Patrick Martin (Medef) : « Nous attendons des réponses concrètes et rapides »

Arnault Disdero
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Patrick Martin président Medef portrait devant chantier construction terrassement

[Entretien exclusif] Le président du Medef n'y va pas par quatre chemins : il exhorte le nouveau Premier ministre Michel Barnier à faire le nécessaire pour offrir aux acteurs de la construction de la stabilité et de la simplicité. « Avant toute chose, le Medef appelle au réalisme », tonne-t-il.

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Les pouvoirs publics ont-ils pris la mesure de la crise de la construction ?

Patrick Martin : Vous le savez parfaitement : toute la filière est sinistrée. C’est vrai pour les acteurs directs de la construction, mais c’est vrai aussi de l’amont industriel. Je cite juste le cas d’une grande entreprise cimentière dont cinq usines sont à l’arrêt actuellement, ce qui n’est jamais arrivé dans l’histoire longue de ce groupe cimentier. Il y a aussi tous les métiers de service autour... Il y a une lueur d’espoir, dans le sens que les décideurs politiques semblent enfin avoir compris que le sujet du logement était central parce que c’est en soi une activité économique importante. Je rappelle qu’il représente 10% du PIB et 12% de l’emploi. Au-delà de ça, c’est un enjeu de pouvoir d’achat, de mobilité professionnelle, mais surtout c’est le vivre ensemble qui est en cause. On est face à une bombe sociale. Je me réfère aux dernières déclarations de Bruno Le Maire et de Christophe Béchu [respectivement ex-ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique et ex-ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, ndlr] pour me rassurer, d’une certaine manière. Je crois que Michel Barnier est parfaitement au courant de cette situation politique. Nous attendons des réponses concrètes et rapides.

Comment booster la rénovation énergétique ?

Patrick Martin : Aussi curieux que cela puisse paraître, alors que sur le plan environnemental on est tous conscients que la rénovation est un énorme enjeu dans le parc immobilier (je pense au logement, mais également aux locaux tertiaires), on a des va-et-vient sur le plan réglementaire, notamment autour de MaPrimeRénov’, qui ont des effets très déstabilisants. On n’est pas du tout sur la trajectoire qu’on devrait avoir pour tenir notre trajectoire de décarbonation. Là aussi, avec bien sûr les fédérations professionnelles, la FFB au premier chef, je martèle auprès des pouvoirs publics (les politiques aussi bien que les administrations centrales) qu’il faut de la stabilité et de la simplicité. La dernière révision de MaPrimeRénov’ va dans le bon sens, me semble-t-il. Après, il y a toujours une inertie entre le moment où une décision publique, législative ou réglementaire est prise et le moment où elle se traduit en résultats. Il ne faut pas trop toucher à ça, il faut maintenir les crédits qui s’y rapportent et aller vers la simplification. Il y a du chemin.

Appelez-vous, comme d’autres instances, à un Grenelle du logement ?

Patrick Martin : Il y a eu des travaux, je pense au Conseil national de la refondation du logement, qui n’ont rien donné. On peut en effet imaginer avoir une espèce de grand-messe de dimension nationale. Tout cela est très bien, mais il ne faut pas que ce soit de l’esbrouffe. Ce qui nous importe c’est que des décisions concrètes soient prises, que l’État prenne en compte que, vis-à-vis de l’argent public mis sur la table à travers notamment des aides fiscales, il faut un retour sur investissement extrêmement favorable. Petit rappel des chiffres : la sphère publique met environ 46 milliards d’euros de crédit sous différentes formes au bénéfice de la filière logement et le retour est de 90 milliards par an ! On voit bien, du fait du ralentissement des mises en chantier et des transactions immobilières, combien les finances, en particulier celles des départements, sont cruellement affectées. À un moment donné, il faut sortir des dogmes et des a priori. Avant toute chose, le Medef appelle au réalisme. Nous sommes dans une situation budgétaire qui fait que se priver de rentrées fiscales au motif qu’il faut faire des économies fiscales, c’est un peu stupide !

Arnault Disdero
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