L’après-midi, c’est au tour de Steve Le Bris, le directeur de la filiale française. Autour de moi, il y a Claudine Martinez de l’agence digitale Tokster, Coralie Rocha de l’Association Génération Numérique et Damien Kurt, le chef des ventes France.
C’est la première fois que je réalise une interview avec du public !
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Steve ou Stève ?
Steve, ma première question est sur ton prénom. On doit prononcer Stève à la bretonne ou Steve à l’anglaise ?
« C’est une bonne question, car il y a deux personnages. Le Steve que tout le monde connaît professionnellement et puis Stève avec un accent grave, qui appartient à la sphère privée. Ce n’est pas le même. Le Steve est plus entreprenant et Stève est plus à l’écoute. »
Pourtant, après avoir fait l’interview de tes employés, je sais que la qualité principale de Steve dans son entreprise est d’être à l’écoute.
« Oui, mais Steve dirige, Stève écoute. Ce n’est pas pareil. Il faut l’écoute pour pouvoir diriger. »
Stève est un prénom à consonance bretonne, d’où viens-tu ?
« Je suis né et j’habite à Argenteuil dans le Val-d’Oise. J’ai pas mal vadrouillé. J’étais responsable de projet chez Alcatel en recherche et développement sur la fibre optique. J’ai travaillé dans le Nord, en Allemagne, en Suisse, aux États-Unis et au Brésil. »
Qu’est-ce qui te reste de cette expérience aujourd’hui ?
« La vision globale, en fait. La capacité d’avoir une vision assez haute pour pouvoir cerner le problème. Quand on est dirigé par des polytechniciens, on développe une grande écoute, de la réactivité, on sait aller dans les détails. Et puis aussi, développer des produits. »
Un Breton inoxydable
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Un Breton inoxydable
Sur la question suivante, je me doute de la réponse, mais tu peux nous surprendre. Si tu étais un matériau, tu serais ?
« L’aluminium ! »
C’est surprenant de ta part, puisque c’est un matériau concurrent du PVC, non ?
« Non, mais je n’allais pas répondre le PVC, c’était trop banal. »
Autour de nous, surpris par la réponse de Steve, on entend notre public réagir. Il propose alors un autre matériau.
« L’inox. C’est comme les Bretons l’inox. Un Breton est inoxydable ! Comme un rocher, le ciel peut nous tomber sur la tête, on n’en bougera pas, on reste toujours là. »
Tu viens de nous dire que tu es d’Argenteuil. Aux dernières nouvelles, ce n’est pas en Bretagne.
« Je suis né à Argenteuil, mais toute ma famille est bretonne, du Morbihan. »
Vinyl = PVC
On change de sujet, si je te dis automobile, tu me réponds quoi ?
« J’aime l’automobile. C’est une grande passion, même si j’y consacre de moins en moins de temps. »
Tu fais une collection ?
« J’ai eu de vieilles voitures, maintenant, je suis passé à des modèles plus modernes. Et j’aime courir sur des circuits. C’est un exutoire pour moi.
Ta voiture préférée ?
« Une italienne, une vraie italienne. » (Je souris)
D’une couleur particulière ? (Il sourit)
« Non, mais avec un animal qui court. »
Tout le monde y va de sa suggestion et vous, avez-vous deviné de quelle marque il s’agit ?
Est-ce que tu écoutes beaucoup de musique ? Et surtout peux-tu me dire quel est ton vinyle préféré ? Car « vinyl », c’est le mot anglais pour désigner le PVC.
« Je ne suis pas de la génération des vinyles. »
C’est une indication sur ton âge, tu es plus jeune que moi. D’ailleurs, je déteste les vinyles. Pour moi, c’est un vrai cauchemar, car c’est synonyme de disques rayés et du son qui grésille.
« Mais c’est ce qui fait son charme. J’écoute de tout de Gainsbourg aux rappeurs d’aujourd’hui. »
La question mystère
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Aurore Pourplanque, Responsable administrative et financière chez First Plast France
La question suivante, ce n’est pas moi qui te la pose, mais quelqu’un qui travaille avec toi. À toi de deviner de qui il s’agit. « Monsieur Le Bris comment faites-vous pour gérer une PME avec autant de ténacité et de véracité ? »
« J’ai du sang breton. Donc les marées, les tourmentes (ndlr : tempêtes soudaines), ça fait partie de nous, sinon… on meurt ! »
Et qui t’a posé cette question ?
« Aurore ! »
Bravo Steve, c’est la preuve, s’il en est, que tu connais bien tes employés. Je recommande d’ailleurs la lecture de son interview.
Mon oncle
Est-ce que tu pourrais nous raconter un moment déterminant dans ton passé qui fait que tu es là aujourd’hui ? Je sens Steve un peu perturbé, il se met à tapoter du bout des doigts sur le comptoir du stand.
