
Comment Alkern s'intègre dans la stratégie Holcim

Xavier Janin (président d'Alkern) dévoile les dessous du rachat du préfabricant béton par Holcim, le cimentier suisse qui détient déjà Lafarge et PRB en France. Une stratégie commune de décarbonation et de diversification des activités pour éviter d'être trop exposé à un seul segment au sein du vaste monde du BTP et de l'aménagement.
Le spécialiste de la préfa béton Alkern a su séduire le géant Holcim avec de solides arguments. Car le groupe suisse – qui va faire entrer en Bourse ses activités nord-américaines séparément du reste – souhaite s’orienter davantage vers les solutions de construction que les seuls matériaux. Jusqu’ici, Alkern avait été détenu par deux fonds d’investissement. Désormais, c’est sur un industriel qu’il pourra s’appuyer afin de poursuivre son développement. Xavier Janin (président), qui explique avoir été à l’origine de ce rapprochement, explique : « Holcim fait entrer en bourse ses activités nord-américaines séparément. Le restant du groupe – qui réalise tout de même 17 Mrds € de CA avec 48 000 collaborateurs – souhaite équilibrer son activité entre matériaux (granulats et ciments) et solutions de construction (béton, distribution). Le but est de passer de 66-33 % à 50-50 % en 2030. D’où la nécessité de doubler la taille du pôle Solutions, ce à quoi Alkern va participer ».
En France, l’ETI qui emploie 1 000 personnes sur une cinquantaine de sites industriels et génère un chiffre d’affaires de plus de 250 M€, se trouvait jusqu’ici « coincée » entre des mastodontes amont (cimentiers) et aval (distributeurs ou majors du BTP). L’intérêt pour les deux acteurs industriels, Alkern et Holcim, est donc réciproque. D’autant que des mouvements de cession/acquisition sont en cours dans le secteur : KP1 racheté par le fonds JAV, Rector-Lesage qui prend le contrôle de Techni Prefa et Granuland, Chausson Matériaux qui rachète Frans-Bonhomme, Samse qui reprend VM Matériaux et LNTP…
Doubler le CA d’ici à 2030
La gouvernance restera en place. Aucune exclusivité ne sera exigée à Alkern pour la fourniture des ciments entrant dans la composition de ses éléments préfabriqués. Si Holcim-Lafarge ne parvient pas à fournir la meilleure solution, tant pis ! Le géant devra alors redoubler d’efforts pour développer une formulation mieux adaptée aux besoins du préfabriquant. « Nous allons continuer à innover et à nous consolider, peut-être avec d’autres rachats », confie Xavier Janin. Selon lui, les grandes tendances à venir porteront sur la raréfaction des ressources, sur les problèmes d’attractivité du secteur, et sur les évolutions technologiques et normatives. L’activité, en 2025, sera compliquée dans le bâtiment (-33 % par rapport à 2023 !) tandis que les travaux publics et l’aménagement extérieur se maintiendront. Alkern a investi près de 10 M€ dans une nouvelle usine, en cours de construction en Normandie, qui produira plus de 100 000 tonnes/an de produits préfabriqués en 2026, notamment à base de miscanthus et pouvant intégrer la solution Airium de Lafarge pour l’isolation minérale. Avantage supplémentaire : une sablière Lafarge se situe à proximité de l’établissement.
Se projetant encore plus loin, en 2030, Xavier Janin imagine une entreprise Alkern ayant doublé son activité à 500 M€ et embauché à tours de bras (1 800 collaborateurs), tout en diminuant son « intensité carbone » de -30 % sur les scopes 1 & 2 (passant de 5700 à 3800 t/an) et de -17 % sur le scope 3 (passant de 294 000 à 243 000 t/an). Comment ? « En électrifiant les flottes, en substituant l’énergie fossile par du photovoltaïque, en baissant le poids carbone des ciments, en utilisant des liants de substitution et en optimisant », précise le dirigeant. Une vision optimiste mais réaliste ?
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