Comment la filière fioul cherche à se mettre au vert

Grégoire Noble
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[Zepros Energie] La fin annoncée des chaudières au fioul n’est peut-être pas si inéluctable que cela. Fabricants, industriels des carburants et installateurs travaillent à une transition vers des solutions alternatives qui pourraient éviter d’envoyer au rebut les 3,5 millions de chaudières encore en fonctionnement dans l’Hexagone. Les professionnels prônent l’hybridation et l’adaptation des équipements.

« Quel avenir pour le fioul domestique ? », telle est la question que se posent tous les acteurs de la filière, avec l’éradication programmée de ce mode de chauffage à l’horizon de 2030. Pour y répondre, le quotidien Les Echos avait organisé une matinée d’échanges entre industriels, spécialistes des combustibles liquides et parlementaires sensibilisés à ces questions. En jeu, la chaleur pour 3 millions de maisons individuelles françaises et 500 000 copropriétés ou autres bâtiments. Car, comme le rappelle Éric Layly, le président de la FF3C, « les deux-tiers des communes ne sont pas raccordées au gaz en France », et l’électrification de tous les usages (mobilité, chauffage…) semble être compliquée pour la pérennité des réseaux. Dès lors, comment faire pour continuer à assurer le confort dans les zones péri-urbaines ou rurales, avec un coût raisonnable ?

« Le marché du fioul domestique baisse en moyenne de -5 % par an, notamment avec le remplacement de 150 000 chaudières par an par d’autres moyens de chauffage. Mais il s’installe encore entre 50 et 55 000 chaudières neuves, avec un rebond observé avant que l’abandon ne soit effectif ! », poursuit-il. Le plus intelligent, pour le président de la FF3C mais également pour Jean-Claude Rancurel, président de l’UNA Couverture-Plomberie-Chauffage à la Capeb, serait « de faire un effort pour transformer les chaudières au fioul afin qu’elles fonctionnent au biofioul ». Ce carburant incorporant une part d’origine végétale (10 % pour le F10 et 30 % pour le F30), permet en effet d’amoindrir sensiblement les émissions de polluants, qu’il s’agisse de soufre, de NOx et surtout de CO2. « Une biomolécule doit diviser par deux les émissions, donc si on en incorpore 30 % dans le fioul, c’est -15 % de diminution, mais cela peut aller bien au-delà », explique Pascal Manuelli, du groupe de normalisation F30. Des performances qui permettent aux chaudières fioul adaptées de descendre sous le seuil fatidique des 300 grammes de CO2/kWh.

F10 : check, F30 : en cours, F100 : demain...

Du côté des fabricants de chaudière, pas d’inquiétude, ils ont déjà amorcé le virage de ce « verdissement » des combustibles. Chez BDR Thermea par exemple (De Dietrich, Chapée, Oertli), les machines sont d’ores et déjà toutes adaptées au F10, et l’industriel s’oriente désormais vers le F30. « Oui, nous aurons besoin du biofioul pour pouvoir remplacer les 3 millions de chaudières encore en service dans les 10 ans qui viennent », confirme Fabrice Shoshanny, directeur commercial, marketing et service au sein du groupe alsacien. Le changement des brûleurs pour les adapter au nouveau combustible pourrait se faire à l’occasion de réparation de pannes, plutôt que d’inciter au changement de toute l’installation. Car mettre toutes les chaudières à la décharge pose d’autres questions de logique de développement durable.

Jean-Claude Rancurel souligne : « Si tout le monde passe à la PAC électrique, lors des pics de consommation en hiver, il faudra recourir à de l’électricité carbonée, ce qui est contre-productif pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. De plus, les chaudières au fioul ne sont pas remplaçables dans certains cas, avec des émetteurs inadaptés à d’autres énergies ou un manque de place pour de la biomasse. Car stocker puis manipuler 3 tonnes de granulés nécessaires au chauffage d’une maison de 100 m² ce n’est pas possible pour tout le monde ! ». L’artisan milite pour l’hybridation des installations, avec des PAC de petites dimensions assurant la base de la production de chaleur (couvrant entre 40 et 60 % des besoins) et un pilotage intelligent qui basculerait sur la chaudière fioul si nécessaire, afin de ne pas déstabiliser le réseau électrique. Il plaide également pour un plus fort soutien au solaire thermique couplé avec une petite chaudière biofioul. Attention toutefois, l’entretien et la réparation des PAC s’avèrent plus chers que ceux des chaudières classiques (+30 %) et la complexification des installations risque de poser problème.

Pour l’heure, le biofioul doit encore franchir des étapes réglementaires avant d’être disponible, peut-être, à l’été 2022. Lise Magnier, dépurée de la Marne, propose qu’un abattement fiscal soit consenti sur ce carburant, afin de compenser l’écart de prix existant avec le fioul fossile et ainsi ne pas décourager les ménages. D’autres regardent déjà plus loin, avec le F100, un fioul totalement vert, qui a été testé en principauté de Monaco : « L’expérimentation a été menée à partir de la fin 2019, sur une vingtaine de chaufferies d’immeubles, avec 100 % d’ester de méthyle et cela fonctionne très bien ! Il a fallu changer les brûleurs, nettoyer les cuves et installer un 2e préfiltre par précaution, pour éviter toute impureté, et passer en monotube afin de limiter l’oxydation trop rapide du carburant. Et les analyses de fumées, réalisées par Bureau Veritas montrent une forte baisse des NOx, une absence de soufre et aucune surconsommation manifeste ». Seul hic, le prix des biocarburants s’est envolé en raison de la forte demande chinoise… Mais hormis cet écueil, l’adaptation des machines à un combustible 100 % vert a été validée, ce qui ouvre de grandes perspectives sur le marché français.

G.N.

Chiffres clés :

• 324 gr CO2/kWh dégagés par le fioul fossile

• 300 gr CO2/kWh la limite sous laquelle les installations devront passer

• -15 % d'émissions grâce au F30 (soit un niveau de 275 gr CO2/kWh)

• 3,5 millions de chaudières fioul à remplacer ou adapter au biofioul d’ici à 2029

Grégoire Noble
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