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Damien Leclerc (SAS Leclerc Désiré) : « Je m’attendais à perdre plus de chiffre d’affaires »

Jérémy Becam
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Installateur et directeur d’agence de Montargis chez SAS Leclerc Désiré (45), Damien Leclerc n’a pas hésité à aller encore plus loin que les mesures de l’OPPBTP pour protéger l’ensemble de ses équipes. Un investissement payant puisque l’artisan ne manque pas de demandes depuis le déconfinement. Si le secteur du chauffage et de la climatisation est fortement sollicité depuis la reprise, ce n’est pas le cas de celui de la salle de bains.

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Zepros : Comment vous êtes-vous organisés à la suite de la mise en place du confinement ?

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Damien Leclerc : Nous avons anticipé la mise en place du confinement en demandant à nos techniciens de mettre des gants, des masques et d’utiliser du gel hydroalcoolique. Quand le confinement a été décrété, nous avons cessé l’activité chantier tout en maintenant les dépannages et les urgences. Nous avons sensibilisé nos équipes aux gestes barrières, à ne pas faire signer des bons d’intervention avec leur stylo, à demander aux particuliers de ne pas rester dans la même pièce qu’eux. Nous avons maintenu trois personnes sur le terrain pour s’occuper des dépannages. Concernant les équipes présentes dans les bureaux : le chef de chantier et notre secrétaire sont passés en télétravail tandis que la comptabilité et moi-même sommes restés sur site. Je me suis aussi déplacé pour des dépannages.

Zepros : Avez-vous eu des difficultés à mettre en place toutes les recommandations de l’OPPBTP ?

D.L : Nous avons arrêté les chantiers durant quatre semaines. À la suite de l’édition du guide de l’OPPBTP, nous avons mis une semaine pour mettre en place les protocoles et nous avons progressivement repris notre activité chantier. En priorité, nous nous sommes rendus sur des lieux où personne d’autre n’était présent comme les bureaux fermés, les sous-sols ou des rénovations totales. Ce n’est que depuis le déconfinement que nous commençons à revenir sur des chantiers habités. Pour répondre aux exigences de l’OPPBTP, nous nous sommes munis de tous les équipements de protection. Nous avons également aménagé nos véhicules avec des distributeurs de savon à l’arrière et des jerricanes d’eau pour avoir de l’eau propre sur les chantiers. Nos techniciens gardent également les véhicules chez eux pour éviter de repasser dans nos locaux. Pour le gel hydroalcoolique, nous avons commencé à nous fournir avant le confinement donc nous n’avons eu aucun problème pour en avoir. Les gants, par nos métiers, nous en utilisons couramment donc nous en avions en stock. Les masques, nous avions des réserves et nous en avons reçu ces derniers jours. Nous avons également des combinaisons pour les interventions chez des personnes à risques. Finalement, nous avions déjà toutes les protections nécessaires avant le confinement.

Zepros : Avez-vous nommé un référent COVID comme le suggère l’OPPBTP ?

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D.L : Le référent principal c’est moi. Nous avons également un chef de chantier qui fait appliquer toutes les recommandations. Il a parfois fallu rappeler les règles à certains techniciens. Tous les matins, nos salariés doivent remplir le questionnaire de l’OPPBTP afin de s’assurer de leur état de santé. Nous allons même plus loin que les recommandations avec l’aménagement des camions pour que nos équipes aient un point d’eau, l’obligation pour nos techniciens de porter des masques même à plus d’un mètre de distance sur un chantier ou encore un protocole de désinfection avec utilisation de lingettes et d’alcool ménager. C’est l’entreprise qui se charge d’évacuer les déchets liés au nettoyage et à la désinfection des matériaux. Nous avons été très loin dans nos exigences avec nos équipes mais c’est ce qui a permis à tout le monde de reprendre rapidement et en toute sécurité. Constater que nos équipes de dépannage ont travaillé un mois sans avoir aucun problème de santé a rassuré nos techniciens intervenant sur des chantiers. Surtout que les dépanneurs sont bien plus exposés.

Zepros : Que représentent tous ces investissements pour votre entreprise ?

