[Chantier] La terre crue reprend des couleurs (et de la hauteur)
Bauge, pisé, adobe, terre coulée... L’utilisation de la terre pour construire des maisons et des granges est traditionnelle sur tout le territoire français : Normandie, Bretagne et Vendée pour la bauge, Rhône-Alpes pour le pisé, région toulousaine pour les briques d’adobe. Des solutions qui connaissent aujourd’hui un renouveau avec la recherche de filières de construction locales et bas carbone. Car la terre crue est une ressource abondante qui ne nécessite aucune étape de cuisson et ne génère, en fin de vie, aucun déchet. C’est ce qui a conduit le promoteur Ogic à demander à l’agence Clément Vergély Architectes de concevoir un bâtiment de bureaux dans ce matériau pour l’îlot Ydeal Confluence de Lyon (ville qui fut la « capitale de la terre » en 2016). Une construction qui « ambitionne d’être un démonstrateur autour de l’usage des matériaux biosourcés », fait valoir le bureau d’études spécialisées Étamine. Le maître d’œuvre explique de son côté : « Dans la lignée des bâtiments industriels 1950 et 1960 de la confluence, l’immeuble de bureaux B05 innove en réinterprétant le thème de l’orangerie. Construit en ossature bois et en murs préfabriqués de terre, il présente des arcades largement vitrées dont la transparence et l’ouverture soulignent clairement sa vocation attractive et génératrice d’activités urbaines (...) la toiture végétalisée crée un véritable jardin suspendu ».
Géosourcé, végétalisé, décarboné… la perfection
Rafraîchissement passif en été
Côté performances thermiques, le pisé offre d’autres avantages. Sans aucune isolation intérieure ni extérieure, il présente une résistance thermique R comprise entre 0,75 et 0,90 W/m².K. Étamine ajoute : « En moyenne, la résistance thermique des façades pleines du projet, en intégrant les parties en ossature bois, est de 2,1 W/m².K, ce qui correspondrait à une isolation standard homogène de 8 cm d’épaisseur environ ». Ce relatif manque d’isolation ne grèverait pas les performances générales du bâtiment – dont la surconsommation pour le chauffage ne serait que de +2 % sur un an – par rapport à un édifice présentant une résistance thermique bien supérieure, égale à 5. La condensation entraîne un réchauffement du matériau qui maintien la température intérieure plus longtemps. À la belle saison, le pisé amène un gain de confort d’été dans un bâtiment ne disposant pas de système de rafraîchissement actif. Associé à de la ventilation passive nocturne et au brassage d’air diurne, la terre crue décale l’entrée de la chaleur dans le bâtiment. Même sec, le matériau contient au moins 1 % d’eau (7 à 8 % lorsqu’il est humide). Cette humidité s’évapore avec la chaleur et ce phénomène « endothermique » absorbe une partie des calories ambiantes. En cas de canicule, une PAC réversible, intégrée aux centrales de traitement d’air double flux adiabatiques, soufflera de l’air frais.
Seule contrainte pour la mise en œuvre du pisé : le respect d’un calendrier de construction restreint à la période comprise entre les mois d’avril et d’octobre, afin d’éviter les épisodes de gel qui feraient gonfler l’eau comprise dans les blocs et déstabiliseraient la paroi. Mais face à tous les arguments en faveur du retour à la terre, rien d’étonnant à ce que l’on compte déjà 2 000 logements en pisé dans la région lyonnaise. Et ce mouvement ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin.