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Sophie Cluzel : "l’objectif n’est pas de normer un habitat inclusif mais de s’adapter selon les chantiers et les résidents"

Jérémy Becam
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Entretien avec Sophie Cluzel, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargée des Personnes Handicapées

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Faire de l’habitat inclusif un pilier des politiques du logement pour les personnes ayant besoin d’être accompagnées dans leur autonomie, et intégrer cet objectif aux choix en matière d’urbanisme, c’est l’ambition de Sophie Cluzel, Secrétaire d’Etat auprès du 1er Ministre chargée des Personnes Handicapées. La présentation d’un vaste rapport* sur le sujet a permis de dévoiler les freins actuels au développement du logement inclusif, et surtout de poser les pistes d’actions pour constituer une véritable offre de logements qui part du droit commun, à la fois destiné aux personnes handicapées et aux personnes en perte d’autonomie. Ce début d’année marque le premier pas de l’habitat inclusif en France, avec une mesure « starter » baptisée l’Aide à la Vie Partagée (AVP). La Secrétaire d’Etat revient dans un entretien avec Zepros, sur cette mesure et sur la notion d’«habitat inclusif » qui doit permettre aux personnes en ayant le besoin, de conserver l’environnement d’un « chez soi » tout en bénéficiant sur place d’un accompagnement de qualité et pérenne.

Zepros : En quoi consiste cette notion d’habitat partagé ?

Sophie Cluzel : Notre politique est orientée vers l’autonomie des personnes en situation de handicap, avec comme pour tout citoyen à part entière la possibilité de choisir son logement. Nous voulons des solutions aux différents besoins avec plusieurs alternatives à la clé. Auparavant, seuls des logements individuels ou entièrement collectifs leur étaient proposés. L’habitat inclusif va transformer notre société vers davantage de cohésion et de solidarité. Nous devons prendre en considération le besoin d’accompagnement de ces citoyens, avec leur envie d’avoir une vie partagée. Ces habitats partagés ne concernent pas seulement les personnes en situation de handicap mais aussi les personnes âgées en perte d’autonomie. Ces logements existent déjà mais nous souhaitons dynamiser le déploiement de cet accompagnement et en faire un levier pour une nouvelle politique d’urbanisme en cœur des villes et des villages. Nous pouvons résumer l’habitat inclusif en trois points : choix, transformation et pérennisation. Le cadre de vie s’incarne dans un habitat inclusif pour entre 5 et 8 personnes. Nous ne sommes alors plus dans la seule optique de vie en foyer collectif regroupant une centaine de résidents mais dans le respect d’individus qui choisissent de vivre ensemble avec des besoins d’accompagnement similaires. Cette nouveauté se retrouve aussi dans la manière de concevoir l’habitat puisque chaque personne dispose de son espace de vie autour d’une zone partagée dans le logement. Il faut construire en pensant différemment.

Zepros : Comment s’inscrit ce programme dans la politique du Logement ?

S.C : Cette nouvelle façon de construire nécessite une réflexion et un travail communs autour des projets immobiliers entre les acteurs locaux comme les élus, les associations, les bailleurs sociaux ou encore le préfet. Cette démarche permet d’anticiper les changements de vie des résidents. Ainsi la notion de vivre ensemble est nativement intégrée dans les logements. Les bâtiments doivent désormais être évolutifs à l’image de l'arrêté “Douche zéro ressaut” publié au Journal Officiel le jeudi 17 septembre . Ces initiatives permettent de travailler pour le bien commun. Et lorsque les projets immobiliers intègrent les besoins spécifiques des personnes, c’est également l’acheminement de ces citoyens dans l’espace urbain, l’accessibilité des logements, la signalétique ou encore l’automatisation des bâtiments qui sont pris en compte dans la réflexion initiale. Aujourd’hui, de nombreux projets d’habitat inclusif se déploient dans des projets de rénovation ou de reconstruction. Des initiatives ont été lancées depuis plusieurs années notamment par les associations. Les bailleurs sociaux et les constructeurs sont de plus en plus sensibles à cette démarche. C’est pour créer cette mise en mouvement collective que nous travaillons ensemble, au sein du Gouvernement, avec mes collègues en charge du logement, des territoires, et de l’autonomie.

Zepros : Comment fonctionne cette Aide à la Vie Partagée (AVP) et comment sera-t-elle octroyée ?

