[Fidélisation client & crise Covid] Le négoce entretient la flamme !
Si les cartes de fidélité, cadeaux et remises ont toujours leur place aux comptoirs des enseignes, l’heure semble bel et bien à un retour aux basiques : convivialité, accueil clients irréprochable, disponibilité de l’offre, services premium... Inventaire et témoignages.
La crise sanitaire a-t-elle impacté la manière d’appréhender les mécaniques de la fidélisation clients ? « Oui et… non ! », estime pour sa part Louis Vignon, le directeur commercial de PUM. « Dès le premier confinement, le contact direct avec le client a été un peu, voire parfois beaucoup délité. Depuis deux ans, les équipes sur le terrain doivent faire face à une activité très dense, mais extrêmement complexe (tensions tarifaires, sur les approvisionnements, main-d’œuvre chez nos clients, etc.). En fait, la crise Covid nous a sans doute remis en mode retour aux fondamentaux pour supprimer tous les irritants ou, en tout cas, les atténuer », analyse-t-il. À l’issue de récentes enquêtes Client, l’enseigne a renforcé entre autres ses actions de formation et de sensibilisation à l’accueil clients : un basique de la fidélisation client dès le seuil de l’agence ou du comptoir.
Chez Euro CRM, l’un des acteurs majeurs de la gestion de la relation client en France, la direction a pour habitude de dire qu’« il est aujourd’hui plus complexe de satisfaire et conserver ses clients, car un client satisfait ne reste pas forcément fidèle à l’enseigne. Or la fidélisation a un impact direct sur la rentabilité ». D’autant que dans le Bâtiment, un artisan s’approvisionne en moyenne auprès de deux, trois, voire quatre agences différentes.
68 % des entreprises ont une stratégie de fidélisation BtoB.
(Source : Adetem, février 2022)
Dans une tribune publiée en novembre 2021 par le magazine Marketing Professionnel, Christophe Cotin Valois, fondateur et PDG de l’agence conseil Welcome Max, soulignait que si « le bénéfice client s’incarne généralement dans le prix ou le service […], l’attractivité des marques ne passe plus uniquement par la différenciation produit combinée à une approche “classique” de la fidélité ».
Par exemple, Au Forum du Bâtiment, les mécaniques traditionnelles évoluent. « Jusqu’à présent, les 40 000 porteurs de notre “Carte Pro” bénéficiaient de remises sur leurs volumes d’achat. Aujourd’hui, l’enseigne s’inscrit dans une logique de points fidélité à cumuler ouvrant droit à des cadeaux. Tout en proposant une politique de prix sur mesure pour chaque client, ce levier crée de la proximité avec le réseau », constate Salomé Lellouche, chargée du développement du groupe familial. Son service marketing digital aide en outre les clients à créer leurs profils sociaux, notamment sur Instagram.
« Au-delà d’une approche “classique” de la fidélité (cartes, réductions…), l’attractivité des marques passe par le service rendu : proposition de valeur, raison d’être et incarnation. »
Christophe Cotin Valois, PDG de Welcome Max.
De leurs côtés, Point.P et VM entre autres proposent depuis plus de quatre ans leur plateforme de services en ligne permettant aux artisans de réaliser, par exemple, leur propre site web. S’il est question d’épauler lesTPE et PME vers un niveau de maturité digitale, tous les dispositifs liés à la montée en compétence restent un autre levier de fidélisation. À l’instar des guichets uniques pour la gestion administrative des dossiers MaPrimeRénov’ et des CEE.
En janvier, lors de son 11e Carrefour des Partenaires, France Matériaux a annoncé, lui, la relance d’Horizon : un programme de recrutement et de fidélisation clients. Et a aussi dévoilé son programme Maestro. Les clients premium peuvent bénéficier de conditions de remises négociées sur des équipements et services qu’ils utilisent au quotidien. Ces deux programmes sont accessibles sur une plateforme digitale dédiée.
Autre levier pragmatique de fidélisation ? La mise à disposition de bennes pour collecter les déchets de chantier dans le cadre de la REP Bâtiment dont l’application est progressive jusqu’en janvier prochain. Là aussi, le négoce a un rôle d’accompagnement et de pédagogie d’autant que l’arrêté relatif au passage de l’obligation “5 flux” à “7 flux” d’ici à mars 2023 et “8 flux” en 2025 a été publié fin janvier. Finalement, tout ce qui fait la raison d’être des négoces peut être source de satisfaction client. Et de fidélisation en garantissant à l’artisan une expérience positive !
Avis d’expert • Jean-François Treil, directeur associé de l’agence Jour de Marché
« Contourner les irritants liés à la crise Covid »
UNE VISION RENFORCÉE DE LA FIDÉLISATION • Pénuries de matières premières, rallongement des délais de livraison, hausses tarifaires, tensions sur la main-d’œuvre dans les entreprises du BTP et dans les points de vente… : la crise Covid a produit plusieurs effets collatéraux en cascade. Si le négoce a dû trouver la parade pour s’adapter à ce contexte inédit jusqu’à élargir parfois son plan de référencement, la fidélisation reste – plus que jamais ! – un enjeu capital pour éviter une éventuelle évasion commerciale vers des enseignes concurrentes, les GSB ou des marketplaces. Les notions d’accompagnement au quotidien et de services “cousus main” restent au cœur des enjeux de la relation client. Dans un contexte tendu, le négoce reste le rouage essentiel dans la chaîne de valeur du BTP où la notion de confiance et de transparence dans les relations commerciales est devenue, sans doute, encore plus primordiale.
