Image
Pavé tok

[Chantier] Le béton de chanvre se marie

Jérémy Becam
Image

Chantier d’exception, cette Maison de la Nature mêle béton de chanvre, bois et béton. Le choix du béton de chanvre dans un ERP* est une première dans le Var. Ce biomatériau contribue largement au confort d’été, évitant le recours aux équipements de climatisation.

Partager sur

Au sud-est de l’agglomération toulonnaise, une plaine de verdure dans le tissu urbain fait l’objet d’un vaste projet de restructuration initié en 2004 par le département du Var. Les 130 hectares de l’Espace nature départemental du Plan, unique poumon vert de l’agglomération, présentent des paysages variés. Cette zone d’expansion des crues était à préserver absolument. Bien que paraissant parfaitement naturel, son aspect actuel est le fruit d’un réaménagement paysager très conséquent : dépollution des terres, débarrassage des déchets, déviation des cours d’eau, creusement d’étangs, ... Le paysage a été drastiquement remodelé ces dernières années. Et avec le coup de pouce des paysagistes, la végétation et les oiseaux sont revenus coloniser l’espace.

Un vaisseau de béton, bois et béton de chanvre

Image
Faite de béton, de bois et de béton de chanvre, la Maison de la Nature offrira aux visiteurs, dès la rentrée 2019, un lieu convivial pour observer la nature et flâner. Deux salles d’exposition leur raconteront l’endroit et l’environnement.
Deux parties bien distinctes composent le bâtiment : la première est un parallélépipède dont le contreventement est assuré par deux grands portiques et une cage d’ascenseur en béton. Zone inondable oblige, le bas du bâtiment est rehaussé de 80 cm. Tout en béton, il est consacré aux locaux techniques. L’espace public se situe 3 m 50 plus haut. C’est à ce niveau que les deux murs les plus longs sont constitués d’une ossature bois (environ 40 m de long sur 4 m de haut), remplie de béton de chanvre, sur une surface de 330 m². L’accueil, des bureaux et une zone de restauration occuperont cet espace.
La seconde partie, tout en bois, est perchée sur des pilotis dont la base béton plonge dans l’eau. Accolée à la façade Est du premier tronçon, elle accueille les salles d’exposition, largement vitrées et ouvertes sur une vaste terrasse donnant sur les étangs, avec un accès direct aux chemins de promenade en contrebas. La toiture en ailes d’oiseau et la forêt de poteaux en pin Douglas qui porte cette partie confèrent à l’ensemble de la construction une allure tout à fait originale et organique, à la hauteur des ambitions du projet global.
Image
Image
Image

Bien être et sécurité, avec le béton de chanvre

Depuis 25 ans, le béton de chanvre Tradical (BCB) a été mis en œuvre dans l’autoconstruction, puis la maison individuelle, le petit collectif, quelques bâtiments de collectivités et même dans la rénovation de monuments historiques. Dans ce projet, il a surtout été retenu pour son intérêt dans la gestion des surchauffes estivales, lié à sa capacité à réguler la température et l’hygrométrie : grâce au changement de phase de l’eau dans l’épaisseur du mur, le béton de chanvre absorbe 95 % des variations de températures et maintient une humidité relative entre 50 et 60 %. Ainsi, malgré les fortes chaleurs des étés varois, le bâtiment ne sera pas équipé de climatisation, sa conception favorisant une ventilation et un rafraîchissement naturels.
Image

Un autre “plus” appréciable : le classement au feu

Espacés de 60 cm, les bois de l’ossature, du pin douglas non traité, sont enrobés de mélange, ce qui les protège du feu, car exposé à la flamme, le béton de chanvre est non combustible et ne dégage aucun nuage toxique. Les murs reçoivent un enduit extérieur traditionnel à la chaux classé A1 (sous-couche Tradical Bâtir + sable et finition Tradical PF 80 + sable). Après environ 3 semaines de séchage, les murs sont brossés et laissés à l’état brut côté intérieur, pour favoriser l’acoustique. Les bois, laissés apparents sur l’intérieur pour des raisons esthétiques, sont nettoyés à l’eau vinaigrée. E. Jeanson

Béton de chanvre : quand un entrepreneur se lance

Image
La partie béton de chanvre a été sous-traitée par Delta Concept Bâtiment à FPC, une entreprise de maçonnerie et gros œuvre basée à Pégomas (06). Son dirigeant, Yves Fernandes, découvre ce matériau il y a 4 ans, lors d’une démonstration de projection mécanisée organisée par BCB. « Ni le bois, ni le béton de chanvre ne sont utilisés dans la région. J’ai été attiré par ce nouveau matériau, agréable et facile à travailler. Je suis allé me former à Mende, via l’association Construire en chanvre.» Depuis, FPC a réalisé, manuellement, une extension de maison sur ossature métallique. Et travaille aujourd’hui à un chantier du même type, cette fois en projection mécanique. Yves Fernandes a en effet investi 48 000 € dans une machine à projeter pour le chantier de la Maison de la Nature : « Son gros débit, entre 5 et 10 m3/h, permet d’optimiser le temps de mise en œuvre. Nous nous sommes formés sur le chantier, assistés de BCB pendant une semaine : deux gars à la machine, deux à la lance, un au talochage et un autre qui aide et échafaude. »
La projection se fait en voie sèche, à l’aide d’une cardeuse, pour la chènevotte (calibrée 0,5-0,2 mm), et d’une machine de façadier pour le lait de chaux. Les deux produits n’entrent en contact qu’au bout de la lance. « C’est le réglage des quantités d’eau et d’air nécessaires au niveau de la lance qui est le plus délicat », souligne Yves Fernandes, « On a appris à détecter visuellement le bon mélange. » La précision du dosage est fondamentale pour obtenir les performances visées. Pour une balle de chènevotte, deux sacs de Tradical Thermo (BCB) sont consommés. Cette chaux aérienne formulée spécifiquement pour le béton de chanvre (avec un peu de liant hydraulique) a permis d’alléger le mélange chaux-chanvre à 280 kg/m3. Elle permet une économie de matières premières, un temps de séchage diminué et une montée en puissance des résistances raccourcie à 28 jours, avec de surcroît des performances énergétiques accrues (lambda certifié).
Jérémy Becam
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire