La filière du bâtiment solidaire face aux hausses
Sous l’égide d’Olivia Grégoire, nouvelle ministre déléguée en charge des PME, et du Médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet, la filière du BTP a signé une « déclaration de solidarité commune » pour faire face aux difficultés d’approvisionnement en matière premières, équipements et matériaux de construction. Le but : mieux se concerter pour éviter que les plus petits acteurs ne subissent la loi des plus grands. Mais tous les acteurs n’ont pas souhaité signer un document jugé trop tiède, dont la Capeb…
« C’est une signature importante pour une filière importante », annonce d’emblée Olivia Grégoire, toute nouvelle ministre déléguée en charge des PME et du Commerce. Avant de poursuivre : « L’inflation s’est considérablement amplifiée mais elle n’est pas née avec l’Ukraine. Elle était déjà apparue en 2021 avec la reprise économique sur des matériaux comme le bois, les aciers ou le PVC. Mais aujourd’hui, elle est concomitante à la hausse des coûts de l’énergie et impacte aussi les briques et tuiles, le béton, les isolants, le gazole non routier… ». Un constat partagé par tout le secteur du BTP. La ministre note : « C’est toujours la même histoire : les plus gros imposent leurs décisions aux plus petits. Les plus petits finissent par disparaître et ce sont les gros qui en pâtissent. C’est un serpent qui se mord la queue, avec un manque de dialogue entre les uns et les autres ». Aussi, pour sortir de ce cercle vicieux entamé au début de 2021, l’exécutif a-t-il eu l’idée de confier une mission au Médiateur des entreprises, afin d’aider tous les acteurs de la filière à mieux gérer les conséquences de la crise actuelle et d’en limiter autant que possible les impacts.
Un Comité de veille qui ne fait pas de name & shame mais du name & fame
Un Comité de crise, veillant au respect des bonnes pratiques, a notamment été mis en place, afin d’intervenir auprès des entreprises qui n’étaient pas fairplay avec leurs petits camarades. Pierre Pelouzet, souligne les avancées obtenues en 1 an : « C’est la première fois que toute une filière est représentée, de l’amont à l’aval. Le document envoie un signal majeur face à un contexte inédit, car on ne peut plus faire comme avant et, soit tout passer à son voisin, soit rentrer dans un rapport de force. Cela fait souffrir les maillons de la chaîne et mène à la catastrophe ». Pour lui, le monde du BTP est donc un exemple de solidarité et d’intelligence commune. « Cela a du sens économiquement pour en ressortir tous ensemble, plus forts ». Le médiateur milite évidemment pour des rapports plus équitables et respectueux. Côté pratique, un gros travail a été réalisé sur l’Index BT et les différents indices professionnels (répartition entre les postes de dépense : matériel, salaires et charges, énergie, matériaux, frais divers, transport) qui sont remis à jour tous les 45 jours au lieu de 90. Les conditions d’exécution des marchés ont également été revues, avec un prolongement permettant d’éviter les pénalités de retard.
À l’inverse du « name & shame », Pierre Pelouzet se montre adepte du « name & fame » pour les meilleurs élèves de la filière BTP. Il cite notamment Saint-Gobain Distribution Bâtiment France, « qui ne répercute les hausses qu’une fois tous les mois, le 1er de chaque mois et pas à d’autres moments », ou d’autres comme BDR Thermea, Berner, Urmet, Layher, Tereva ou Viessmann, « qui s’engagent à maintenir leurs prix sur 30 jours ». Interrogé sur le fait que la « déclaration de solidarité de la filière » n’est pas un document engageant, le Médiateur répond : « C’est l’engagement de tous. Mais la médiation va continuer son travail, et le comité de veille pourra également intervenir de façon plus musclée, ce qui est très efficace et généralement suffisant » pour que les récalcitrants rentrent dans le rang.
La FFB apprécie le 1er pas, la Capeb attendait mieux
Olivier Salleron, signataire de la lettre de (bonne) intention, et président de la FFB, estime que cette déclaration est « une première étape bienvenue avant le lancement des Assises du BTP, annoncées il y a quelques semaines par Bruno Le Maire (et qui) doivent permettre de déboucher sur un net renforcement de la solidarité de filière au service [des] clients et de l’emploi en France, avec un accompagnement de l’État ». Moins enthousiaste, Jean-Christophe Repon le président de la Capeb, également présent à la cérémonie de signature, a réagi de façon plus mesurée : « Nous sommes déçus, même si la médiation des entreprises a fait un travail remarquable pour élaborer cette déclaration commune et pour raccourcir les délais de publication des Index BT. Nous regrettons que, dans un moment difficile, la filière du bâtiment n’ait pas pu être en capacité de faire preuve de solidarité. Rappelons que nous sommes dans un contexte économique, où nous craignons, de plus en plus, une baisse importante de l’activité dans le bâtiment à la fin du 2nd semestre 2022. Nous espérons, en conséquence, que nous puissions encore obtenir des avancées sur les engagements des différents acteurs de la filière, à l’occasion des Assises dont les travaux commencent aujourd’hui ». Olivia Grégoire a en effet continué sa matinée en concertation avec les représentants de branche présents au ministère ce lundi 11 juillet. Elle a rappelé que les Assises se tiendraient à la rentrée.