Batiman prêt pour une reprise... aux contours encore flous
EN PHOTO • À Combronde, dans le Puy-de-Dôme, le Batiman local est dans les starting-blocks pour aborder – comme ses 75 autres confrères de ce réseau d’indépendants – une reprise dont le calendrier et les contours demeurent incertains.
[Zepros Négoce] Durant huit semaines, le spécialiste en menuiseries Batiman aura vécu le confinement sur deux fronts opposés. Si les magasins ciblant les clients BtoC n’ont redémarré leur activité que fin avril, les adhérents servant les professionnels ont réussi à conserver un volume d’affaires réduit. Bilan et perspectives de “l’après 11-Mai” avec Philippe Valette, PDG du réseau depuis août 2018.
L’ÉTAT DES LIEUX DÉBUT MAI
Philippe Valette : À la veille du déconfinement, la situation est un peu mi-figue, mi-raisin. D’un côté, la moitié du réseau axé sur le particulier a connu un arrêt brutal d’activité et le quasi-black-out des demandes de contacts auprès des commerciaux. Depuis fin avril, les adhérents ont engagé un redémarrage dans la perspective du 11 mai et pour traiter les quelques demandes de projets reçues. De l’autre côté, le pôle Négoce dont les chantiers neufs alimentent une partie des ventes ont rouverts dès le 23 mars en adoptant tous les protocoles barrières. Nous avions enregistré un début 2020 très dynamique avec un niveau de croissance à deux chiffres. Fonctionnant en drive sans contact et en livraisons directes, cette typologie d’adhérents a pu épurer les commandes enregistrées avant le 17 mars, tout en continuant à servir certains menuisiers et TPE qui n’étaient pas à l’arrêt. Mais la reprise est allée crescendo sur ce segment à partir de mi-avril ; principalement dans les zones péri-urbaines et rurales. Notre assortiment multiproduits (menuiseries intérieures et extérieures, portes de garage, stores, vérandas, pergolas, cuisines, escaliers…) a permis, en partie, d’amortir l’érosion de chiffre d’affaires avec les installateurs qui ont assuré un certain volume de travaux. Fin avril, l’activité BtoB restait en retrait de -20 à -40 % comparée à la normale en fonction de la zone d’implantation des adhérents. Nous devrions consolider très bientôt les niveaux de chiffre d’affaires Achats des adhérents durant cette période.
EN PHOTO • PDG de Batiman et DG d’Aria, la holding de tête, Philippe Valette a déjà programmé un plan de bataille commercial pour tenter de récupérer au plus vite le chiffre d’affaires perdu depuis mi-mars.
DES LEVIERS ACTIVÉS PAR LA TÊTE DE RESEAU
Ph. V. : Afin de permettre aux adhérents de poursuivre l’activité, même dégradée, la centrale a participé à la fourniture des masques, solution hydroalcoolique, etc. Pour désacraliser cette crise, le contact a été permanent avec les adhérents pour synthétiser toutes les informations utiles et les conseiller : PGE, report de charges, chômage partiel, données juridiques et gestion de la trésorie, respect des échéances fournisseurs, mise en avant des différents guides [OPPBTP, protocole "Chantiers" de l’UFME...] à destination de nos équipes de pose, etc. Très vite, via un prestataire, un numéro téléphonique premium [un numéro Cristal non surtaxé] a été activé pour continuer à traiter les appels entrants. Un prestataire extérieur été missionné pour rediriger ces nombreux appels 24h/24h et sept jours sur sept vers le téléphone portable de chacun de nos 76 partenaires ou de leur responsable. Le coût du service a été pris en charge par la tête de réseau. Par ailleurs, l’enseigne a été encore plus proactive sur Facebook en organisant, entre autres, un jeu-concours avec un taux de retour non négligeable. Durant cette période compliquée, il était important de créer de la connivence et d’entretenir le lien avec notre communauté.
DES PERSPECTIVES ERRATIQUES
Ph. V. : Notre planning d’actions commerciales et de communication a bien sûr été chamboulé. Nous faisons le pari d’organiser une opération forte courant juin soutenue par des campagnes sur certains médias nationaux TV et radio : "Le Mois Inoubliable" avec une réelle amélioration des conditions commerciales par rapport à l’opération de mars qui a avorté en raison du confinement. Mais il y a un réel volontarisme des adhérents qui, pour le moment, ne sont pas touchés de plein fouet par la crise sanitaire : les capitaux propres et les trésoreries restent saines. Cet épisode intervient pourtant à un moment où l’activité du réseau connaît une forte saisonnalité à partir de mars. Nous serons aussi tributaires de la remontée en charge plus ou moins rapide de la production chez les fournisseurs. La question est particulièrement prégnante pour les approvisionnements concernant les commandes de projets sur mesure – avec des délais sans doute rallongés (six à huit semaines). Un dialogue renforcé entre tous les partenaires de la chaîne de valeur sera capital pour anticiper la reprise. Mais à quel rythme un vrai redémarrage de l’économie peut être envisagé ? Dans un climat d’incertitude, comment réagiront les ménages qui avaient des projets de travaux ou de rénovation ? Dans quelle mesure notre filière – de l’amont à l’aval – pourra absorber les surcoûts induits par la crise sanitaire ? Durant au moins plusieurs semaines, nous risquons de naviguer à vue. Dans ce contexte, notre activité risque de se heurter à des soubresauts jusqu’à l’automne 2020 en termes de facturations clients. La dégradation du chiffre d’affaires pourrait alors être supérieur à 20 % par rapport à l’an dernier. Les questionnements sont là, mais il faut avancer.
Propos recueillis par Stéphane Vigliandi