[Entretien H. de Maistre] Les propositions de Valobat pour une refondation rapide de la REP PMCB
Moratoire, coûts en hausse, filière sous tension : la REP PMCB doit se réinventer. Dans une interview accordée à Zepros, Hervé de Maistre, président de Valobat, défend une refonte rapide, un recentrage sur les matériaux les plus problématiques, une transparence accrue de l’écocontribution et un maillage plus lisible du service. Objectif : restaurer la confiance et diviser par trois les coûts, tout en relançant la dynamique de l’économie circulaire du BTP.
Vous prenez la parole aujourd’hui sur la REP PMCB et sur le processus de refondation en cours. Quel message souhaitez-vous adresser ?
Hervé de Maistre : « Mon intention est d’abord d’envoyer un message aux pouvoirs publics mais aussi à l’ensemble des acteurs de la filière : la REP PMCB a maintenant besoin de décisions rapides, et d’une refondation dont le schéma soit clair et qui puisse se mettre en œuvre dès début 2026. J’en profite pour saluer le ministre Mathieu Lefèvre, qui a pris la parole plusieurs fois ces jours-ci pour annoncer la nécessité d’écrire un cahier des charges avant la fin du mois de novembre. Si nous n’avançons pas maintenant, et si l’on ne prend pas des mesures structurantes rapidement, nous prenons le risque d’enterrer un dispositif qui répond à un vrai besoin : apporter un service pertinent de gestion des déchets aux professionnels et structurer l’économie circulaire. »
« Nous sommes à un tournant, et le modèle risque de s’enrayer car il n’est pas soutenable aujourd’hui avec une trajectoire de coûts qui est de l’ordre du milliard d’euros, et un dispositif qui est peu lisible et donc, au lieu de rallier les acteurs autour de lui comme c’est sa vocation, engendre une défiance croissante. »
Les fédérations du Bâtiment remettent en question aujourd’hui le niveau de services assurés par les éco-organismes. Que leur répondez-vous ?
H. de Maistre : « En tant que Valobat, notre posture c’est de prendre nos responsabilités. Nous nous sommes engagés, et nous avons récemment communiqué dans ce sens, à continuer le déploiement de nos services malgré la situation actuelle d’incertitude, qui complique beaucoup les choses et qui dure depuis maintenant le début de l’année 2025 avec l’annonce du moratoire par l’État et le début de la concertation sur cette refondation. Cela fait maintenant plus de six mois qu’on discute, et cela va bientôt faire un an que tout le monde est dans l’expectative, alors même que le modèle actuel de la REP est inflationniste et non pérenne.
Les volumes collectés augmentent ; c’est une bonne nouvelle, puisque cela signifie que les gestes de tri sont de plus en plus adoptés sur le terrain. Mais cela entraîne une hausse très importante des coûts de gestion Nous devons donc procéder à une refonte systémique, et non pas juste à des petits ajustements. Valobat a des propositions qui vont dans ce sens et nous assumons de les partager avec les autres acteurs. »
Comment imaginez-vous ce nouveau schéma de la REP PMCB ?
H. de Maistre : « Nos propositions reposent sur des choix forts et structurants qui permettent de répondre à l’objectif fixé par le ministre de diviser par trois les coûts de la REP, tout en apportant vite et partout un service lisible et pratique de reprise des déchets aux entreprises du bâtiment. La première proposition, c’est le principe de consacrer au maximum les coûts de la REP aux matériaux qui en ont le plus besoin, c’est- à-dire ceux qui, aujourd’hui, ont besoin que les filières de reprise et de valorisation de leurs déchets soient structurées et développées. Aujourd’hui, la REP sert majoritairement à financer le traitement des déchets des matériaux qui en fait n’en ont pas ou très peu besoin car des filières de collecte et traitement existaient déjà avant cette REP. Je pense par exemple aux inertes, au bois, et au métal. Ces familles de matériaux sont "matures". Dans notre nouveau schéma, l’écocontribution finance prioritairement le développement des filières qui en ont besoin — celles qui ne sont pas matures — et à l’inverse finance de façon la plus légère possible les matériaux qui n’en ont pas besoin. Dans ces filières non matures, qu’est-ce qu’on a exactement ? A des degrés divers ce sont par exemple les isolants, les plastiques, les menuiseries vitrées, ou le plâtre qui, lui, est déjà proche de la structuration. »
« Pour atteindre l’objectif environnemental de la REP PMCB, celui de favoriser l’économie circulaire, il est nécessaire de focaliser l’effort sur les matériaux qui en ont besoin. C’est l’esprit de ce que nous proposons. »
Les entreprises du Bâtiment s'interrogent aussi sur la transparence du système... Quelle serait votre deuxième proposition ?
