[Énergie fatale] Une “autoroute de la chaleur” pour la métropole lilloise
La Métropole européenne de Lille (MEL) qui rassemble près de cent communes, s’est doté d’une autoroute de la chaleur unique à l’échelle de l’Hexagone. L’énergie produite par l’incinération des déchets ménagers collectés chez les particuliers est convertie en chaleur et électricité pour les habitants du territoire. Visite guidée d’un projet d’économie circulaire plutôt audacieux.
Au-delà des barrières du centre de valorisation énergétique (CVE) des déchets qu’exploite Véolia à Halluin, dans le département du Nord, une noria de camions de collecte des déchets ménagers rythme les journées.
Chacun d’entre eux vient déposer son contenu dans un hangar : les déchets ménagers des habitants de toute la métropole lilloise atterrissent au fond d’une immense fosse (74 mètres de longueur sur 28 de hauteur et 12 de largeur) et sont brassés avant d’être saisi par un grappin XXL.
Celui-ci les dirige vers un four d’incinération qui fonctionne à 850 °C quasiment en continu et en autonomie. Seule sa mise en route nécessite de l’énergie. Le reste du dispositif fonctionne en auto-combustion.
« Une fois les déchets incinérés, les cendres appelées mâchefers sont refroidies et revalorisées en technique routière (une tonne de déchets génère environ 250 kg de mâchefers) tandis que l’énergie produite alimente une chaudière qui transforme l’eau en vapeur. Une partie de celle-ci est turbinée pour être injectée sur le réseau électrique d’Enédis [ex-ErDF] et l’autre partie passe dans des échangeurs thermiques et permet d’alimenter l’autoroute de la chaleur. À la sortie, les gaz de combustion sont traités dans différents équipements afin de répondre aux obligations réglementaires de rejets », résume Patrick Hasbroucq, directeur de Covalys.
Créée en 2017, cette société d’une cinquantaine de salariés évolue dans la filière du traitement et l’élimination des déchets non dangereux. Elle a réalisé un chiffre d’affaires de près de 22,7 M€ l’an dernier.
« L’enjeu de cette démarche était triple : diminuer les quantités de déchets ultimes, stopper l’utilisation du charbon et, enfin, favoriser une économie circulaire locale, à un prix compétitif pour les usagers. Pour y parvenir, Véolia s’est appuyé sur le centre de valorisation énergétique (CVE) d’Halluin. »
Aurélie Lapidus, directrice Recyclage et Valorisation des déchets de la région Hauts-de-France
2 200 kcal par kg de déchet incinéré
Le réseau de cette autoroute de la chaleur s’étend sur une quarantaine de kilomètres et traverse une dizaine de communes. « C’est le premier tronçon d’un vaste réseau qui permettra demain de chauffer les logements métropolitains de manière plus sure, plus verte et plus économique », a souligné Damien Castelain, président de la MEL, lors de la récente inauguration.
Avec lui, la chaleur produite avec les déchets représente l’équivalent de l’achat de 5 M€ de gaz par an : l’eau circulant dans cette autoroute offre une solution de chauffage plus écologique et jusqu’à quarante fois plus économique qu’un réseau traditionnel.
Et c’est sans compter les économies concernant les émissions de CO2, puisqu’on considère que ce réseau permet de réduire les émissions de l’ordre de 50 000 tonnes par an comparée à l’ancienne centrale qui était approvisionnée en charbon importé de... Colombie.
Le CVE assure une partie de la souveraineté énergétique de la MEL en délivrant une énergie à moindre coût tout en valorisant quelque 350 000 tonnes d’ordures ménagères. En 2021, cette structure a produit 270 GWh thermiques – soit l’équivalent de la consommation d’environ 35 000 logements – et 91 GWh électriques – soit l’équivalent de la consommation de 20 000 logements. Montant global de l’investissement ? Pas moins de 70 M€ financés en partie par l’Agence de la transition écologique (ex-Ademe) et les fonds européens Feder.
Le chantier en six chiffres
• 3 ans de chantier, pendant la crise sanitaire et les confinements successifs
• 10 communes traversées
• 40 km de canalisations en boucle, l’un des plus grands réseaux d’Europe
• 113 °C pour l’eau circulant dans les canalisations
• 8 000 heures de fonctionnement par an
• 35 000 foyers bénéficient d’une énergie à moindre coût (énergie fatale)
(Source : Covalys, MEL)