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La crise du recrutement dans le bâtiment ? Ça n’existe pas ! Interview de Luc Barillon

Denis Gentile
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Luc Barillon, gérant de l'entreprise Leboeuf Fillon

Comment affronter les crises ? Par exemple,  celle du recrutement dans le bâtiment ? La réponse est simple : en innovant ! En voici la preuve avec Luc Barillon qui a transformé l’entreprise Leboeuf Fillon en véritable marque employeur. Interview.

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En ce début d’année, Zepros Bati a publié plusieurs articles sur la crise du recrutement dans le bâtiment. Par exemple, une entreprise qui ne trouve pas de couvreurs-zingueurs, une autre qui cherche désespérément un plombier qualifié et même Bricoman qui recrute massivement, mais qui reçoit peu de candidatures. 

Alors, comment faire pour attirer des artisans ou des travailleurs compétents dans le secteur du bâtiment ? 

L’entreprise Leboeuf Fillon a trouvé la solution. Comment ? En innovant ! Ils ont instauré la semaine de 4 jours et ça marche. Son gérant Luc Barillon a répondu à nos questions.

La semaine de 4 jours

Luc, comment as-tu eu cette idée ? 


« 
Ça ne date pas d’hier. J’avais mis en place la semaine de 4 jours dans une autre boîte de plomberie, il y a déjà dix ans de cela. J’ai appliqué la même recette chez Leboeuf Fillon.

Pour recruter aujourd’hui, un dirigeant doit être inventif. Comme dans les grands groupes, je propose la prise en charge de la mutuelle à 100%, un intéressement trimestriel, une participation aux bénéfices, mais la mesure qui agit comme un véritable propulseur, c’est la semaine de 4 jours. 
Mes employés travaillent du lundi au jeudi, ou du mardi au vendredi. Prochainement, je vais aussi proposer du mercredi au samedi. »

Et ils travaillent combien d’heures ?

« C’est 36 heures pour 4 jours avec une heure de pause pour le déjeuner. »

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L'entreprise Leboeuf Fillon
L'entreprise Leboeuf Fillon

Est-ce que tu crois que c’est applicable dans toutes les entreprises ?

« Non, c’est applicable dans certaines professions et tailles d’entreprise. »

Dans le secteur du bâtiment ?

« Oui, cela a du sens, mais il faut avoir plusieurs équipes dans son entreprise. »

Comment es-tu organisé ?

« Mes équipes travaillent en binôme avec un gars plutôt capé et l’autre en devenir.  À deux, on travaille plus efficacement et plus vite. Pour l’installation d’une pompe à chaleur, un ouvrier seul mettrait 3 ou 4 jours. Là, en 2 jours, c’est réglé, finitions comprises, les dossiers « Prime CEE » et « Ma Prime Renov » bouclés, contrat de maintenance proposé au client. »

Pas de crise du recrutement dans le bâtiment

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Les visages de l'entreprise Leboeuf Fillon
Les visages de l'entreprise Leboeuf Fillon

Vous êtes combien dans ton entreprise ?

« 48 au total dont 37 plombiers sur le terrain. Quand j’ai racheté l’entreprise le 1er octobre 2019, ils n’étaient que 13.

Pour faire de la croissance, il fallait trouver rapidement des équipes. J’ai aussi ouvert un point de vente, une boîte de maintenance, une section électricité, j’ai repris une autre entreprise. Tout ça en deux ans et sans aucun problème de recrutement. Franchement, je n’ai pas du tout souffert pour recruter. »

La conception du travail est en train d’évoluer. On était resté figé dans un modèle où le travail était roi. Car il fallait tout sacrifier pour lui. Par exemple, en travaillant tout le temps, parfois même pendant l’heure du déjeuner ou le week-end, avec des réunions à 18 h qui s'éternisent, etc. Mais surtout, malheur à vous si vous refusiez de vous plier à ces règles. Vie privée réduite, vie de famille inexistante, le cadre n’était pas réjouissant. Comment pouvions-nous nous épanouir dans ce système ? Je parle en connaissance de cause, car j’ai vécu cela. Quelle est ta conception du travail ?