« Ça va être moins drôle. C’est le décès de mon oncle. »
Il cherche un peu ses mots, visiblement ému.
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Steve Le Bris raconte le moment qui a changé sa vie
« Il m’a fait comme… un passage de témoin. Il a fait pas mal de choses dans sa vie. Il était ingénieur. Pendant son service militaire, il était dans les paras. Lors d’un saut, il était le premier à s’élancer. Malheureusement, le filin a cassé. Il est tombé, il est devenu paralysé. On lui a dit que sa vie serait compliquée désormais, qu’il ne pourrait jamais avoir d’enfants, etc.
J’ai deux cousines, il a donc eu deux filles. Ensuite, il est devenu pilote d’avion professionnel. Il a fait le tour du monde avec son avion. Il a refait vivre le service postal aérien. Il ne s’est pas arrêté là. Il a été psychologue et sexologue avec son cabinet aux Invalides à Paris. C’est le premier non médecin à réussir cela. »
On est tous impressionnés et émus à notre tour. Steve tient à citer une autre personne.
« Ma mère est de la même trempe, sauf qu’elle n’est pas handicapée. Elle a dirigé les Galeries Lafayette. Dans la famille, on est comme ça, je suis né comme ça. On avance. S’il y a un problème, on va le prendre. Comme l’incendie de l’entrepôt First Plast à Chelles. »
Comment fais-tu pour transmettre cet état d’esprit à tes équipes ?
« Je leur dit qu’il faut extérioriser le problème. Il faut le déshumaniser. Prendre du recul pour aller de l’avant. »
Aller de l’avant, tu ne fais donc pas partie de ceux qui disent que c’était mieux avant.
« Non, c’est mieux demain. On va pouvoir affronter ce qui arrive. D’ailleurs, j’ai un côté protecteur. J’aime bien protéger tous mes salariés, un peu comme un Saint-Bernard. »
Les fontaines de Vals-les-Bains
Quel est ton lieu préféré ? Celui où tu trouves l’inspiration, celui dans lequel tu te sens bien. J’imagine que c’est en Bretagne.
« En Ardèche ! »
Steve me prend encore à contre-pied.
« À Vals-les-Bains. J’ai grandi là-bas. Ma grand-mère est originaire de l’Ardèche. Tous les étés, j’y allais en vacances. C’est une ambiance apaisante. Je me souviens des grandes fontaines avec l’eau thermale qui jaillit à intermittence. » (ndlr : 4 fois par jour)
Ce matin, Omar a souvent évoqué la famille dans son interview. Et je retrouve ça chez toi. Dans tes réponses, on retrouve tes souvenirs avec ta famille, des lieux avec ta famille. On a l’impression que ton profil et ton état d’esprit s’adaptent parfaitement à cette société.
« Ou le contraire ! »
Infos et Intox
Après le calme des fontaines, on va passer à la tempête. Quel est ton coup de gueule en ce moment ?
« Entendre trop d’infos erronées. L’information va trop vite aujourd’hui, elle n’est pas maîtrisée. »
Le PVC est une matière recyclable à 100 %, à l’infini et à faible émission de CO2
Dans nos autres interviews, tu as approfondi le sujet des idées reçues sur le PVC. On le confond souvent avec un vulgaire plastique. Pour aller dans ton sens, on peut affirmer que parfois l’information reste superficielle.
« On est de plus en plus manipulés. C’est cela qui ne va pas dans ce monde. »
Le débat s’anime. Claudine intervient :
« Ils diffusent des informations qui ne sont pas vérifiées ».
« C’est la reprise après le Covid. On a d’abord eu l’incendie en 2017. Puis, on a tout reconstruit et la crise sanitaire a débuté. Je n’ai pas eu de blessés pendant l’incendie et on a eu peu de cas de Covid. C’est grâce justement à l’esprit famille dans l’entreprise, de faire attention à l’autre. Le plus important, c’est de constater que toutes les personnes avec lesquelles on travaille n’ont pas eu de soucis de santé. »
Le challenge
De la famille à l’amitié, il n’y a qu’un pas. Est-ce que tu as des amis dans le bâtiment ?
« Il y a Coralie (il se tourne vers elle), il y a Virginie Lindo-Martinez (directrice de publicité chez Zepros), il y a Jean-Pierre Laherre, même si on ne se voit pas souvent, mais on échange sur LinkedIn. Je n’ai plus trop le temps d’aller dans des soirées avec les autres entrepreneurs du bâtiment. »
J’ai la chance de faire de nombreuses interviews d’artisans du bâtiment. Je remarque qu’ils deviennent amis, ils se retrouvent sur des chantiers. Est-ce que tu retrouves ce genre d’amitiés dans ton métier ?