RAPPELER SA RAISON D’ÊTRE • Si les mécaniques classiques de fidélisation (remises sur achats, chèques cadeaux…) restent d’actualité dans l’univers de la distribution BtoB, les priorités des clients artisans ont sans doute un peu évolué avec la crise. La distribution Bâtiment n’est pas seulement là pour vendre des produits et solutions techniques. Elle doit être apporteuse de services et d’outils facilitateurs pour le quotidien des professionnels.
DES POINTS DE VIGILANCE • En agence, chaque commercial doit être en mesure de pouvoir assurer la meilleure disponibilité produits auprès des clients historiques et fidèles pour éviter les ruptures de charge sur leurs chantiers. Il s’agit aussi de communiquer en toute transparence sur les niveaux de stocks réels et l’évolution de la politique tarifaire. Il est important de penser l’expérience client et l’expérience collaborateur avec un effet miroir.
MONTÉE EN COMPÉTENCES DIGITALES • Création d’une vitrine en ligne et de profils sur les sociaux avec, entre autres, l’essor d’Instagram qui devient un levier commercial supplémentaire… : le négoce doit se positionner en facilitateur pour aider l’artisan à gagner en visibilité et en performance. Les partenariats entre enseignes et prestataires web se sont multipliés depuis ces quatre dernières années. Le but est de permettre à l’artisan d’être en phase avec les évolutions de ses marchés et de ses clients finaux.
RECRÉER DU LIEN DIRECT • La crise sanitaire et ses cinq confinements successifs ont démontré et rappelé s’il en était besoin que le Bâtiment reste un métier de contacts. Les négociants doivent donner encore plus de sens à la relation humaine malgré les contraintes de distanciation sociale. Après des mois de sessions de formation au format 2.0, les matinées techniques en présentiel et les roadshows du “monde d’avant” ont plus que jamais tout leur sens dans un environnement évolutif (RE 2020, RP Bâtiment…).
Chiffres-clés
• 42 % des entreprises jugent que la fidélisation est un levier de business avec leurs clients déjà en compte.
• 36 % utilisent ce levier pour ne pas perdre de clients.
• 43 % vont exploiter les outils d’intelligence client (segmentation, scoring…) pour faire évoluer leur stratégie.
• 6 % des entreprises seulement ont une connaissance fine du niveau de fidélisation des clients.
(Source : Association nationale des professionnels du marketing/Adetem-Praxis, étude février 2022)
Cashback • Les mécaniques s’adaptent
Dépassé et trop fastidieux le traditionnel coupon cadeau ? Dans le monde du BTP, l’écosystème de VIPros est sans doute l’un des programmes de fidélité les plus répandus. Lancée en 2018 par une association d’industriels, « notre plateforme digitale destinée aux artisans et, depuis l’an passé, à la filière agricole n’a qu’une ambition : nouer des liens directs entre les marques et les enseignes avec leurs clients pour les fidéliser autour d’offres promotionnelles », rappelle Hugues Lecomte, DG de VIPros.
Jusqu’à l’été 2021, ce programme multi-marques et multi-enseignes proposait des réductions 100 % dématérialisées via des VIPoints accordés lors des achats. Parmi les cadeaux : cartes cadeaux, palette de services telles qu’un pack de déclaration de travaux en ligne, la gestion amiable d’impayés par un huissier, des consultations juridiques et du coaching en management.
Désormais, VIPros et ses 27 marques partenaires déclinent aussi une offre Cashback : un système déjà en vogue en grande distribution. « Simple et rapide, elle se substitue aux traditionnelles offres de remboursement. L’artisan n’a pas à renvoyer ses preuves d’achat, ni codes-barres, ni RIB. Il se voit accorder du cash par les marques dont il a acheté les produits », détaille Hugues Lecomte.
Dans la foulée, un concept « disruptif » de bons de réduction immédiate en caisse a été lancée chez les négoces qui le souhaitent. Le dispositif dématérialisé octroie au client une réduction immédiate en caisse via la présentation d’un QR-code généré sur son smartphone. « Ce dispositif peut se greffer aux actions classiques de points cadeaux des négoces », précise ce spécialiste des outils de la relation client qui annonce plus de 1 000 agences partenaires et 60 000 artisans inscrits – des TPE et PME à 80 %.
À ce jour, plus de 7 900 produits – des matériaux aux consommables et EPI – sont référencées sur le site VIPros avec des offres de points fidélité et de cashback.
TÉMOIGNAGES DE NÉGOCIANTS
• Côté Web & Marketing • Des artisans au “Profil Expert” et “Ambassadeurs” chez Algorel
• Côté Pricing • Au Forum du Bâtiment dégaine sa nouvelle arme anti-crise
• Côté Services • PUM et sa stratégie des “petits pas”
• Côté Proximité • Pragmatisme à 360° à la Quincaillerie Portalet
EN RÉSUMÉ
• Qu’il soit professionnel ou particulier, acquérir un prospect coûterait en moyenne cinq fois plus cher en termes d’investissement (visites des commerciaux itinérants, campagnes d’e-mailing ciblées…) que fidéliser un client. Outre les programmes de fidélisation, le respect de la promesse client (délais, prix, services…) reste le b.a.-ba pour transformer la relation transactionnelle en partenariats avec les entreprises en compte… dans une économie post-Covid.
• Selon l’étude de l’Adetem publié en février 2022, seules 10 % des entreprises déclarent « très bien maîtriser l’intégralité de la démarche de fidélisation client ».En général, trois indicateurs sont utilisés pour la mesurer : le taux de satisfaction client (49 %), le scoring RFM qui s’appuie sur des critères d’appréciation des différents profils acheteurs (46 %) et, plus classique, l’évolution du CA ou de la marge (42 %).
• Sourire, convivialité, accueil chaleureux, petites attentions comme le coin café… : la fidélité client se cache parfois dans des détails.