Matériaux, Génie climatique, Outillage... les tendances et innovations à suivre
Alors que la conjoncture du Bâtiment reste maussade, les stratégies d'innovations chez les industriels restent, elles, dynamiques. Retour sur les tendances qui ont été au coeur du salon Artibat, dont la 20ème édition a réuni plus de 44 600 visiteurs et 1 100 exposants du 22 au 24 octobre dernier.
A l’heure où la sobriété – en énergie, en ressources, en eau, en émissions de CO2 – est devenue la boussole des métiers de la construction et de la rénovation énergétique. Aujourd’hui, la filière est parée pour s’inscrire dans la trajectoire carbone fixée par l’État d’ici à 2050, avec la RE 2020 et ses seuils de plus en plus draconiens quant au poids carbone du bâti. Mais l’inventivité technique des marques et l’engagement environnemental pris par les acteurs de l’amont à l’aval ne doivent pas faire oublier les errements réglementaires autour de MaPrimeRénov’ notamment. Et là, reste à savoir quel sort le gouvernement Lecornu et son nouveau ministre du Logement réserveront au rapport Rivaton qui évalue le surcoût de l’entrée en vigueur de la RE 2020, tout en assurant aux maîtres d’ouvrage de pouvoir concilier adaptation au bouleversement climatique, performance économique, et qualité d’usage pour les occupants du bâti.
Mais au-delà du cadre réglementaire, que ce soit en neuf ou en rénovation, innovations et solutions associent décarbonation, écoconception, sans oublier l'objectif de faciliter la vie des professionnels sur les chantiers voire en dehors. A suivre également, les avancées sur la maintenance prédictive en génie climatique, le cool roofing, la récupération des eaux pluviales ou grises, ou encore le déploiement de thermostats connectés qui sera obligatoire d’ici à 2027.
Outils : des outillages avancés ou juste malins
Parmi les nouveautés présentées sur Artibat 2025, figurent plusieurs solutions dédiées au gros œuvre et à la charpente-couverture sous forme d’outils incroyablement bien pensés.
Les visiteurs ont notamment pu découvrir Loop’Hole, une station de production et distribution de chape liquide qui facilitera le travail des chapistes en améliorant leur confort de travail. La machine réduit les efforts physiques, les risques de blessure et permet au chapiste de réaliser seul l’ensemble des opérations de coulage pour gagner en productivité.
Pour les maçons toujours, le malaxeur Collomixer XQ 6 peut s'avérer utile grâce à son moteur puissant et à son réglage précis de la vitesse de rotation (entre 300 et 750 trs/mn). L’engin, silencieux, peut indiquer le temps de mélange pour assurer la qualité du béton.
Les couvreurs pour leur part, ont pu apprécier la profileuse Dipro 3X programmable, utile aussi bien en atelier que sur les chantiers. La machine robuste et modulable, offre de multiples options pour une large palette de matériaux. Autre outil hi-tech présenté sur Artibat, le Shaper Tools BenchPilot, monté sur Workstation ou directement sur la surface de travail, pour former une sorte de portique CNC autonome capable de réaliser des fraisages et des usinages sur chants, des gravures et des profilés.
Enfin, comment ne pas évoquer WinBrase, une simple pince capable de changer la vie des plombiers, chauffagistes et climaticiens. Cette invention agit comme une 3e main pour travailler vite et bien en soudage. Elle apporte un nouveau confort de travail et évite des postures inconfortables en travaillant à hauteur d’homme (ou de femme), le dos droit. Et bien sûr à la clé, une meilleure efficacité dans les interventions.
Matériaux : de la réutilisation et du recyclé
L’une des grandes tendances pour les matériaux de construction, qu’il s’agisse de béton végétal ou d’isolant biosourcé, est à la valorisation de matières ayant déjà connu une première vie ou d’offrir un débouché à des rebuts de production.
Le salon Artibat a été l’occasion de toucher par exemple l’isolant Ursa Uptex en textile recyclé qui se présente sous la forme de plaques semi-rigides. L’originalité par rapport aux autres isolants coton comme Métisse ou Isocoton ? La source du textile, qui provient d’un gisement encore inexploité, celui des matelas usagers dont 3,5 millions d’unités sont jetées chaque année dans l’Hexagone. La filière de valorisation des housses textiles de ces matelas en fin de vie permet d’obtenir des fibres dont sont faits les panneaux, faciles à poser et performants (40 kg/m3, lambda de 0,037 W/m.K).
