La FFB redoute d’être frappée par une énième crise

Grégoire Noble
Image
Olivier Salleron président FFB

Après la pandémie mondiale, après la pénurie de matériaux et composants, après la flambée de l’énergie, voilà la "3e guerre mondiale" (et pire encore, l’idée de Zéro Artificialisation Nette). Il n’en fallait pas plus pour affoler la Fédération française du Bâtiment qui demande la mise en place de mesures de soutien complémentaires à celles déjà annoncées récemment. Exposé d’Olivier Salleron, le président de la FFB.

Partager sur

Le secteur était presque parvenu à se stabiliser après avoir réussi à traverser toutes les crises précédentes : le Covid n’avait finalement stoppé les chantiers que quelques semaines, la reprise économique asiatique anticipée n’avait pas eu raison de la construction française, la hausse des prix de l’énergie ne l’avait pas mis à terre non plus. Mais c’est maintenant l’intervention russe en Ukraine qui terrorise le monde du BTP. Olivier Salleron craint que les chenilles des blindés du Kremlin ne mettent à genou la construction française : « Il y a un décrochage dans la construction de maisons individuelles qui ne se voit pas sur les permis de construire accordés, qui s’envolent (+30 %). Mais il s’agit d’un afflux des derniers permis de 2021, avant l’entrée en vigueur de la RE2020. Il s’agit d’un effet de précipitation. Les ventes dans le diffus, elles, ont chuté de 15 %. Et la ‘Zéro Artificialisation Nette’ pèse aussi sur l’activité, avec des collectivités qui s’arrêtent tout simplement de construire, même si l’entrée en vigueur n’est qu’en 2031 ! ».

Face à cette situation, la FFB demande des éclaircissements sur le projet de décret, qu’elle juge pour l’heure difficilement compréhensible, en raison de termes flous et diversement interprétables comme « sols ligneux » ou « à proximité ». Le phénomène de baisse de l’offre, se ressent dans l’individuel mais également dans le collectif et dans le tertiaire. Autres difficultés, déjà connues celles-ci, les fortes hausses des matières premières dont celle des minerais comme l’aluminium, le nickel, le fer, l’étain ou le titane, utilisés dans toutes les industries de la construction, et donc l’Ukraine et/ou la Russie étaient de gros exportateurs. Une augmentation qui se combine avec celle de l’énergie (gaz et électricité) dont les cours jouent aux… montagnes russes. « Il y a de la spéculation conjuguée à de l’incertitude, proche de l’hystérie. Il nous faut retrouver du calme face à une situation difficile », martèle Olivier Salleron, qui estime que les difficultés d’approvisionnement vont devenir récurrentes.
 

Sous performance ou sous perfusion ?

Le président de la FFB se félicite d’ailleurs que le secteur du BTP – initialement oublié du plan de résilience – ait finalement été intégré. Le secteur bénéficie de différentes mesures, dont la révision des prix et le gel des pénalités de retard pour les marchés publics, la possible négociation de ces pénalités dans le cas des marchés privés avec l’entrée en vigueur de la théorie de l’imprévision, et la publication accélérée des index BT ramenée de 90 à 45 jours conférant ainsi 1,5 mois de plus de trésorerie. La FFB apprécie également le soutien renforcé aux PAC et autres systèmes de chauffage durables (biomasse, solaire thermique) en contrepartie d’une sortie progressive du gaz. « Mais c’est encore insuffisant », tonne Olivier Salleron. La filière attend des mesures complémentaires dont le gel des pénalités de retard sur tous les marchés (publics ou privés) et surtout la prise en charge intégrale par l’État de l’activité partielle sur les chantiers qui seraient arrêtés par manque de matériaux. Elle espère aussi l’allongement de la durée de remboursement des Prêts Garantis par l’Etat (PGE) qui seraient « compliqués à rembourser dès maintenant » ainsi que la mobilisation immédiate des créances de « carry back » en cas de bilan très dégradé de l’entreprise. Enfin la FFB souhaite que l’indexation devienne systématique pour tous les marchés afin de « s’inscrire dans un monde inflationniste ».

En sus, la fédération du bâtiment entend se faire aider pour pouvoir respecter la nouvelle réglementation sur le neuf, au moyen d’une « Prime RE2020 » afin de compenser les surcoûts évalués entre +5 et +15 %, « selon les matériaux et matériels choisis, dont la PAC beaucoup plus chère qu’une petite chaudière murale au gaz ». La FFB assure toutefois que cette différence s’amortira avec le nombre croissant de projets. Mais, en dépit de ce tableau très noir de la situation tant nationale qu’internationale, Olivier Salleron annonce finalement que le secteur de la construction fera aussi bien en 2022 qu’en 2021… 
 

Tout le secteur de la construction vote pour un super-ministère

Elles ont toutes signé : FDMC et FNAS, AIMCC, FFB et Capeb, toute la filière béton (Unicem, SNBPE, UNPG, FIB) et filière bois (UICB), UNSFA et CNOA, Cinov et Untec, Fnaim et FPI, Unam et USH… Tout ce que le monde de la construction et de l’immobilier compte en France (ou presque) a répondu présent pour suggérer, au (à la) futur(e) chef(fe) de l’Etat de constituer un grand ministère de la Construction durable et de l’Aménagement du territoire », digne héritier du ministère de l’Équipement des années 1990.

Ce portefeuille, regroupant les questions de logement, de politique de la ville et des infrastructures notamment de transport, permettrait selon les professionnels de « dégager une vision d’ensemble et une stratégie dans le domaine de la construction, de l’habitat, des mobilités et de l’aménagement ». De quoi assurer un travail plus simple, lors des discussions budgétaires ou réglementaires, avec un interlocuteur unique, capable de peser davantage dans les arbitrages interministériels. Mais intégrerait-il également les questions de production énergétique décentralisée par exemple ? Ou d’artisanat et d’apprentissage ? Un contour élargi, certes, mais qu'il sera difficile d'arrêter précisément.

Grégoire Noble
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire