Avec Avirose, elles rament contre le cancer du sein ! Le combat musclé de Jocelyne Rolland
Tout commence par une rencontre. Claudine Martinez, la directrice de l’agence Tokster, est invitée par Christian Vandenberghe, le président de la fédération française d’Aviron, au stade Charlety à Paris pour participer le 3 février 2024, au Championnat de France d'Aviron Indoor 2024.
Pendant l’événement, elle échange quelques mots avec Jocelyne Rolland, l’initiatrice du concept Avirose qui permet aux femmes atteintes d’un cancer du sein de s’entraîner sur un rameur chez les kinésithérapeutes.
Son combat la touche, elle se sent concernée, alors elle me demande de raconter son histoire aux femmes qui travaillent dans le bâtiment, la restauration et l’automobile. Voici son interview.
Le témoignage d'une artisane du bâtiment
Bonjour Jocelyne, pour commencer cette interview, j’aimerais vous lire le témoignage d’une artisane du bâtiment. Elle s’appelle Lucie Amand. Elle est notamment présidente de l’association « les filles du BTP » et je lui ai parlé de ce que vous faites. Voici ce qu’elle m’a dit :
« J’ai rencontré et échangé avec des femmes qui m’ont touchée. Elles m’ont parlé de leur maladie, de leur combat, de leur vie au quotidien, de leurs rêves. Une amie de ma maman, que j’admire beaucoup, par sa force de caractère, sa joie de vivre, son sourire permanent, sa volonté d’agir, son savoir, a eu à deux reprises un cancer du sein. La première fois, je n’avais qu’une dizaine d’années, j’ai suivi ça de loin, mais cela m’avait déjà marquée. Puis, le cancer est revenu et là, j’étais déjà adulte.
J’admire Nathalie pour son courage, sa force de vivre, son sourire et sa bonne humeur perpétuelle. Aujourd’hui, elle est guérie. Mais jusqu’à quand ? »
J’ai trouvé ce témoignage intéressant et emblématique. J’ai envie de vous retourner la question : « Jusqu’à quand ? »
Autrement dit, quand on guérit une première fois d’un cancer du sein, que peut-on faire pour limiter les risques d’une récidive ?
« On peut essayer de gérer les facteurs de risque modifiables.Quand on a un cancer du sein, il y a deux sortes de facteurs de risque.
Il y a les facteurs de risques qu'on ne peut pas modifier comme l'âge, le fait qu'on ait eu une puberté précoce, une ménopause tardive, etc. Mais il y a des facteurs de risque que l'on peut modifier. Par exemple, la pratique d'activité physique, éviter le surpoids, avoir une alimentation saine, éviter le plus possible l'alcool et le tabac, etc.
On va expliquer cela à une femme qui n’a pas eu un cancer du sein, mais aussi à celles qui en ont déjà eu un, car avoir eu une première fois un cancer du sein, ne protège pas d'un autre cancer du sein. Au contraire, les statistiques montrent qu'une fois qu'on a eu un cancer du sein, on a plus de risques d'en avoir un deuxième. »
Avirose : l'aviron pour combattre le cancer du sein
Et c’est là qu’Avirose peut avoir un rôle important. Pourriez-vous nous présenter Avirose ?
« Je suis kinésithérapeute. Dans mon cabinet, j'avais l'habitude de traiter des femmes opérées d'un cancer du sein. Je savais par tout ce j’avais lu qu'il fallait essayer de mettre ou remettre ces femmes à l'activité physique. Parce que l'activité physique protège contre le cancer du sein et contre ses récidives.
Comme je faisais moi-même de l'aviron, un sport complet, c'est-à-dire musclant, endurant et aussi assouplissant, je me suis demandé : « Pourquoi ne ferait-on pas du rameur dans nos cabinets ? » Les femmes ont alors la possibilité de poursuivre leur rééducation en toute sécurité et sous le contrôle des kinés. C’est ainsi que le concept d’Avirose est né.
Claudine Martinez qui a participé à l’événement en février m’a dit que la posture a aussi un rôle fondamentale : « L'aviron permet aux femmes de réouvrir leur cage thoracique et de respirer en même temps, de relever la tête après une longue période de retrait sur elles-mêmes »
« Oui, c’est exact. On peut ajouter que l’effort sur les bras est symétrique et que le geste renforce les muscles du dos et des omoplates pour se redresser au quotidien. »
Comment se déroule le challenge Avirose ?
Je suis allée voir la fédération française d’aviron pour leur demander d’intégrer une catégorie Avirose dans leur compétition nationale d’aviron indoor. Elle se déroule comme un relais avec des équipes de 4 femmes, 2 opérées d’un cancer du sein et 2 autres qui n’ont pas traversé cette épreuve. Ce sont souvent des amies, des collègues ou des kinés.»
Le kinésithérapeute, c'est l'artisan du mouvement
Lucie m’a avoué qu’elle aurait bien aimée devenir kiné. Justement, on dit d’elle qu’elle a des mains en or, mais elle les utilise aujourd’hui pour retaper des maisons. Avec le temps, elle a changé de vocation.
Jocelyne, vous êtes kinésithérapeute. Vous avez vous aussi des mains en or. Pourriez-vous nous raconter quelque chose de votre parcours ?
« Le kinésithérapeute, c'est un peu l'artisan du mouvement. J’ai toujours été sensible aux bienfaits de l’activité physique et son impact dans le bien vieillir. Pour mes patientes opérées du sein, la finalité c’est d’abord qu’elles vieillissent, pour elles vieillir c’est un vrai challenge, et ensuite qu’elles vieillissent bien, d’où l’importance de l’activité physique.
Mon métier, c’est aider ces femmes à bien vieillir avec le moins possible de douleurs, le moins possible de surpoids, le plus possible de qualité de vie et de bien-être. »
J’ai formé 2 700 kinésithérapeutes
Dans votre cabinet, avez-vous exclusivement des personnes atteintes du cancer du sein ?
« Depuis janvier, j’ai pris ma retraite après 47 ans d’exercice. En effet, sur la fin de mon activité au cabinet, je n'avais que des femmes opérées du sein. Je forme encore les kinésithérapeutes qui veulent s'occuper des femmes opérées d'un cancer du sein. »
Jusqu’à maintenant, combien de kinés avez-vous formés ?
« J’ai formé 2 700 kinésithérapeutes dans toute la France. On peut trouver la liste sur mon site web : se reconstruire en douceur.
Je suis également la marraine de l’association du « Réseau des Kinés du Sein » qui regroupe 1 280 kinésithérapeutes formés pour les femmes opérées du cancer du sein. »
Elle m’appelle « sa petite lumière »
Comme l’a fait précédemment Lucie, est-ce que vous pourriez nous raconter l’histoire d’une femme qui vous a touchée, que vous ne pourrez jamais oublier et qui soit particulièrement exemplaire ?
« Oui, j’ai une patiente, Sandrine, qui m’appelle « sa petite lumière ».
Quand elle est venue me voir au début, elle souffrait énormément. Elle a commencé en suivant des séances de kiné et elle s’est mise au rameur. Si je n’avais pas été là, elle n’aurait pas récupéré aussi bien. Le kinésithérapeute est certainement le professionnel de santé qui accompagne le plus ces femmes. On développe une relation privilégiée avec elles. Elles sont preneuses de tous les bons conseils que vous pouvez leur donner et elles deviennent dépendantes de l’activité physique.
Sandrine me dit qu’elle ne rame pas parce qu’elle a eu un cancer, mais elle rame parce qu’elle tient absolument à être en forme pour participer au challenge Avirose tous les ans.
Non seulement elle prend plaisir à le faire, mais en plus, elle montre l’exemple aux autres femmes. C’est génial.
Elle est devenue une patiente experte. Ce sont des gens qui ont eu une maladie chronique et qui décident de suivre une année d’étude à l’université pour apprendre à devenir l’intermédiaire entre le médecin et le patient.
Le rôle de Sandrine est donc d’aider les femmes à comprendre ce qui se passe dans son parcours, les traitements et les difficultés qu’elle pourrait rencontrer.
Comme elle est déjà passée par là, elle sait les écouter et elle porte la bonne parole sur l’importance de l’activité physique. »
Alimentation et cancer du sein
Sur Zepros Resto, on parle souvent d’alimentation. Est-ce que vous pourriez donner des conseils en matière d’alimentation pour qu’une femme limite les risques d’avoir un cancer du sein ou une récidive ?
« Il faut avoir une alimentation la plus naturelle possible, en évitant surtout les plats transformés. Dernièrement, des chercheurs ont mis en évidence le rôle de certains additifs émulsifiants qui augmentent le risque d’avoir un cancer du sein. On ferait mieux d’éviter tout ce qu'on ne contrôle pas au niveau de la composition des plats que l'on mange. L’idéal serait de faire soi-même la cuisine, de préparer ses plats.
Il faut prêter attention à tout ce qui est soumis aux pesticides et aux perturbateurs endocriniens. Parce que malheureusement, notre glande mammaire est une glande hormonale. Tout ce qui perturbe nos hormones n’est pas bénéfique pour notre santé.