« Je plains certains de mes anciens collaborateurs qui bossent dans de grosses boîtes avec des règles strictes, de la rigueur à tous les étages, des réunions qui ne servent à rien à 18 h. C’est une conception du travail complètement dépassée. On oublie la légèreté nécessaire, l’autonomie du personnel, la responsabilisation des gens pour qu’ils s’épanouissent. »

Leboeuf Fillon ? Une marque employeur !

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Camionette Leboeuf Fillon
Moins de consommation de carburant. Inutile de préciser qu’aujourd’hui, c’est loin d’être négligeable !

Pourrais-tu nous expliquer les principaux avantages de la semaine de 4 jours : pour l’entreprise, les employés , mais aussi le client ?

« Il y a d’abord une part économique évidente : un jour de moins, c’est moins d’indemnités kilométriques et un panier-repas en moins. Quand on multiplie ça par 50 ou 100 personnes par semaine, ça fait une sacrée économie. Il y a aussi un véhicule qui tourne moins. Moins de consommation de carburant. Inutile de préciser qu’aujourd’hui, c’est loin d’être négligeable. 

Sur l’aspect social, et encore plus dans une période post-COVID, les gens ont apprécié avoir plus de temps libre.  Un jour de repos en plus, c’est un vrai confort.

Sur le plan du recrutement, je peux même affirmer que j’ai même le choix d’embaucher mes collaborateurs. On est devenu une marque employeur et on reçoit plein de candidatures. Je recrute les meilleurs, avec une tête bien faite, une bonne mentalité. 

C’est plus facile d’avoir une boîte avec 50 ou 100 employés, que moins d’une dizaine. Si tu perds une personne dans une boîte de 5, ça te fait tout de suite 20 % d’activités en moins. 

Enfin, les clients sont ravis, car mes équipes travaillent vite et bien, et dans la bonne humeur. »

Est-ce que tu as eu des difficultés à mettre en place cette semaine de 4 jours ?

«  Oui, quand j’ai repris la boîte et je l’ai annoncé aux équipes en place, certains ont été dubitatifs. Tout de suite, ils ont fait des calculs et ils avaient l’impression d’y perdre quelque chose comme les indemnités kilométriques ou le panier-repas. Mais bon, je n’oblige aucun employé à vouloir bosser 4 jours. Ils peuvent très bien choisir de faire une semaine de 5 jours. »

Et il y en a ?

« Au départ, il y en avait quelques-uns, mais aujourd’hui, il n’y en a plus ! »

Finalement, on se rend compte qu’on peut travailler un jour de moins, être attentif aux besoins de ses employés et voir son activité croître et faire du bénéfice. Alors qu’on est en pleine campagne électorale, peut-être devrais-tu t’entretenir avec les candidats, ils pourraient s’inspirer de ton expérience ?

Dans mon entreprise, on ne travaille pas moins. Je reste sur le régime obligatoire des 35 heures. C’est juste l’organisation qui est différente. Il ne faudrait pas que certains politiques comprennent que l’on travaille moins pour le même salaire, ça ne se passe pas comme ça. 

Ils peuvent s’en inspirer, comme vient de le faire un de mes amis qui a une entreprise de plus de 350 salariés. Avec au moins 280 personnes sur les chantiers et 200 camions qui vont tourner un jour de moins, il va faire de sacrées économies.

Un Baromètre de la satisfaction client

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Adrien et Pierre, l'un des binômes chez Leboeuf Fillon
Adrien et Pierre, l'un des binômes chez Leboeuf Fillon

Luc, vous avez une bonne stratégie digitale avec des résultats significatifs. Si on jette un œil sur votre profil Eldo, vous avez plus de 230 avis et une note moyenne proche du 5 sur 5. Ça, ce sont les chiffres, comment cela se traduit-il sur le terrain au contact de vos clients ?

« C’est SynerCiel (lire notre interview de Philippe Christophe, le président de SynerCiel) qui m’a présenté Eldo (lire aussi notre interview de Jean-Bernard Melet, le fondateur d’Eldo). 

J’avais envie de mettre en place un baromètre de satisfaction client. C’est ce que m’a proposé Eldo qui est en train de devenir le TripAdvisor du bâtiment. 

