Le fioul est mort, vive le biofioul !

Grégoire Noble
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[Zepros Energie] La nécessaire sortie des énergies fossile accélère le déploiement de carburants alternatifs comme le biofioul de chauffage. En 2022, un fioul incorporant 30 % d’ester de colza sera lancé sur le marché, compatible avec des chaudières neuves, tandis qu’un autre biofioul à 10 % de colza sera proposé pour les installations existantes. Peu à peu, la proportion montera pour atteindre les 100 % de biocarburant ‘made in France’ pour le chauffage, à l’horizon de… 2040.

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La Fédération Française des Combustibles Carburants & Chauffage (FF3C) a déjà vécu de nombreuses annonces quant à la fin du fioul en France. Dernièrement, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a avancé la date du 1er janvier 2022 pour l’arrêt de la commercialisation de chaudières neuves. Emmanuelle Wargon, ministre en charge du Logement, a ensuite précisé que « cette interdiction visera les chaudières dont les émissions de CO2 sont supérieures à un seuil chiffré », à savoir 250 grammes de CO2/kWh, ajoutant : « S’il existe un biofioul qui respecte ce critère, je suis prête à l’autoriser ». La porte est donc ouverte pour une nouvelle génération de machines, capables de fonctionner au fioul de substitution, enrichi en ester méthylique de colza.

La filière française travaille depuis plusieurs années sur cette question et procède d’ores et déjà à des essais sous l’égide de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), essais qui se poursuivront jusqu’à la mi-2021, afin de procéder ensuite à la normalisation qui ouvrira la voie à la commercialisation de ce carburant en France, en 2022. Des tests ont notamment lieu en Normandie sur un biofioul F5 (soit 5 % de colza) de même qu’en Alsace et dans le Massif Central. D’ici peu, ce fioul « vert » sera également disponible dans les régions de Lyon et de Bordeaux. Mais ce n’est qu’un début. L’objectif premier est de parvenir à distribuer, sur l’ensemble du territoire, le F30 dont les émissions répondent au critère évoqué par la ministre : 220 grammes CO2/kWh. Une solution qui donnera une solution aux ménages obligés de changer leur chaudière au fioul et dont la commune fait partie des 25 000 non reliées au réseau de gaz. L’étape suivant consistera à passer au F50 en 2025-2030 pour finalement atteindre le F100 en 2040. Du côté des chaudières déjà installées, non adaptées à ces taux, il sera possible de les faire fonctionner au F10 sans modification, ou alors, si c’est économiquement pertinent par rapport à la durée de vie de l’installation (au moins 10 ans d’exploitation restante), de changer le brûleur pour environ 1 000 € et de passer ainsi au F30. En Allemagne, un fioul incorporant 20 % d’ester de méthyle est déjà distribué.

Aucun conflit d’usage entre alimentation et agricarburants

Mais ce carburant sera-t-il réellement équivalent au fioul fossile actuel ? Sa teneur en soufre est réduite, ce qui constitue déjà un avantage. Côté prix, il reste encore onéreux, mais la FF3C espère un geste du gouvernement, avec l’exonération sur ce carburant de la TICPE. Un coup de pouce fiscal qui aiderait à réduire l’écart de prix trop conséquent avec le fioul classique. Car, si près de 80 % des personnes interrogées se déclarent prêtes à passer au bio, cela est vrai… tant que ce n’est pas plus cher.

Du côté des producteurs d’oléagineux, on se réjouit. Arnaud Rousseau, le président de la FOP, déclare : « C’est une excellente nouvelle pour nous. Une approche de production industrielle, avec des clients de proximité dans le cadre d’une économie circulaire pour produire, transformer et consommer dans les territoires ». Le spécialiste rappelle que colza et tournesol représentent aujourd’hui 3,5 % des terres cultivées françaises (soit 1,7 million d’hectares) dont la production va pour 1/4 à l’alimentation et pour les 3/4 aux biocarburants. « C’est un débouché vital pour les agriculteurs, et il n’y a aucune concurrence avec l’alimentation », assure-t-il. Des investissements seront cependant nécessaires, du côté des producteurs pour combler les pertes de rendement liées au climat ou aux maladies et insectes – notamment en adoptant de nouveaux moyens de traitement et en développant de nouvelles variétés plus résistantes. Ensuite du côté des raffineurs et des distributeurs, avec de nouvelles capacités de transformation, de stockage et de logistique, en parallèle des carburants déjà existants. Mais c’est à ce prix que le fioul pourra entamer sa décarbonation et que le biofioul restera un produit français faisant travailler les agriculteurs et les raffineurs nationaux.

Jean-Claude Rancurel, président de l’UNA Plomberie-Chauffage à la Capeb, ajoute : « Ce sera utile pour les territoires ruraux. Le fioul reste primordial pour nos clients. D’autant que les chaudières sont produites par des industriels français ». La Capeb travaille à l’élaboration d’une offre hybride PAC-fioul hautes performances : « C’est une solution qui a le vent en poupe en baissant la consommation de fioul tout en apportant une alternative. Ce n’est pas juste de la relève mais une véritable hybridation selon le COP calculé en temps réel ». Ce dispositif FaciliPrime PAC hybride fioul, concernera d’abord des chaudières basse température puis des chaudières à condensation dans un 2e temps, qui toutes seront « biofioul ready ». Agriculteurs, industriels, équipementiers et artisans sont donc tous prêts.

Grégoire Noble
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