H. de Maistre : « L’autre sujet sur lequel je voudrais insister, et je crois que l’ensemble des acteurs s’accorde là-dessus, serait de rendre visible l’écocontribution sur les devis et les factures afin de réduire les risques de fraudes, d’inflation, et de marge indue. L’idée que cette contribution visible s’arrête au metteur en oeuvre fait consensus. C’est un outil assez puissant d’harmonisation des pratiques et de lutte contre les contrevenants. »
Sur le sujet du maillage des points de collecte avez-vous une solution privilégiée à proposer aux parties prenantes ?
H. de Maistre : « Il faut un schéma clair et soutenable, adapté aux professionnels, soit de reprise directe sur les chantiers ou leur entrepôt, soit chez les négoces, soit en déchetteries professionnelles. La première étape sera, pour les éco-organismes, de travailler au niveau local, pour redéfinir la carte d’un maillage utile, et ensuite de redéfinir les obligations.
En ce qui concerne les collectivités locales, nous plaidons en faveur d’un plan volontariste formalisé par un contrat de transition avec ces dernières. Aujourd’hui, sur le territoire français, tous les systèmes coexistent : des déchetteries municipales qui accueillent les professionnels, d’autres non, des déchetteries qui les accueillent gratuitement, d’autres non, ou avec des conditions particulières et des volumes limités… Notre objectif est donc d’orienter les professionnels vers d’autres solutions que les déchetteries municipales quand cela est possible. »
Sur ces trois grands axes de solutions que vous avez tracés, quelles sont les réactions des acteurs au sein des réunions de concertation ?
H. de Maistre : « La contribution visible est globalement très consensuelle — je pense que l’ensemble des acteurs l’attendent. Il y a eu des nuances et des discussions sur la manière de l’appliquer pour que ce ne soit pas trop compliqué — notamment ce qui a conduit à l’arrêter au niveau du dernier professionnel. Sur la différenciation de la REP PMCB par famille de matériaux en fonction de la maturité de la filière, le principe est aussi admis par l’ensemble des acteurs. En revanche, là où il y a des nuances, c’est jusqu’où aller pour les matériaux matures. Diminution de l’écocontribution ou retour au service payant ? »
Le ministre a indiqué qu’il souhaitait voir aboutir les discussions d’ici un mois, cela vous semble réalisable ?
H. de Maistre : « Ce qui, à mon sens peut être fixé assez rapidement, c’est la façon d’écrire les choses dans les textes. Parce qu’il y a ce que dit la loi, et ce que dit le cahier des charges qui est un arrêté. Et ça, en fait, ce n’est pas très compliqué à écrire sur le principe. Ensuite, la question c’est la mise en œuvre concrète et la finalisation. Mais j’observe qu’aujourd’hui, par exemple, qu’avec le travail accompli, le maillage est déjà extrêmement important en France, même s’il reste des zones blanches sur lesquelles il faut compléter le service. Le changement important sera de passer de la gratuité au payant sur certains matériaux, dits "matures". Désormais, il est l’heure de faire ces choix, et le ministre et ses services semblent enclins à le faire en assumant des arbitrages. Pour la suite de cette filière REP PMCB, je voudrais souligner notre souhait de créer un dispositif de gouvernance de la filière le plus transparent possible en intégrant plus activement les différents acteurs de la chaîne pour garantir une amélioration continue de cette filière. »