« C’est bien, je comprends, mais dans ma position, c’est autre chose. Mon caractère est différent. Je suis entier et j’ai horreur de mélanger les deux. C’est l’histoire de mon prénom partagé entre Stève et Steve. Il y a une barrière que j’ai toujours fixée. Le pro, c’est le pro. On peut à la rigueur avoir du pro avec un peu de perso, mais vraiment un soupçon. »
Est-ce qu’il y a un jour ou tu t’es dit : « j’abandonne » ?
« Non, pas encore. »
Qu’est-ce que tu préfères dans ton métier ?
« Le challenge. »
Mais est-ce que ce n’est pas contradictoire de parler d’un côté de famille, d’écoute et de l’autre de défi ? Car le challenge, c’est souvent se confronter à quelqu’un d’autre.
« Non, le challenge, c’est une question de temps. Si tu n’as pas le temps, tu ne peux pas écouter les autres. Si tu veux réussir, tu es obligé de prendre du temps. »
Claudine intervient : « et si tu passes ton temps à écouter les autres, tu n’avances pas. » Et les deux en chœur : « Sinon, tu fais l’assistante sociale ! »
Le challenge est donc cette capacité à trouver le temps pour bien faire. Quelle est ta principale qualité ? La ténacité ?
« Oui, la ténacité, mais aussi l’optimisme, le charme, la séduction. »
Coralie suggère aussi que Steve est un excellent présentateur de ses produits.
Je lui réponds que Steve préfère communiquer sur l’humain et moins sur ses produits. En revanche, je suis d’accord, il passerait bien à la télé ou à la radio. À Batiradio par exemple, il y a peu de chefs d’entreprise dans ces émissions. Tu devrais y aller.
« Il y a Jean-Pierre, moi je suis trop timide ! »
Là encore, tu rejoins Omar Mantelli. Je lui ai demandé de parler d’un produit. Il a refusé. Pour lui, tous les produits First Plast sont à mettre en valeur.
« Oui, ils sont tous importants. On a des produits pour toutes les applications. »
Un pro du bâtiment
Si tu étais un outil du bâtiment ?
« Je serais une perceuse-visseuse. »
En effet, c’est l’outil majoritairement cité par les artisans. Est-ce que tu utilises cet outil ?
« Oui, mais quand j’avais plus de temps. »
Tu es un véritable bricoleur alors. Et tu n'es pas dans le bâtiment par hasard. Est-ce que tu as construit ta maison ?
« Non, mais j’ai rénové le dernier étage du sol au plafond ! J’ai fait l’isolation, j’ai mis le Velux, j’ai fait les soudures, la plomberie, le chauffage, l’électricité, les cloisons, le sol, la peinture. »
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Steve Le Bris, un vrai pro du bâtiment
C’est impressionnant, tous les artisans en un, comme un couteau suisse.
« Oui, ça vient de l’éducation que j’ai reçue de ma mère. À 8 ans, elle m’a montré comment changer un pneu sur mon vélo. J’ai été habituée à l’autorité maternelle. Je n’ai jamais eu le moindre problème avec les femmes, même pour me diriger. Chez First Plast, on a presque la parité homme-femme, il y a même plus de femmes. C’est juste une question de compétences.
Ma mère me racontait ce qui se passait dans les conseils d’administration. Ce n’était pas facile pour une femme. C’était il y a 40 ans. Il y a encore trop de préjugés aujourd’hui. »
Quand tu as fait la rénovation de ta maison, as-tu pensé aussi à l’environnement ?
« Il y a un jardin, j’ai planté des arbres : des noisetiers, des abricotiers, des lauriers, des palmiers, etc. »
Rester optimiste
Dans dix ans, qu’est-ce qui aura changé dans le bâtiment ?
« La façon de distribuer. Par exemple, il suffit de penser qu’il y a une dizaine d’années le numéro un du téléphone n’existait pas. »
Quand tu as débuté ta carrière le numéro un du téléphone en France, c’était Alcatel.
« Et Alcatel n’existe plus depuis 20 ans. Tout change vite. »
Quel est ton héros réel ou imaginaire préféré ?
« Hulk ! Sa carrure m’impressionnait. Quand il s’énervait, c’était drôle, il déchirait sa chemise et quand il redevenait normal, sa chemise était impeccable. »
Est-ce que tu as un message à faire passer ?
« De rester optimiste. »
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Steve Le Bris avec Coralie Rocha, Claudine Martinez et Denis Gentile : "Et tout le monde éclata de rire"
Avant de terminer l’interview, je propose à Steve de faire quelques photos. Alors pour nous mettre en situation, je lui pose encore une question : « Alors, on dit Steve ou Stève ?
« On dit plutôt Stève ! »
C’est un peu comme si on était entré ne serait-ce qu’un instant dans sa sphère privée.
Tu n’as pas l’impression que la vie est un éternel recommencement ?