S.C : Inscrite dans la 5ème branche « autonomie » de la sécurité sociale, cette mesure sociétale doit contribuer à améliorer concrètement le quotidien des Français afin de les accompagner dans leur volonté d’autonomie. L’AVP sera octroyée aux habitants d’un habitat inclusif dont le bailleur ou l’association partenaire a passé une convention avec le département, et visera à financer les services d’accompagnement à la vie ensemble. Les conventions d’AVP signées avec les départements pendant cette « période starter » seront cofinancées à hauteur de 80% par la CNSA. L’amendement, voté en ce sens dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 permet la mise en œuvre de l’AVP dans le règlement départemental d’action sociale. En termes de calendrier, 40 départements pilotes* devraient s’engager au cours de l’année 2021 ; l’objectif est de porter leur nombre à 60 à compter de 2022 avec, pour chaque département investi, 10 projets soutenus par la CNSA. Le montant prévisionnel sanctuarisé par le Gouvernement atteindra ainsi 20 millions d’euros dès 2022, correspondant au financement d’environ 600 projets de 5 à 10 logements sur l’ensemble du territoire départemental. Ces projets concernent aussi bien la rénovation que la construction neuve et ont déjà été identifiés pour une partie. Les contraintes administratives sont ainsi grandement réduites. C’est également un gage de pérennisation de l’accompagnement pour les familles. L’objectif est d’offrir le choix d’un logement individualisé, accompagné et partagé pour permettre d’accéder à l’autonomie et à la vie sociale et locale. Dans le droit commun, les personnes seront locataires ou même propriétaires.

Zepros : Ces logements auront-ils une construction labélisée ? Comment allez-vous embarquer les acteurs du BTP ?

S.C : Non il n’y aura pas de label ni de cahier des charges précis car les logements vont être pensés et adaptés selon les besoins. L’objectif n’est pas de normaliser un habitat inclusif mais de s’adapter selon les types de chantier et les futurs résidents. Mais dans tous les cas, le respect des normes d’accessibilité reste impératif. Avec les autres ministres en charge, nous allons désigner un chef de projet pour sécuriser le déploiement de cette mesure « starter », et animer dans les territoires la dynamique. L’objectif est de se rendre dans les départements pilotes pour mobiliser les acteurs locaux comme les architectes, les bailleurs et les promoteurs. Nous allons également nous appuyer sur les salons dédiés aux constructeurs pour informer les acteurs du secteur sur cette AVP. Nous devons aussi prendre en considération l’importance de la domotique au service du bien être chez soi. L’Habitat inclusif peut être un laboratoire permanent de ces nouvelles technologies. L’Habitat inclusif ne représente pas un surcoût mais un investissement pour l’avenir. Par exemple, en intégrant la domotique nativement durant la construction, les coûts baissent naturellement sur la durée.

Zepros : Quelles sont les prochains dossiers autour du Handicap ?

S.C : Nous souhaitons accompagner davantage les collectivités locales sur la mise en accessibilité des établissements recevant du public comme les commerces de proximité par exemple. Pour ce faire, nous allons déployer des ambassadeurs de l’accessibilité. Ces 1000 jeunes en service civique vont accompagner les collectivités dans les discussions avec les responsables de ces établissements. Des solutions pragmatiques existent en matière d’accessibilité, il faut les faire connaître, et amener les collectifs à penser usage et cheminement. Nous allons mettre en œuvre cette mesure au premier trimestre.

Entretien réalisé par Marie-Laure Barriera et Jérémy Becam

* Rédigé et piloté par Denis Piveteau et Jacques Wolfrom, le rapport « Demain, je pourrai choisir d'habiter avec vous » établit une liste de 56 propositions pour promouvoir « l'habitat accompagné, partagé et inséré dans la vie de la cité » (API).

* La liste des départements ayant exprimé leur intérêt pour l’habitat inclusif : Métropole de Lyon ; Saône et Loire ; Sarthe ; Paris ; Tarn et Garonne : Seine Saint Denis ; Collectivité européenne d’Alsace ; Val de Marne ; Val d’Oise ; Martinique ; Calvados ; Cotes d’Armor ; Dordogne : Haute Garonne ; Gard ; Gironde ; Landes ; Loire-Atlantique ; Manche ; Maine et Loire ; Meurthe et Moselle ; Morbihan ; Nièvre ; Nord ; Oise ; Pyrénées Atlantiques ; Hautes-Pyrénées ; Pas de Calais.

Jérémy Becam
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