Il faut bien sûr prêter attention à son poids. D’un côté, faire de l’activité physique et de l’autre, éviter de manger des aliments trop riches, trop sucrés, trop salés et trop gras.
Il y a un message essentiel à faire passer : les femmes doivent limiter l’alcool. Il ne faudrait pas boire plus d’un verre d’alcool par semaine ! »
Pas plus d'un verre d'alcool par semaine !
C’est encore plus strict que sur la route !
« Exactement, mais il faut expliquer pourquoi. Nos seins sont sensibles aux œstrogènes, des hormones féminines. Or, quand on boit de l'alcool, l'éthanol sollicite ou stimule la production d’œstrogènes. Cela a donc surtout une incidence sur les cancers hormonodépendants. Il faut faire attention à l'alcool par rapport à nos seins. On parle souvent de l’incidence du tabac sur certains cancers. Mais dans le cadre du cancer du sein, l’alcool fait plus de dégâts.
On ne se rend pas forcément compte à quel point on peut être submergé de mauvais produits. Comme je le dis souvent, ce n’est ni scientifique ni très joli, mais nos seins sont comme une poubelle ! On accumule dans nos seins tout un tas de mauvaises choses que l'on absorbe.
Mais, c'est peut-être pour ça qu'il y a autant de cancers du sein. Les chiffres sont monstrueux. On dénombre 60 000 nouveaux cas par an pour 12 000 décès. »
Faites passer le message !
Jocelyne, est-ce que ça vous étonne qu'un groupe de presse qui, à travers ses journaux et ses sites, parle aux artisans du bâtiment, aux professionnels de la restauration, au monde de l'automobile, ait eu l’idée de faire votre interview ?
« Je trouve ça super intéressant, car il faut informer les femmes, il faut informer les gens. On ne parle pas seulement à des professionnels du bâtiment, de l’auto et de la restauration, on parle à des hommes et des femmes qui vont avoir autour d'eux des femmes opérées, dans leur famille, et qui peut-être voudront mettre en place de la prévention pour ne pas tomber dans ce cancer du sein.
Des femmes pensent que c’est normal d’avoir des douleurs, car elles ont un cancer. Nous, les kinés, nous leur disons que ce n’est pas normal d’avoir mal et que nous pouvons faire quelque chose pour elles.
Si elles ont mal aujourd'hui, qu'est-ce qui va se passer dans 5 ans, dans 10 ans ? C'est important que vous passiez le message qu'on peut faire des choses après un cancer du sein pour ne pas avoir mal et pour reprendre l'activité physique.
Mais si une femme a mal, si elle est fatiguée, si elle est raide, elle n'ira pas vers l'activité physique. Et pourtant, c'est vital pour elle. Donc, oui, je le répète, c’est important que vous passiez le message.
Parmi toutes les femmes que vous allez toucher, ou même parmi tous les hommes qui vont lire l'interview, certains vont se dire : « Il faut que je dise à ma femme qu'elle se bouge, qu’elle ne reste pas au lit ! »
Une chimio, c'est dur, c'est difficile, c'est fatigant, mais dès qu'on peut, il faut sortir du lit et il faut marcher. C'est la meilleure activité possible. C'est ce qui va permettre de diminuer les effets secondaires de la chimio. Mais spontanément, les gens font l’inverse. »
On va passer le message Jocelyne. Je fais beaucoup d’interviews de femmes qui travaillent dans le bâtiment comme Lucie qui m’a aidé à préparer cet article. Ce sont des femmes qui sont sensibles à cette cause et qui sont des sportives aguerries. Certaines ont même pratiqué le sport à un haut niveau. Je me dis qu’elles auront envie de participer au prochain challenge Avirose début 2025. Elles pourraient monter une équipe ou deux, et vous aider à propager la bonne parole sur les réseaux sociaux.
Elles vont adorer faire de l’aviron en salle au stade Charléty à Paris en 2025.
Elles peuvent prendre contact directement avec vous ou avec moi pour en savoir plus et s’inscrire.
Les muscles
Dernière question, est-ce qu’il y a une phrase que vous dites souvent aux femmes pour les motiver ?
« Nous, les femmes, plus nous vieillissons, plus nous avons besoin de développer notre musculature.
Ce n’est pas encore ancré dans l’esprit des femmes, mais ça nous aiderait à mieux vieillir. On devrait le dire aux jeunes femmes le plus tôt possible et les encourager à maintenir leurs muscles en bon état. »