Gaz : consommation en baisse, production bio en hausse
Le paysage gazier français est en train d’évoluer. Il a démontré sa bonne résilience à la crise ukrainienne et son rôle de stabilisation dans la production d’électricité lors de l’indisponibilité du parc nucléaire. Désormais, il va devoir s’adapter à une consommation en baisse – transition énergétique oblige – et à l’essor du biogaz et de l’hydrogène.
Dans un contexte européen complexe, le gaz s’était montré très résilient en 2022, subissant une hausse des prix et une baisse des flux en provenance de Russie. En 2023, les approvisionnements ont donc évolué, en diminuant (-14 %) pour s’adapter à la baisse de la demande et à un besoin de stockage moindre qu’en 2022. La part de GNL importé a augmenté (+6 points), faisant de la France le premier point d’arrivée en Europe (22 % du marché devant l’Espagne, 19 %). Côté prix, la tendance est à un retour à des niveaux compétitifs d’avant-conflit en Ukraine, avec moins de volatilité. Sandrine Meunier, la nouvelle directrice générale de GRTgaz, précise : « La France est la moins chère de l’Union européenne, à moins de 39 €/MWh, grâce à ses bonnes infrastructures ». Cette tendance baissière devrait même se poursuivre dans les mois et années qui viennent, puisque le prix pourrait descendre à 27 €/MWh à l’horizon de 2027 !
Moins de 400 TWh consommés en 2023, une première depuis les années 1990
La consommation de gaz s’est tassée en 2023 de façon significative (-11,4 %) et notamment dans le secteur du bâtiment (-6,3 %), en raison d’un climat de plus en plus doux. Pour la production électrique également, cette consommation est en repli (-40,6 %) : « Il y a eu moins de sollicitation des centrales à gaz avec le retour à une disponibilité normale du parc électronucléaire », résume Sandrine Meunier. La production électrique française liée au gaz a donc retrouvé un niveau « classique », à 36 TWh contre 61 TWh en 2022, année exceptionnelle de ce point de vue. « Le gaz représente environ 6 % du mix électrique, contre 10 % en 2022 », précise la directrice générale qui n’oublie pas de faire valoir : « Le gaz a joué son rôle dans la flexibilité du système électrique ».
Cette consommation en baisse est également liée à des réponses à l’inflation (avec la hausse des prix de marché de gros en 2021-2022) et aux efforts de sobriété énergétique demandés par le gouvernement à partir de l’automne 2022. « On constate une baisse de la consommation dans tous les secteurs industriels également, avec des efforts d’efficacité énergétique et une substitution des sources d’énergie », note Sandrine Meunier. Spécificité du gaz : la capacité de stockage, qui a été pleinement mise à contribution pour passer les saisons froides. « Le niveau était très haut en France en 2023, pour faire face au manque d’importations russes ». Le remplissage, débuté au mois d’avril était achevé à 100 % au 1er novembre suivant.
Biogaz, H2, CCUS : l’avenir du secteur gazier
La nouvelle directrice générale de GRTgaz a également fait le point sur l’avancée du biogaz dans l’Hexagone : sa production est en forte hausse à 9 TWh (+32 %) ce qui est bien au-delà de l’objectif fixé par la PPE (6 TWh), démontrant la forte dynamique du secteur. Elle déclare : « Le biométhane aujourd’hui c’est 652 sites en France, avec 138 sites entrés en service en 2023. Sur ces 650 sites, 560 sont de méthanisation agricole ». Les capacités de production de biogaz cumulées sont désormais de 11,8 TWh/an (+2,8 TWh par rapport à 2022), et les projets en cours représentent encore 14,8 TWh supplémentaires. Depuis 2015, les capacités ont été plus que décuplées. L’objectif de 44 TWh/an de gaz renouvelables apparaît ambitieux mais atteignable selon les experts de GRTgaz.
Le panorama gazier ne pourrait plus être complet sans l’hydrogène dont l’industrie espère beaucoup pour se décarboner. Sandrine Meunier explique : « Il nécessite des infrastructures pour raccorder les bassins industriels, sécuriser les approvisionnements et assurer l’équilibre avec des stockages ». Environ 500 km de réseaux devraient être déployés d’ici à 2030. Notamment pour relier l’Espagne, la France et l’Allemagne dans un long corridor d’hydrogène. Enfin, les technologies de capture et séquestration du CO2 (CCUS) avancent elles aussi, et deux bassins industriels (Dunkerque et Saint-Nazaire) ont été sélectionnés pour mener des expérimentations régionales où des sites notamment cimentiers (Lafarge, Heidelberg) seront connectés à un réseau d’export du gaz carbonique vers la plateforme portuaire, en vue d’un stockage géologique définitif avec transit par bateau.