». Pour les concilier, le bois présentait le meilleur compromis, combiné à des matériaux biosourcés et/ou recyclables et recyclés.
Structure bois
Pour proposer un modèle réversible, le projet s’est orienté vers une solution d’aménagements intérieurs détachés de la structure même du bâtiment. Pour imager les choses, « c’est un peu un système de boîtes dans la boîte », ose Cédric Michel. Des modules en bois viennent habiter l’espace et cohabitent les uns avec les autres pour former la structure intérieure du bâtiment. Ainsi, un système de micro-pieux métalliques a d’abord été installé pour soutenir la structure bois à 60 cm du sol existant – une concession accordée par la Drac (Direction régionale des affaires culturelles). Ces pieux assurent non seulement les fondations de la structure bois, mais préservent également le sol d’origine tout en créant entre celui-ci et le nouveau plancher bois un vide qui permet le passage des éléments techniques. Sur ces pieux est fixée la superstructure de bois qui accueille ensuite les modules permettant le cloisonnement de l’espace : à terme, la zone centrale restera relativement ouverte pour devenir un démonstrateur ouvert au grand public, tandis que les côtés du bâtiment seront cloisonnés pour abriter laboratoires et salle d’enseignement.
Réemploi et recyclage
Cette structure est non seulement démontable, mais tous ses éléments ont vocation à être réemployés ou recyclés, selon les principes du “cradle to cradle”. Le projet souhaitait s’orienter vers une essence la plus locale possible et le choix s’est donc porté sur le peuplier (cf. encadré) : « C’est une essence perçue comme légère et tendre, que l’on utilise pour certains emballages comme les boîtes de camembert ; pourtant le peuplier est parfaitement adapté aux usages structurels car il présente une très bonne résistance mécanique, tout comme les résineux », résume Antoine Bisbrouck, directeur associé de Edwood Construction Bois, à l’origine de la structure. Ce sont donc près de 160 m3 de lamellé-collé en peuplier local qui ont été utilisés pour former les poteaux et l’ossature générale, auxquels se sont ajoutés 1 150 m2 de panneaux en épicéa pour former les planchers. Le cloisonnement, encore en cours, sera assuré par des panneaux bois ou de Fermacell utilisés bruts avec vis apparentes ; un parti pris esthétique qui vise à laisser le bois exprimer tout son potentiel et à limiter l’empreinte carbone de la construction.
A l’extrémité du bâtiment, la serre équatoriale, qui a subi les affres du temps, est actuellement en pleine réfection.
Le peuplier, bois local
C’est un bois aussi discret qu’essentiel. Leonard de Vinci l’avait déjà choisi au XVIe siècle pour y peindre sa légendaire Mona Lisa, mais c’est aussi un bois d’avenir. Pour preuve ? Selon Fibois, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) des Nations unies l’a classé comme “bois du XXIe siècle”. Fort de ses atouts en phase avec les besoins de notre époque (protection des sols, des eaux, fixation du carbone), il représente en France 2 % des surfaces de feuillus pour plus d’un quart de la production. La France est d’ailleurs le premier pays producteur européen de peuplier. Celui utilisé pour le chantier du Palais Rameau est issu d’une filière locale : produit à 50 km de Lille, il est ensuite travaillé dans les ateliers d’Edwood qui se trouvent à 5 km du chantier lillois.
Fiche chantier
- Lieu : Lille (Nord, 59).
- Maîtrise d’ouvrage : Junia, école d’ingénieurs
- Maîtrise d’œuvre : Atelier 9.81, Perrot & Richard (monuments historiques), Les Saprophytes (extérieur), Verdi Ingenierie, Elan, Elyne Olivier (historienne), Lateral Thinking Factory
- Type : monument historique
- Surface : 3 951 m2 pour le palais, 139 m2 pour la maison du gardien
- Certifications visées : Cradle to cradle, Breeam, WiredScore et Biodiversity
- 2 438 : le nombre d’heures cumulées de travail en atelier et levage
- Budget : 11,9 M €