Saint-Gobain fête ses 360 ans d'existence avec sérénité
Le géant français des matériaux de construction, né sous Louis XIV, a su se réinventer au cours des siècles pour devenir un acteur mondial du secteur. Si la France représente encore 1/5e du chiffre d’affaires global, c’est aux Amériques, en Asie et en Océanie que le groupe trouve aujourd’hui des relais de croissance. Benoît Bazin a fait le point sur la stratégie industrielle et sur la politique RSE poursuivies.
Benoît Bazin affiche une sérénité qui tranche avec le contexte politico-économique incertain que connaît l’Europe. La tranquillité du président-directeur général d’un groupe international (présent dans 76 pays du Monde) qui s’appuie sur de multiples marchés dans des zones géographiques éloignées pour continuer à grandir. Et la quiétude d’un dirigeant qui peut s’appuyer sur les compétences de 160 000 collaborateurs. Pour ses vœux à la presse, il déclare : « L’année 2025 a une saveur particulière pour notre groupe qui fête ses 360 ans. Après avoir visé plus haut en 2024, avec les JO, nous allons viser plus loin, plus large, à 360° ». Une façon de traduire à la fois l’ambition globale et durable de Saint-Gobain ainsi que l’idée d’une économie plus circulaire.
Si les résultats financiers ne sont pas encore publiés (il faudra attendre la fin février), le p-dg a toutefois donné quelques idées du bilan de l’exercice 2024 : « Ce fut une année active et dense, dans un contexte complexe. Mais le cap a été solidement tenu et cela a été une très belle année de succès, qui a démontré la pertinence de notre stratégie ». En bon leader, il cite les trois piliers de cette réussite : « D’abord l’excellence de l’exécution au sein du groupe. Un succès opérationnel pour nous adapter à ce contexte économique difficile en Europe ». Car, pour la 3e année consécutive, Saint-Gobain affichera une marge à deux chiffres, qui sera même supérieure à celle de 11 % déjà enregistrée en 2023 ! Des résultats positifs qui se traduisent par une excellente performance en bourse, où le titre a gagné +28 % sur l’année écoulée, alors que la tendance moyenne du CAC40 est au léger repli. Une surperformance que le p-dg attribue en partie à l’organisation décentralisée par pays, où les directeurs locaux sont en prise avec leurs marchés. Il ajoute : « 40 % du chiffre d’affaires a été renouvelé au cours de 4 dernières années », évoquant la chimie de la construction où le groupe s’est fortement développé pour venir titiller Sika, dont il n’avait pas pu prendre le contrôle par le passé. Avec les acquisitions non encore consolidées de Fosroc et Cermix, présents en Inde et au Mexique, Saint-Gobain estime que ce pôle Chimie de la construction représentera 6,5 Mrds € (soit une multiplication par 2,5 en 5 ans).
De nombreuses acquisitions et quelques cessions
Le géant français s’est également largement tourné vers des marchés par-delà les océans pour trouver de la croissance, avec désormais 2/3 de son CA réalisé en Asie, dans les pays émergents et en Amérique du Nord. Au Canada notamment, où le groupe est devenu en quelques années (et plusieurs rachats dont Bailey Metal Products pour 600 M€) le n° 1 des matériaux de construction, multipliant au passage par 3 son chiffre d’affaires local. Et c’est la même tendance en Australie, avec une entrée sur ce marché grâce à la prise de contrôle de CSR, un leader local. En tout, Saint-Gobain a procédé a 29 acquisitions en 2024 (pour 5,4 Mrds €) tout en réalisant 8 cessions (qui représentaient un impressionnant CA cumulé de 9,5 Mrds €). En France, c’est l’entité PAM Building qui a changé de mains, pour prendre son autonomie grâce aux capitaux de BPi France et du fonds Aldebaran.
Côté croissance organique, le groupe français ouvre en moyenne une vingtaine d’usines (ou de nouvelles lignes de production) par an. C’était 21 en 2024 et le chiffre sera identique en 2025. Le moteur est ici autant l’augmentation des capacités de production que la diminution de l’impact climatique. Car la RSE est un autre pilier primordial pour Saint-Gobain, qui « continue de tenir ses engagements, au cœur de notre activité », souligne Benoît Bazin. Les fours se convertissent peu à peu à l’électrique (pour produire de la laine de roche en Espagne) ou à des sources d’énergies renouvelables comme l’écorce de riz en Inde, l’hydrogène en Allemagne ou le biogaz en République tchèque. « Minimiser notre empreinte, maximiser nos impacts positifs », résume-t-il, démontrant au passage qu’il est possible d’améliorer les choses de façon économiquement compétitive.
Une activité porteuse d’emplois
Le géant des matériaux de construction a investi dans 14 startups en 2024, portant notamment sur l’économie circulaire et le recyclage des matériaux de déconstruction afin de préserver les ressources naturelles. L’entreprise expérimente notamment un plâtre 100 % recyclé au Royaume-Uni. En France, Saint-Gobain revendique en France d’offrir 700 points de collecte pour les déchets de chantier aux artisans dans le cadre de la REP PMCB. Dans le même temps, l’industriel travaille sur ses packagings afin de réduire la quantité de plastique utilisée voire de le remplacer.
La bonne santé financière du groupe se traduit par des embauches, avec 5 000 recrutements menés en France, dont la moitié auprès de jeunes de moins de 26 ans. Auxquels il faut ajouter 1 300 contrats d’alternance conclus en 2024. Le CFA d’entreprise a formé 600 jeunes aux métiers du commerce et de la maintenance technique, tandis que les quatre « écoles de la construction durable » ont été réunies sous une bannière unique. L’ambition pour Benoît Bazin sera d’y former 2 500 apprentis dans les 2 ans.
Enfin, interrogé sur les perspectives pour 2025, le p-dg voit une nouvelle année de succès, grâce à la rigueur et l’agilité de son groupe. « Nous ferons de nombreux investissements de croissance, aux États-Unis, en Amérique latine (Brésil), en Asie (Chine), des zones à forte croissance ». La gouvernance du groupe continuera d’évoluer cette année, afin de représenter toujours mieux cette internationalisation. Pour le secteur du bâtiment, Benoît Bazin rappelle que l’urgence climatique ne connaîtra pas de pause et que les événements extrêmes comme la tempête qui a touché Mayotte ou la sécheresse qui frappe la Californie, toucheront tous les continents. L’adaptation du bâti sera donc une priorité pour toutes les entités du groupe. Un immense chantier que le dirigeant dit entamer « avec optimisme et beaucoup de confiance : nous sommes en ordre de marche ».