RE2020 : les ministres dévoilent les nouveautés de la future réglementation
[Zepros Bâti] Seuil maximal d’émissions CO2/m²/an, Bbio renforcé intégrant les besoins en froid, accent sur la chaleur renouvelable au détriment du gaz (exlu du neuf) et sur les matériaux de construction biosourcés à la place du béton… la Réglementation Environnementale 2020 – qui entrera en action à la mi-2021 – fait la chasse au carbone. Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, et Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du Logement, lèvent le voile sur les nouveautés de cette réglementation qui doit réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le neuf de -30 à -40 % dans les 10 ans.
« La future Réglementation Environnementale 2020 est une étape décisive, il y aura un avant et un après », annonce d’emblée Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. La responsable, qui évoque un texte attendu depuis longtemps par beaucoup d’acteurs de la construction, parle de « temps au service de l’ambition environnementale » pour faire des bâtiments neufs, des édifices tous exemplaires. Trois priorités ont été définies, précisées par la ministre en charge de la question du Logement, Emmanuelle Wargon : « La sobriété énergétique et à la décarbonation des énergies, la diminution de l’impact carbone de la construction et la question du confort d’été et l’adaptation aux fortes chaleurs ».
La meilleure énergie, c'est celle que l'on ne consomme pas
Sur le premier point, celui de la sobriété énergétique, la RE2020 sera évidemment plus exigeante que l’actuelle RT2012. Le Bbio, l’indicateur de besoin bioclimatique, qui dépend de l’isolation et de la conception géométrique d’un bâtiment (y compris son orientation/exposition et sa volumétrie), sera abaissé, de 30 %. Donnant une image de ce que pourraient être ces habitats encore mieux conçus, Barbara Pompili avance : « La facture d’électricité d’une maison neuve typique avec PAC sera de l’ordre de 200 €/an, soit moins de 20 €/mois ». Le besoin de froid sera également incorporé à ce Bbio renforcé, ceci afin de tenir compte de la répétition des phénomènes de canicule estivale, comparable en durée et intensité à ce que la France a connu en 2003.
Pour décarboner les énergies utilisées, et passer notamment des fossiles comme le fioul ou le gaz non renouvelable à la biomasse ou aux pompes à chaleur, un seuil maximal sera fixé pour les émissions de gaz à effet de serre, évaluées en kgCO2/m²/an. « Dans la maison individuelle, ce seuil sera de 4 kgCO2/m²/an. Une maison moyenne, conforme à la RT2012 et chauffée au gaz, émet aujourd’hui 5 tonnes de CO2/an. Une maison neuve RE2020 n’en émettra plus que 0,5 », assure Barbara Pompili. Dans le collectif, ce seuil sera moins exigeant, en raison d’un plus grand recours aux chaufferies gaz. Il sera donc, dans un premier temps, de 14 kgCO2/m²/an. Mais, à compter de 2024, les constructions neuves devront descendre à 6 kgCO2/m²/an. L’idée sera donc bien de privilégier les réseaux de chaleur urbains, la biomasse et les PAC avec appoint gaz pour les jours de grand froid. « En revanche, il n’est pas question d’installer des radiateurs électriques partout. Les radiateurs à effet Joule ne sont pas d’avenir et il faut empêcher leur retour », martèle la ministre, qui rappelle que ce mode de chauffage s’il est abordable à l’installation, se révèle moins économique en utilisation et qu’il contribue grandement à la pointe de consommation hivernale. Un seuil maximal de consommation des énergies non renouvelables sera donc instauré (sans toutefois en connaître encore la valeur).
Sur le confort d’été, la RE2020 intègrera un nouvel indicateur, exprimé en « degré.heure » (DH). Une valeur maximale de 1 250 DH sera autorisée, « ce qui correspondrait à une période de 25 jours par an durant laquelle le logement sera continuellement à 30 °C en journée et 28 °C la nuit ». Parallèlement, un seuil bas sera fixé à 350 DH, à partir duquel des pénalités forfaitaires s’appliqueront dans le calcul de la performance énergétique. L’objectif sera donc de parvenir à concevoir des logements sous ce niveau, en utilisant des artifices comme les brise-soleil, les puits canadiens ou les brasseurs d’air. Les solutions de climatisation passive seront encouragées par la nouvelle réglementation.
Avantage : stockage
Concernant les modes constructifs, Emmanuelle Wargon annonce une meilleure prise en compte des phases de construction et déconstruction dans l’analyse du cycle de vie (ACV), phases qui représentent entre 60 et 90 % de l’empreinte carbone. « Il y aura des seuils et des exigences de résultats, pour encourager l’innovation » évoque la ministre déléguée au Logement. Qu’il s’agisse de béton décarboné ou de biosourcés, un avantage sera accordé au stockage de carbone. « Leur usage doit être généralisé en 2030 dans l’individuel et le petit collectif », souligne-t-elle. L’usage du bois dans le grand collectif sera également poussé, grâce à une montrée en puissance de la filière et le développement de bois de construction français dans le cadre d’un plan spécifique, porté par Julien Denormandie. Le but : diminuer de 30 à 40 % les émissions de gaz à effet de serre de la construction d’ici à 2030. Emmanuelle Wargon poursuit : « Deux étapes intermédiaires sont prévues : la baisse se fera régulièrement, avec -15 % environ (selon le type de bâtiment) en 2024 et -25 % en 2027 ». Les méthodes d’ACV seront optimisées et fiabilisées. Anticipant la question des surcoûts, le gouvernement estime que la marche sera similaire – voire inférieure – à celle de la RT2012. Il anticipe une augmentation des surcoûts immédiats pour répondre aux exigences nouvelles, de l’ordre de 3 à 4 % seulement et ne dépassant pas les 10 % en 2030 par rapport à aujourd’hui. Des montants « à mettre en regard des gains socio-économiques obtenus sur la durée de vie des bâtiments : baisse de facture énergétique, émissions de carbone évitées, création d’emplois locaux, etc. », soutient l’exécutif.
Pour favoriser l’anticipation et mobiliser les acteurs, un label d’Etat sera également créé pour « valoriser et récompenser les bâtiments qui atteindront les exigences des étapes suivantes à la RE2020 », c’est-à-dire les projets qui iront volontairement encore plus loin dans leurs performances. Ce label est en cours d’élaboration par le Plan Bâtiment Durable avec le concours des porteurs de labels existants (Alliance HQE-GBC, BBCA, Effinergie) et sera publié après l’entrée en vigueur de la réglementation elle-même, donc au 2e semestre 2021. La ministre du Logement conclut : « Le quart du parc des logements de la France de 2050 n’est pas encore construit. Ces futures constructions neuves se doivent d’être à la fois durables pour notre planète et de qualité pour leurs occupants, de demain et d’après-demain ». La réglementation environnementale de 2020 imprimera donc pour longtemps son empreinte (décarbonée) dans le monde du bâtiment français.
G.N.