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Selon Pôle Habitat-FFB « le logement neuf se dirige vers une crise sévère »

Grégoire Noble
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construction neuve chantier

La construction tombe de Charybde en Scylla : après la crise sanitaire, après l’envolée des prix des matériaux et de l’énergie, après l’entrée en vigueur de la RE2020 et de la ZAN qui augmentent encore les coûts, voici venir la pénurie des logements. Olivier Salleron (FFB), Grégory Monod et Christophe Bécaux (Pôle Habitat) font le point sur la situation et sur les sombres perspectives pour 2023-2024. À moins que…

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« Après toutes les crises que nous avons subies ces dernières années, la prochaine est la pénurie de logements qui va tomber sur le peuple français », annonce catastrophé Olivier Salleron, le président de la Fédération française du bâtiment (FFB). Avant d’énumérer les difficultés qui s’accumulent pour les constructeurs de logements : « Une ponction de 300 M€ sur Action Logement, cela signifie 26 000 logements en moins dans les deux ans qui viennent. Il n’y a pas de soutien pour le neuf. Certes, l’enveloppe de MaPrimeRénov’ est augmentée de 35 %, mais pour atteindre la neutralité carbone, il faudrait 20 Mrds €/an entre les aides publiques et les CEE – qui sont encore chahutés – au lieu de 7 Mrds € actuellement. Et il y a l’exclusion des travaux induits de la TVA réduite à 5,5 % pour la repasser à 10 % ». Le responsable fédéral reconnaît toutefois quelques avancées intéressantes notamment la réintroduction du crédit d’impôt pour les TPE/PME ou le rejet des amendements visant à réduire le PTZ et le Pinel. « Un penalty repoussé » se plaît-il à déclarer. Cependant, la FFB scande « il faut sauver le soldat Action Logement ! Il faut sauver le logement neuf !» et espère faire modifier le budget 2023 en faisant du lobby auprès des sénateurs. Faute d’aménagements favorables, Olivier Salleron assure que 30 % des entreprises seront en danger dans les 6 mois qui viennent, entraînant d’importantes pertes d’emploi en 2023-2024.

Des autorisations et des mises en chantier en hausse malgré tout

Et il est vrai que les chiffres sont mauvais : les ventes de maisons individuelles s’écroulent de presque -28 % sur les six derniers mois (-17 % sur un an). Sur l’ensemble de l’exercice 2022, il se pourrait même que le nombre total descende aussi bas que 100 000 unités, ce qui serait la pire année depuis 15 ans. En cause, la hausse des taux de crédit et le durcissement des conditions de prêt, l’inflation et l’érosion du pouvoir d’achat des Français. « Les premiers effets de la Zéro Artificialisation Nette augmentent encore le prix du foncier, ce qui vient s’ajouter aux autres hausses des prix des matériaux et de surcoût de la RE2020 », avertit Christophe Boucaux, le délégué général du Pôle Habitat. « Aucune région d’échappe à la tendance » d’effondrement des ventes, seules l’Île-de-France et PACA chutent de façon moins spectaculaire (étant déjà fortement urbanisées). « Tous les indicateurs sont au rouge », ajoute-t-il. Du côté des maisons groupées, qui avaient connu un rebond de +10 % en 2021, le recul est marqué (-17 %). « On atteint péniblement 7 000 unités sur 12 mois contre plus de 11 000 en temps normal », souligne le délégué général. Dans le collectif, la FFB estime même que le secteur est engagé « dans un long hiver ». Les ventes reculent de -10 % sur les six premiers mois de 2022. Se trouvaient donc en vente environ 88 000 appartements contre plus de 93 000 l’an passé. « Si les réservations comme les mises en vente se maintiennent elles au-dessus de leur moyenne de long terme, elles restent bien en-deçà de leur performance de 2017-2018 (autour de 120 000 ventes) », argumente la FFB. Christophe Boucaux précise : « Les autorisations sont en hausse de +14 % sur 12 mois et les mises en chantier de +0,5 %. Mais les abandons d’opérations en raison des difficultés se multiplient. Le taux d’annulation est ainsi passé de 15 à 30 % ». Les perspectives sont donc préoccupantes.

Les idées du Pôle Habitat : PTZ, Pinel, Crédit d'impôt...

Que faire pour inverser les courbes descendantes ? Grégory Monod a des idées. « Voilà quelques mesures à prendre pour éviter ou minimiser la crise : soutenir les opérateurs, en neutralisant les clauses de pénalité de retard dans les contrats privés et en réformant les modalités de révision des prix en CCMI soit à date d’ouverture du chantier, soit à date de réalisation de l’ensemble des conditions suspensives. Relancer l’accession à la propriété, en rétablissant le PTZ à 40 % sans discrimination territoriale, en relevant de 25 % les plafonds des opérations dans le calcul et en instaurant un crédit d’impôt pour atténuer l’impact financier de la RE2020. Enfin, rendre confiance aux investisseurs particuliers en restaurant l’attractivité du Pinel avant sa disparition et en mettant en œuvre un régime universel d’investissement locatif privé ». La FFB souhaite même que l’état d’urgence « crise des matériaux et de l’énergie » soit déclaré par l’État, à la manière de l’état d’urgence sanitaire apparu en 2020. Le président du Pôle Habitat conclut : « La situation exige des réponses dès la loi de finances pour 2023, sous peine d’un effondrement du logement neuf, malgré la persistance des besoins. Au-delà, il faut donner au secteur plus de stabilité et de visibilité, et lui permettre de construire plus, mieux et moins cher ». Un slogan déjà entendu dans la bouche de ministres, mais jamais suivi d'effets.

Grégoire Noble
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