D.L : En moins de deux mois, nous en sommes à 2500 euros de dépenses. Il est difficile de jauger la perte financière causée par l’achat de ces équipements car il faut aussi prendre en compte la perte de rentabilité : nous passons beaucoup de temps à remplir les différentes autorisations avec nos clients, sur certains chantiers nous mettons aussi en place des portes de confinement. Quand nous travaillons dans un sous-sol, nous venons scotcher une porte en plastique pour que les clients ne descendent pas. Toutes ces démarches sont du temps perdu mais nécessaire. Nous perdons en moyenne entre 10 et 15% de productivité sur un chantier. Au niveau de notre chiffre d’affaires, nous avons perdu près de 80 000 euros sur mars et avril sur un CA annuel d’1,5 million d’euros.

Zepros : Comment s’est passée la reprise de l’activité ?

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D.L : Nous débordons de demandes. En premier lieu, il a fallu rattraper les rendez-vous annulés et aujourd’hui, il faut attendre entre trois semaines et un mois pour pouvoir nous rendre chez un client et faire un devis. Nous étions déjà débordés avant le confinement, nous le sommes encore plus après le déconfinement. En ce moment, nous tournons entre 700 000 et 800 000 euros de commandes signées en cours. Il y a notamment une grosse demande autour de la climatisation. Nous avions prévu de mettre en place une campagne publicitaire basée sur de l’affichage et du mailing dans les prochains jours mais nous avons préféré la repousser pour une raison économique première mais aussi car nous avons déjà une forte demande. Je m’attendais à perdre plus de chiffre d’affaires et à avoir davantage de problèmes d’approvisionnement. Il ne faut pas non plus dire que tout s’est bien passé car j’ai passé des nuits à organiser notre entreprise et nos équipes pour assurer la sécurité de tout le monde.

Zepros : Comment l’expliquez-vous ?

D.L : Il y a plusieurs raisons à cette forte demande. Tout d’abord la hausse du prix du fioul a fait gonfler la facture en chauffage des particuliers. Il y a également eu une forte communication des pouvoirs publics pour inciter le remplacement des chaudières. Je pense également que le Covid a fait réfléchir les Français sur l’écologie avec des équipements plus verts et sur l’amélioration du confort chez eux. Dans la majorité des cas, nous avons à faire à des particuliers qui veulent changer leur chaudière fioul ou propane pour passer à une pompe à chaleur ou une chaudière à granulés par exemple. Le secteur qui est totalement à l’arrêt depuis le confinement, c’est la rénovation de salle de bains. Nous n’avons plus aucune demande autour de ces chantiers dits de confort. Les Français se sont fixés des priorités. Le changement du système de chauffage permet de faire des économies contrairement à la salle de bains qui touche davantage au bien-être. Pour la climatisation, nos clients ont beaucoup souffert des fortes chaleurs l’année dernière, ils veulent éviter de revivre la même situation. Nous avons aussi beaucoup moins de demande au niveau des industries et des magasins. Nous avons chiffré de nombreux projets avant le début du confinement mais depuis nous n’avons plus aucun retour. Il y a beaucoup d’inquiétudes de leur part concernant l’avenir. Du côté des collectivités, il n’y a pas eu d’impact. Il faudra voir dans les prochains mois avec les prochains appels d’offres.

Zepros : Avez-vous eu des problèmes avec vos fournisseurs ?

D.L : Pour la partie chantier, nous n’avons pas eu de problème avec nos fournisseurs puisque les matériaux avaient déjà été livrés. La situation est un peu plus tendue sur nos chantiers industriels avec des demandes de produits spécifiques. Nous commençons à sentir des retards sur nos commandes. La partie pièces détachées a été plus complexe les premières semaines car de nombreux industriels tournaient au ralenti. Finalement nous avons réussi à nous en sortir et la situation s’est améliorée. Aujourd’hui, nous constatons une journée de retard sur nos commandes de pièces détachées. Il n’y a pas eu de rupture de chaîne d’approvisionnement durant le confinement. A l’inverse, des problèmes commencent à arriver chez les fabricants de climatisation et de pompes à chaleur qui n’ont pas été livrés pendant près de deux mois car les produits viennent parfois de Chine. Finalement, la chaine de livraison a peu été impactée et il faut applaudir le travail du secteur de la logistique et du transport. Ils ont été là dès le début et dans des conditions très difficiles notamment pour les transporteurs.

Jérémy Becam
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