Chez Hirsch, point de coton mais du PSE graphité rigide, lui aussi recyclable (et en partie recyclé), pour le système Doublifix qui permet de doubler, par l’intérieur, les murs au moyen d’attaches développées avec Fischer.
Du côté des bardages extérieurs, Océwood a fait sensation. Là aussi, du PVC recyclé provenant à 70 % de déchets post-consommation (menuiseries en fin de vie) et 30 % de déchets de process et chutes de chantier. Le matériau est enrichi d’anas de lin oléicole comme substitut de source cellulosique. Ceci pour obtenir un matériau rigide à faible empreinte carbone, léger (7 kg/m²) et résistant aux UV, dont l’esthétique est améliorée par une impression de qualité sur sa face exposée. L’étiquette Made in France complète le tableau.
Lots techniques : la transition environnementale tire les innovations
Entre contraintes et opportunités, les lots techniques du bâtiment se retrouvent aujourd’hui au cœur des mutations du secteur. Les réglementations successives – de la RE 2020 aux directives européennes en passant par les normes d’écoconception – poussent fabricants et installateurs à innover dans le but d’optimiser la performance énergétique des équipements. L’objectif est clair : éviter à tout prix « l’obsolescence réglementaire », particulièrement dans l’univers du génie climatique.
La prochaine étape marquante sera la troisième mouture du règlement F-Gaz, qui interdira dès 2027 l’usage des principaux gaz réfrigérants fluorés pour les systèmes de climatisation réversible. Bruxelles entend ainsi accélérer le basculement vers des fluides « naturels » comme le R290 (propane), dont le potentiel de réchauffement planétaire est proche de zéro. Dans ce contexte, la pompe à chaleur (PAC) reste le fer de lance de la transition. Les versions air-air et réversibles continuent de tirer le marché, mais beaucoup d’industriels misent désormais sur la complémentarité des solutions : PAC air-eau, systèmes hybrides, ventilation double flux et clim chaud/froid. Ces technologies apparaissent comme autant de réponses aux installateurs confrontés à la fin programmée des chaudières fioul et gaz, dont les ventes chutent (près de 14 000 unités de moins installées depuis 2020 selon Uniclima).
Production d’énergie, stockage et connectivité
Côté hydraulique et PCRBT (planchers chauffants/rafraîchissants basse température), la tendance est plus contrastée : le marché a reculé de 17 % en volume en 2024 (source Cochebat). En revanche, les tubes multicouches progressent fortement (+57 % entre 2020 et 2023), portés par une approche « système » qui séduit les installateurs.
Parmi les innovations de rupture, la chaudière à hydrogène suscite un intérêt croissant après plus de dix ans de R&D et de projets pilotes. Destinée à produire électricité et stockage, elle pourrait trouver sa place dans des applications domestiques d’autoconsommation, via l’injection dans les réseaux de gaz pour le chauffage. Les départements R&D rivalisent aussi d’ingéniosité sur la GTB et les solutions connectées, renforcées par les obligations des décrets Tertiaire et BACS.
Le solaire thermique, fragilisé par le moratoire de juin 2025, se renouvelle avec les premières solutions d’eau chaude sanitaire intégrant un double stockage – thermique et électrique – désormais disponibles en négoce. En sanitaire, les évolutions portent sur les revêtements hydrofuges, les receveurs de douche recyclables sans PVC, et la modularité du mobilier installable sans perçage. Mais le marché reste en retrait, avec des ventes dans la distribution professionnelle en baisse de 4,2 % en 2024. Quant à MaPrimeAdapt’, lancée l’an passé pour favoriser l’adaptation des logements au vieillissement, elle n’a concerné que 37 069 logements aidés par l’Anah et demeure encore sous-utilisée.
L’autoconsommation pilotée en temps réel
À l’occasion du salon Artibat, Viessmann a mis en avant sa solution Energy Management, véritable système de pilotage intelligent des flux énergétiques domestiques. Ce dispositif centralise en temps réel la production, le stockage et la consommation d’énergie, avec pour objectif d’optimiser l’autoconsommation. Connecté à la plateforme Viessmann One Base, le système coordonne l’ensemble des usages du logement : production photovoltaïque (Viessmann ou autres marques), stockage via les modules Vitocharge, alimentation d’équipements électriques et thermoélectriques, ainsi que recharge de véhicules électriques. Il pilote également les pompes à chaleur Vitocal et peut intégrer d’autres appareils. Grâce à ses thermostats intelligents communicant avec l’application VicCare, Viessmann Energy Management permet en outre une réduction des coûts de chauffage pouvant atteindre 15 %, notamment grâce à l’équilibrage hydraulique.
Génie climatique : les PAC, reines du show
Dans les allées des halls 2, 3 et 7 d’Artibat, les visiteurs ont découvert un large éventail d’innovations en matière de génie climatique, à commencer par les pompes à chaleur (PAC), qui confirment leur rôle central dans la transition énergétique.
Panasonic a mis en avant sa nouvelle génération de PAC air-eau Aquarea série M, fonctionnant au fluide naturel R290 et conçue pour maintenir ses performances même en conditions extrêmes. Très intéressant, le japonais propose aussi une unité de climatisation résidentielle sans groupe extérieur et une solution DRV dédiée au tertiaire. Plus loin, Vaillant présentait sa gamme géothermique geoTHERM/geoCOMPACT exclusive, qui introduit le R290 en toute sécurité dans des installations intérieures grâce à un concept breveté et à une électronique intelligente simplifiant la maintenance, tandis que sa filiale Saunier Duval présentait sa nouvelle gamme Classic voulue pour booster la rénovation.
Nibe, fidèle à sa spécialité des PAC sur air extrait, a dévoilé son modèle compact S735C, une solution tout-en-un sans unité extérieure qui assure chauffage, eau chaude sanitaire, ventilation et rafraîchissement, avec une nouvelle déclinaison 4 kW attendue fin 2025. Le fabricant français Intuis a de son côté misé sur la polyvalence avec Zé7, une solution thermodynamique monobloc triple service, certifiée Origine France Garantie, qui s’intègre dans un simple placard et offre une alternative crédible à la chaudière gaz individuelle. Zehnder complétait ce panorama en mettant en avant le module ComfoClime Q, un système réversible connecté aux unités de ventilation ComfoAir qui permet de rafraîchir activement en période de canicule tout en assurant un chauffage d’appoint l’hiver.
Au-delà des PAC, les visiteurs ont également pu s’arrêter sur des solutions complémentaires comme le collecteur Biofloor 9100 de Comap-Flamco, modulable et réversible pour s’adapter à tous types d’installations de chauffage ou de rafraîchissement par plancher, ou encore sur les équipements de confort intérieur avec Acova qui décline son radiateur sèche-serviettes Kapla en version électrique, primé pour son design audacieux et pilotable via télécommande ou application connectée.
Plomberie-Sanitaire : des nouveautés qui mettent l'eau à la douche
Nombreuses nouveautés également du côté de la univers plomberie et sanitaire. Chez Hüppe, la douche se transforme en un véritable espace de bien-être avec Sphere, une cabine modulaire haut de gamme mêlant verre et Solid Surface, intégrant rangements, éclairage LED tactile et même compatibilité domotique pour une expérience personnalisée jusque dans la salle de bains.
Un peu plus loin, c’est Nicoll by Aliaxis qui retient l’attention avec deux innovations complémentaires : le système d’évacuation Chutunic EVO, conçu pour répondre aux configurations les plus complexes, et le récupérateur de chaleur Zypho Slim 50, un dispositif extra-plat qui permet de récupérer jusqu’à 52 % de la chaleur des eaux usées de la douche pour réduire de près de 40 % la facture énergétique liée à l’eau chaude. Grohe n’est pas en reste et propose lui aussi, en plus d’un bâti-douche pour douches encastrées, un système de douche encastré innovant qui récupère la chaleur de l’eau usée pour préchauffer l’eau froide. Jusqu’à 48 % d’économies d’énergie, sans compromis sur le confort.