Cette présence sur Eldo nous donne une bonne visibilité avec un fort impact sur les clients, mais pas seulement. Le deuxième effet, c’est sur mes équipes. Souvent, les clients parlent d’eux, de leur gentillesse, de la propreté des chantiers, de leur discrétion, de la qualité de leur travail, etc. Ils ont un vrai retour client, ça leur fait plaisir et les motive. J’ai d’ailleurs intégré la satisfaction client dans l’intéressement trimestriel. »

Tu vois le bon côté des avis client sur le web. En revanche, parfois, des artisans et des entreprises du bâtiment s’attachent plutôt à l’autre face et ils ont peur des commentaires négatifs. Tu les comprends ?

« C’est vrai qu’on a surtout de bons avis et ils doivent bien refléter la réalité du terrain. Parfois, on prend une « baffe », ça nous arrive aussi. On n’a pas fait le job, alors on tente d’y remédier. Mais on n’est pas à l’abri des commentaires douteux par un gars qui te veut du mal. Mais, tu peux renverser la situation grâce à la pertinence de tes réponses.

Ces avis, bons ou moins bons, sont constructifs et ils t’obligent à faire mieux ton travail.

Je crois qu’il ne faut pas lutter contre ça. Moi, en tant que consommateur, c’est devenu un réflexe de consulter les avis des clients avant n’importe quel achat ou réservation dans un restaurant, hôtel, etc.

Ce que je fais moi, mes clients le font aussi avant de prendre contact avec nous. »

Certains artisans affirment se contenter du bouche-à-oreille pour trouver de nouveaux clients. Tu es d’accord avec eux ?

« Pourquoi pas ? Un artisan qui est seul et qui fait moins de 10 000 euros de chiffre d’affaires par mois, il peut y arriver avec le bouche-à-oreille. Pour mon entreprise avec 50 employés et 500 000 euros de chiffre d’affaires par mois, non le bouche-à-oreille, ce n’est pas suffisant.

Le web et les réseaux sociaux, c’est une chance et c’est indispensable. »

Un outil ? Un niveau à bulle !

Luc, peut-on bien faire ton métier sans passion ?

« Il faut faire les choses avec ambition, volonté et forcément de la passion. Je fais un métier passionnant et c’est parce qu’il est passionnant qu’on cherche à le faire mieux. »



Est-ce que c’est le métier que tu rêvais faire quand tu étais plus jeune ? Est-ce qu’il y a un moment dans ta vie où tu t’es dit « je veux faire ça » ?

« Pas du tout. Après mon service militaire, je suis parti dans une filière technique. J’ai fait d’abord une formation en plomberie, puis en électricité. Là, je me suis amusé dans ce que je faisais. C’est comme ça qu’est née ma passion, en m’amusant dans ce que je faisais. » 



Dans nos articles, nous donnons des conseils aux artisans pour communiquer sur les Réseaux sociaux, l’un d’entre eux est « si vous voulez qu’on s’intéresse à vous alors, intéressez-vous d’abord aux autres ». Par exemple, c’est à l’initiative de Bricoman que cette rubrique a été créée et c’est Jean-Bernard  Melet que j’ai déjà interviewé qui m’a parlé de toi.  Quel professionnel du bâtiment aurais-tu envie de mettre en avant à ton tour ?

« Oui, je connais une entreprise de maçonnerie avec à sa tête un gars très sympa, un super pro, un bon manager, fédérateur, toujours enthousiaste et vif d’esprit. Il a créé une belle boîte. »

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Niveau à bulle Kenston chez Bricoman
Niveau à bulle Kenston chez Bricoman

Avec une telle présentation, j’aimerais le rencontrer dès demain ! De qui s’agit-il ?

« Il s’appelle Sylvain AMIARD de Bv2i, les bâtisseurs du Val de L’Indre et de l’Indrois. »



Si tu étais un outil que tu utilises et qui exprime bien ton métier ou ta personnalité, tu serais… 

« Si j’étais un outil, je serais un niveau à bulle parce que ça cherche la justice et le bon équilibre des choses ! »

Il n'y a pas plus belle conclusion, merci Luc.

Denis Gentile
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