Plus loin encore, Sferaco met en avant la vanne à sphère écoresponsable Serena, la première du marché conçue en laiton sans plomb, limitant le développement bactérien et garantie de 15 ans. Enfin, les visiteurs intéressés par l’agencement ont pu s’arrêter sur le stand d’A.Doc pour découvrir SketchArtisan, une solution logicielle intégrée à SketchUp Pro qui permet de passer de la conception à la production en intégrant catalogues de matériaux et générateurs d’assemblages. Un outil pensé pour simplifier le travail des agenceurs et menuisiers. De la cabine de douche au réseau d’évacuation, en passant par les solutions de robinetterie et de conception numérique, le parcours illustre la diversité des innovations attendues, résolument tournées vers la performance, la simplicité de mise en œuvre et le confort des usagers.
Menuiserie : du PVC recyclé, de l'alu esthétique et plus de performance
Avec l’augmentation des phénomènes climatiques extrêmes, vagues de chaleur, précipitations violentes, apports solaires à gérer, le rôle des menuiseries extérieures devient déterminant dans le confort des habitations.
Les parois vitrées jouent désormais un rôle actif dans la réduction des consommations énergétiques. Les coefficients de transmission thermique (Uw) n’en finissent pas de s’améliorer tandis que ceux de transmission lumineuse (TLw) sont de plus en plus élevés. Le clair de jour est une autre caractéristique très recherchée à optimiser pour apporter de la lumière naturelle à l’intérieur du logement. Sur Artibat, Lapeyre a notamment exposé Héméra, fenêtre à ouvrant PVC caché, qui permet jusqu’à 15 % de clair de jour supplémentaire et 25 % de lumière en plus par rapport à une fenêtre traditionnelle. Le matériau est bien entendu écoresponsable (79 % de recyclé).
Sur le stand Kömmerling, il était possible de découvrir WarmCore, un système hybride innovant associant un noyau PVC recyclé a des parements aluminium. De même, chez Franciaflex, le PVC fait une boucle et se Re’Source. Le taux de recyclage est ici d’environ 70 % pour améliorer le bilan carbone des menuiseries.
Si c’est une porte d’entrée que vous cherchiez, c’est chez Zilten qu’il fallait passer : pour la première fois sur le marché français, le fabricant a proposé une porte aluminium intégrant un ouvrant vitré, amenant une possibilité inédite de ventilation naturelle tout en conjuguant la sécurité. Avec une moustiquaire intégrée pour que les petites bébêtes ne gâchent plus les nuits estivales !
Peinture-Décoration : lutte contre les COV et combat contre les TMS
Pour l’aménagement et la décoration, l’heure est également aux produits naturels et biosourcés, pour obtenir des environnements sains. Les niveaux d’émission de COV se doivent d’être très faibles, et l’obtention d’écolabels est un plus certain. Le salon rennais était l’occasion de découvrir Moso Bamboo, un acteur des solutions en bambou pour la réalisation de parquets massifs et de bardages ou terrasses en bambou compressé. Il était également possible de tester une nouveauté en revêtement de sol : iD Comfort Acoustic, qui revendique moins de carbone et plus de confort. Grâce à un envers acoustique, il atténue les bruits d’impact (-19 dB) tout en étant écoconçu et 100 % recyclable.
Pour les professionnels, la réduction de la pénibilité est un autre enjeu majeur. C’est la raison pour laquelle VPI a lancé Colliflex Révolution, une nouvelle colle à haut rendement pour le collage des carreaux et pierres pour les sols et murs intérieurs. Le rendement inédit permet de diviser le poids des sacs par deux, ce qui diminue d’autant les manutentions, les espaces de stockage et les emballages.
Enfin, l’entretien des surfaces extérieures n’a pas été oublié, puisque Algimouss a lancé son traitement sans biocide pour les terrasses et toitures. Le produit probiotique est composé à 98,5 % d’ingrédients naturels. Et il est compatible avec les récupérateurs d’eau sans qu’il soit nécessaire de dériver les eaux pluviales collectées après son utilisation. Il est même compatible pour une pulvérisation proche de la flore et de la faune aquatique (normes OCDE 201 & 202). De quoi dire aux revoir aux algues sans renoncer à être vert.